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Grand changement : la SEC propose une divulgation des risques climatiques historique

Le 21 mars 2022, la Securities and Exchange Commission des États-Unis (la « SEC ») a dévoilé son projet de règlement sur l’information liée aux questions climatiques intitulé S7-10-22 – The Enhancement and Standardization of Climate-related Disclosures for Investors (le « projet »). Le projet exigerait des émetteurs qu’ils communiquent des informations précises liées aux questions climatiques dans les documents déposés auprès des autorités en valeurs mobilières, y compris les émissions de gaz à effet de serre (« GES »), les risques climatiques et leurs répercussions commerciales associées, ainsi que des informations sur les objectifs de ces personnes à l’égard des questions climatiques. Plus particulièrement, les émetteurs canadiens ayant des obligations d’information continue aux États-Unis en tant qu’émetteurs étrangers seraient assujettis à ces nouvelles obligations d’information proposées. 

Le projet constitue une évolution importante dans le mouvement mondial en faveur de la communication obligatoire d’information liée aux questions climatiques, puisque les émetteurs publics de la plus grande économie du monde seront bientôt tenus de divulguer de telles informations pour la première fois. Comme l’a déclaré Meredith Cross, ancienne directrice de la SEC, le projet représente « l’initiative la plus vaste, la plus complète et la plus compliquée depuis des décennies en matière de divulgation ». 

Les communications d’information envisagées par le projet sont semblables à celles qui sont requises par la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (« TCFD ») et le Protocole des GES, deux cadres volontaires largement utilisés. 

Le dévoilement du projet intervient près de huit mois après que Gary Gensler, président de la SEC, ait annoncé pour la première fois son intention d’élaborer un projet de règlement sur la communication d’information obligatoire en ce qui concerne les risques climatiques visant les émetteurs publics. Voir notre couverture de cette annonce ici. La période de consultation publique à l’égard du projet se terminera le ou vers le 20 mai 2022. 

Points forts du projet

  1. Il s’applique à toutes les sociétés cotées en bourse, y compris les « foreign private issuers », sous réserve d’une dispense pour les émetteurs canadiens qui déposent des documents dans le cadre du régime d’information multinational (le « RIM»).
  2. Il exige la communication d’information à l’égard des émissions de GES de portée 1 (émissions directes) et 2 (émissions indirectes à partir de formes d’énergie achetées) de tous les émetteurs.
  3. Il exige la communication d’information à l’égard des émissions de portée 3 (émissions indirectes des activités en amont et en aval dans la chaîne de valeur de l’émetteur) d’un émetteur si elles sont importantes ou si l’émetteur a précédemment fixé une cible ou un objectif de réduction des émissions de GES qui comprend ses émissions de portée 3.
  4. Il exige la communication d’information à l’égard de la gouvernance, de la stratégie, de l’évaluation et de la gestion des risques climatiques d’un émetteur.
  5. Il exige la communication d’information relative à tout engagement visant à atteindre la carboneutralité ou à d’autres engagements liés aux questions climatiques, y compris la portée des activités et des émissions comprises dans la cible ou l’engagement, l’horizon temporel et tout objectif intermédiaire, le plan pour atteindre les cibles, les progrès dans l’atteinte de la cible à tout le moins à chaque exercice, ainsi que l’utilisation de compensations de carbone dans le respect des engagements climatiques.
  6. Il exige la communication des hypothèses, des paramètres des cadres analytiques et des répercussions financières projetées à l’égard des émetteurs qui utilisent l’analyse de scénarios pour évaluer la résilience de leur stratégie commerciale.
  7. La mise en place progressive des obligations sur une période de cinq ans, entre les exercices 2023 et 2027.

Justification du projet 

La SEC a constaté que les investisseurs sont de plus en plus préoccupés par les répercussions des risques climatiques sur les entreprises et qu’ils insistent sur la communication d’information liée aux questions climatiques pour faciliter la prise de décisions d’investissement éclairées. Bien que l’adoption de cadres de divulgation volontaire se soit généralisée ces dernières années, l’information partagée par les émetteurs et la rigueur utilisée dans leur préparation varient considérablement selon les entreprises et les territoires. La proposition vise à remédier à ces lacunes en exigeant des émetteurs qu’ils fournissent des informations normalisées qui soient cohérentes, comparables et fiables. Des motivations semblables ont été à l’origine du projet de Règlement 51‑107 sur l’information liée aux questions climatiques (le « Règlement 51-107 ») dont nous avons déjà traité ici

Quels émetteurs doivent se conformer au projet?

Sous réserve d’une dispense proposée visant les émetteurs canadiens admissibles à la communication d’information aux termes du RIM, discutée ci-dessous, toutes les sociétés cotées en bourse, y compris les « foreign private issuers », seraient tenues de divulguer les risques climatiques et les émissions de GES de leur entreprise dans leurs « registration statements » et leurs dépôts périodiques auprès de la SEC. 

Le projet prévoit des accommodements et des obligations qui sont propres à la taille d’un émetteur. Les émetteurs seraient répartis en trois groupes : les grands déposants qui utilisent le processus accéléré (les « grands déposants accélérés »)[1], les déposants qui utilisent le processus accéléré (les « déposants accélérés »)[2] et les plus petites sociétés déclarantes[3] (les « PPSD »). 

Dispense proposée eu égard au RIM 

La SEC ne propose pas, pour l’instant, de modifier le formulaire 40-F, qui peut être utilisé par les émetteurs canadiens admissibles à la communication d’information aux termes du RIM. Toutefois, la SEC a sollicité des commentaires sur la question de savoir si un émetteur canadien admissible à la communication d’information aux termes du RIM devrait être soumis au projet ou, à défaut, s’il devrait être autorisé à se conformer aux obligations canadiennes en matière d’information sur le climat si certaines conditions sont remplies ou si des informations supplémentaires sont fournies. 

Quelles informations doivent être présentées?

A. Risques climatiques

Aux termes de projet, tous les émetteurs seraient tenus de communiquer les quatre types suivants d’informations liées aux questions climatiques : 

  1. Les informations relatives à la gouvernance de l’émetteur en matière de risques climatiques et aux processus pertinents de gestion des risques;
  2. Les répercussions significatives potentielles et existantes des risques climatiques sur les activités de l’émetteur et sur ses états financiers consolidés, qui peuvent survenir à court, moyen ou long terme;
  3. Les effets potentiels et actuels des risques climatiques sur la stratégie, le modèle économique et les perspectives de l’émetteur;
  4. Les répercussions des événements climatiques (p. ex., les conditions météorologiques extrêmes) et des activités de transition (p. ex., la législation) sur les postes des états financiers consolidés de l’émetteur et sur les estimations et les hypothèses qui y sont utilisées. 

Pour les émetteurs qui ont déjà établi des analyses de scénarios ou des plans de transition ou qui ont fixé publiquement des cibles ou des objectifs liés aux questions climatiques, des informations supplémentaires seraient requises aux termes du projet pour aider les investisseurs à comprendre la gestion des risques climatiques de l’émetteur. 

B. Émissions de GES

Aux termes du projet, tous les émetteurs seraient tenus de divulguer les émissions de GES générées directement par l’exploitation de leur entreprise (« émissions de portée 1 ») et les émissions produites par l’énergie achetée pour assurer le fonctionnement de l’entreprise (« émissions de portée 2 ») séparément et exprimées à la fois par GES constitutifs désagrégés et dans leur ensemble, en termes absolus et d’intensité. Les déposants accélérés et les grands déposants accélérés devront en outre obtenir l’assurance d’un tiers à l’égard de cette divulgation des émissions. 

Les émissions de portée 3, qui englobent les émissions de GES produites par les fournisseurs et les clients d’une entreprise, doivent également être divulguées aux termes du projet si elles sont « importantes » à l’égard des investisseurs ou si elles sont comprises dans les cibles d’émissions de GES d’un émetteur. Toutefois, le projet comprend certaines exceptions et certains accommodements en reconnaissance des coûts associés au calcul des émissions de portée 3, qui sont plus importantes et plus complexes que les émissions de portée 1 et 2. Ces accommodements comprennent le fait de ne pas exiger que les PPSD fournissent des informations à l’égard des émissions de portée 3 et de fournir des informations à l’égard des émissions de portée 3 avec le bénéfice d’une « sphère de sécurité », (« safe harbour ») qui offrirait certaines protections en matière de responsabilité dans le cas où ces informations contiennent des inexactitudes. 

Les émetteurs qui se sont publiquement engagés à atteindre des cibles liées aux questions climatiques seraient tenus de décrire certains détails sous-jacents, notamment la portée des émissions couvertes, les unités de mesure, les horizons temporels et le niveau de base. Une tarification interne du carbone entraînerait également l’obligation de partager des informations sur le prix et la manière dont il est déterminé. 

En outre, les émetteurs seraient tenus de divulguer leur utilisation des compensations de carbone ou des crédits d’énergie renouvelable (les « CÉR ») pour atteindre leurs cibles climatiques, car ces deux instruments sont soumis à un risque réglementaire et de marché qui pourrait compromettre la capacité d’un émetteur à atteindre ses objectifs de manière rentable. 

La présentation proposée des informations liées aux questions climatiques 

En vertu du projet, les personnes inscrites seraient tenues d’effectuer ce qui suit : 

  • fournir les informations liées aux questions climatiques qui les concernent dans leurs « registration statements » et leurs rapports annuels;
  • fournir les informations obligatoires dans une partie de leur « registration statement » ou de leur rapport annuel intitulée « Informations relatives au climat » (Climate-Related Disclosure), ou intégrer ces informations par renvoi à cette partie d’une autre partie (p. ex., les facteurs de risque ou les commentaires et analyse de la direction), conformément au règlement S-K des États-Unis;
  • fournir les paramètres obligatoires des états financiers et les informations connexes dans une note à leurs états financiers consolidés, conformément au règlement S-X des États-Unis;
  • baliser électroniquement les informations narratives et quantitatives relatives au climat en Inline XBRL, une norme ouverte utilisée par la SEC qui permet aux documents de fournir des données lisibles par l’homme et des données structurées lisibles par machine. 

Les émetteurs auraient également la possibilité d’intégrer des informations par renvoi à d’autres rapports déposés ou soumis. 

Quand les émetteurs doivent-ils se conformer au projet?

Le projet prévoit des périodes d’introduction progressive pour chacun des trois types d’émetteur afin de leur donner le temps de se préparer à se conformer au régime de divulgation. 

Les tableaux suivants, préparés par la SEC, illustrent l’échelonnement des périodes qui s’appliquent à certaines obligations en matière d’information et d’assurance. Ces tableaux ont été préparés en présumant de deux choses : (1) le projet sera adopté en décembre 2022 et (2) l’exercice de la société déposante se termine le 31 décembre.

 A. Mise en place progressive de la communication d’information 

Type d’émetteur

Date de conformité à l’égard de la divulgation

 

Toutes les informations proposées (à l’exclusion des paramètres des émissions de portée 3)

Paramètres des émissions de portée 3

Grands déposants accélérés

Exercice 2023 (dépôt en 2024)

Exercice 2024 (dépôt en 2025)

Déposants accélérés et non-accélérés

Exercice 2024 (dépôt en 2025)

Exercice 2025 (dépôt en 2026)

Plus petites sociétés déclarantes

Exercice 2025 (dépôt en 2026)

Dispense

 B. Mise en place progressive de l’assurance

Type d’émetteur

Date de conformité à l’égard de la divulgation des GES de portée 1 et 2

Assurance limitée

Assurance raisonnable

Grands déposants accélérés

Exercice 2023 (dépôt en 2024)

Exercice 2024 (dépôt en 2025)

Exercice 2026 (dépôt en 2027)

Déposants accélérés et non-accélérés

Exercice 2024 (dépôt en 2025)

Exercice 2025 (dépôt en 2026)

Exercice 2027 (dépôt en 2028)

En résumé

L’annonce du projet est un événement marquant à l’égard de la communication d’informations liée aux questions climatiques, non seulement aux États-Unis, mais aussi au niveau international.

Étant donné que les ACVM, qui regroupent les organismes de réglementation des valeurs mobilières de chacune des dix provinces et de chacun des trois territoires du Canada, ont déjà publié leur projet de règlement sur l’information liée aux questions climatiques (Règlement 51-107), des questions importantes se posent maintenant quant à savoir si le règlement en matière d’information proposé par le Canada devrait s’aligner davantage sur le projet de la SEC. Cette question concerne non seulement les émetteurs canadiens ayant le statut de « foreign private issuer » aux États-Unis, mais aussi les émetteurs qui communiquent de l’information exclusivement au Canada, car leurs pratiques en matière de communication d’information par rapport à leurs concurrents américains peuvent avoir une incidence sur leur position sur le marché et leur accès aux capitaux.

Nous sommes là pour vous aider

Dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières et des produits d’investissement, McCarthy Tétrault peut compter sur un groupe de pratique de premier plan, ainsi que sur une équipe multidisciplinaire spécialisée dans les questions environnementales, sociales et de gouvernance (« ESG ») et le développement durable. Nous sommes particulièrement bien outillés pour fournir aux clients une gamme complète de conseils et un soutien, afin de les aider à intégrer la mentalité ESG dans leur ADN organisationnel. Grâce à une solide compréhension des entreprises, de l’industrie et des moteurs du marché, nous sommes en mesure de fournir des conseils et des orientations contextualisés. Veuillez communiquer avec les auteurs pour en savoir plus – nous serons heureux de vous aider.

 

[1] Les grands déposants accélérés (« Large Accelerated Filers ») sont des émetteurs qui remplissent les conditions suivantes à la fin de leur exercice :

             (i)        L’émetteur a une valeur marchande mondiale globale en actions ordinaires avec et sans droit de vote détenues par des personnes qui ne sont pas membre de son groupe supérieure à 700 M$ US;

            (ii)        L’émetteur remplit les conditions énoncées aux points (ii), (iii) et (iv) ci-dessous à l’égard des déposants accélérés.

[2] Les déposants accélérés (« Accelerated Filers ») sont des émetteurs qui remplissent les conditions suivantes à la fin de leur exercice :

             (i)        L’émetteur a une valeur marchande mondiale globale en actions ordinaires avec et sans droit de vote détenues par des personnes qui ne sont pas membre de son groupe entre 75 M$ US et 700 M$ US;

            (ii)        L’émetteur est assujetti aux exigences du paragraphe 13(a) ou 15(d) de la Securities Exchange Act pendant une période d’au moins 12 mois civils;

           (iii)        L’émetteur a déposé au moins un rapport annuel conformément aux paragraphes décrits au point (ii);

           (iv)        L’émetteur n’a pas le droit d’utiliser les exigences relatives aux PPSD aux termes du test de revenu de la PPSD.

[3] Les PPSD (« Smaller Reporting Companies ») sont des émetteurs qui remplissent les conditions suivantes à la fin de leur exercice :

             (i)        L’émetteur n’est pas une société d’investissement, un émetteur dont les titres sont adossés à des actifs, ni une filiale détenue majoritairement par une société mère qui n’est pas elle-même une PPSD;

            (ii)        L’émetteur a un flottant inférieur à 250 M$ US ou a généré des revenus annuels inférieurs à 100 M$ US et n’a pas de flottant ou a un flottant inférieur à 700 M$ US.

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