Les ACVM publient une version révisée du règlement sur les pratiques commerciales en dérivés; et se dirigent vers un règlement définitif
Le 20 janvier 2022, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié le Projet de Règlement 93‑101 sur la conduite commerciale en dérivés et le Projet d’Instruction générale relative au Règlement 93‑101 sur la conduite commerciale en dérivés (collectivement, le « projet de règlement ») pour une période de commentaires de 60 jours.
Publié initialement en avril 2017 afin d'établir un régime complet de réglementation des pratiques commerciales des participants aux marchés des dérivés de gré à gré, le projet de règlement a ensuite fait l'objet de deux périodes de consultation, dont la deuxième s'est terminée en septembre 2018. Après une attente de trois ans, les ACVM ont révisé le projet de règlement et ont intégré les commentaires des intervenants du secteur qui recherchent un équilibre approprié entre la protection des investisseurs, la préservation de l'accès au marché des dérivés et l'impact des coûts de conformité.
Le projet de règlement régit la conduite des personnes ou des sociétés qui exercent des activités de négociation de dérivés de gré à gré au Canada ou qui fournissent des conseils à cet égard. Bon nombre des exigences énoncées dans le projet de règlement sont semblables aux exigences existantes en matière de conduite sur le marché pour les courtiers en valeurs mobilières et les conseillers en valeurs inscrits, prescrites par le Règlement 31‑103 sur les obligations et dispenses d'inscription et les obligations continues des personnes inscrites (« Règlement 31‑103 »). Pour un aperçu détaillé du régime, veuillez vous reporter à notre article précédent sur le projet de règlement[1].
Cet article résume certains des changements importants effectués dans la troisième publication du projet de règlement.
Nouvelles modifications de la définition de partie admissible à un dérivé (« PAD »)
Les règles de conduite proposées prévoient que les courtiers et les conseillers en dérivés ne soient pas tenus de se conformer à certaines exigences lorsqu'ils négocient ou conseillent une partie admissible à un dérivé, qui est généralement une contrepartie complexe qui, selon les ACVM, n'a pas besoin de l'ensemble des protections accordées à un investisseur particulier. Tout comme dans le cas du Règlement 31‑103, les ACVM ont adopté une approche à deux niveaux pour la protection des investisseurs et des clients, avec (1) certaines obligations de base qui s'appliquent dans tous les cas lorsqu'une société de dérivés traite avec une partie à un dérivé ou la conseille, quel que soit son niveau de complexité ou ses ressources financières, et (2) des obligations supplémentaires qui s'appliquent si l'on traite avec une partie qui n’est pas admissible aux dérivés ou qui s'appliquent, mais peuvent faire l'objet d'une renonciation, si l'on traite avec une PAD qui est une personne physique ou une partie qui se qualifie en tant que PAD uniquement en tant qu’opérateur en couverture commercial (« opérateur en couverture commercial admissible »).
Les ACVM ont éliminé le seuil financier de 10 millions de dollars pour la catégorie des opérateurs en couverture commerciaux qui ne sont pas des personnes physiques, ce qui a eu pour effet d'élargir considérablement la catégorie de personnes et de sociétés avec lesquelles (i) un courtier étranger ou un conseiller étranger peut traiter sur une base exonérée en se fondant sur les dispenses de courtier, de conseiller et de sous‑conseiller étrangers et (ii) une société canadienne de dérivés peut traiter ou conseiller « jusqu’à un certain point », comme le prévoit le projet de règlement.
Les ACVM ont rejeté les suggestions des intervenants du secteur selon lesquelles la définition de PAD devait inclure toute partie à un dérivé qui est un « client autorisé » (au sens du Règlement 31‑103) ou un « participant admissible au contrat » en vertu des règles de la CFTC. Toutefois, le projet de règlement prévoit maintenant une période de transition de cinq ans pour permettre aux sociétés de dérivés qui remplissent certaines conditions de traiter les clients autorisés existants qui ne sont pas des personnes physiques, les contreparties accréditées, les parties qualifiées, ainsi que les participants au contrat admissibles, comme des PAD.
Dispense supplémentaire pour les fournisseurs de liquidités et mises à jour pour les courtiers et conseillers et les sous‑conseillers étrangers
Au cours de la deuxième période de consultation, de nombreux commentateurs ont exprimé leurs préoccupations en ce qui concerne l'effet négatif que le projet de règlement pourrait avoir sur les courtiers et les conseillers étrangers et ont souligné que les ACVM devraient veiller à ce que la réglementation du marché canadien des dérivés de gré à gré ne réduise pas considérablement la liquidité fournie par les courtiers étrangers en dissuadant ces fournisseurs de continuer à participer au marché canadien des dérivés de gré à gré. Pour répondre à ces préoccupations, les ACVM ont mis à jour et ajouté de nouvelles dispenses au régime applicable aux courtiers et conseillers étrangers.
Les ACVM ont introduit une nouvelle dispense relative aux fournisseurs de liquidités étrangers à l’intention des courtiers étrangers qui négocient des dérivés avec des courtiers au Canada. En vertu de cette dispense, un courtier étranger est exempté des dispositions du projet de règlement si (i) l'opération est effectuée avec un courtier en dérivés inscrit, un courtier en valeurs mobilières inscrit en vertu de la législation sur les valeurs mobilières ou un courtier en dérivés en Ontario qui, dans chaque cas, effectue l'opération à titre de mandant et pour son propre compte, et si le courtier étranger est inscrit, agréé, autorisé ou exerce ses activités en vertu d'une dispense ou d'une exclusion en vertu de la législation sur les valeurs mobilières, les contrats à terme sur marchandises ou les dérivés d'un territoire étranger. Cette dispense relative aux fournisseurs de liquidités étrangers est disponible pour un courtier étranger de toute juridiction étrangère.
Le projet de règlement simplifie les dispenses de courtier et de conseiller en dérivés étrangers afin qu'elles soient plus conformes aux dispenses de courtier et de conseiller internationaux prévues par le Règlement 31‑103. De plus, une dispense pour les sous‑conseillers en dérivés étrangers, semblable à celle qui existe pour les sous-conseillers internationaux dans le Règlement 31-103, est maintenant incluse. Les dispenses en faveur des courtiers et des conseillers en dérivés étrangers de la version précédente prévoyaient une dispense plus limitée de certaines dispositions du projet de règlement, fondée sur une évaluation de l'équivalence de chaque disposition pour chaque territoire étranger approuvé, alors qu'en vertu du projet de règlement, si le courtier, le conseiller et le sous‑conseiller en dérivés étrangers sont admissibles à la dispense, ils peuvent bénéficier de la dispense complète. Le courtier, le conseiller et le sous‑conseiller en dérivés étrangers ne sont admissibles à ces dispenses que si leur principal établissement est situé dans certains territoires des pays du G20 et dans certains autres territoires étrangers qui se sont engagés à adopter un cadre réglementaire complet comparable aux principes fondamentaux du projet de règlement.
Les ACVM clarifient la portée du projet de règlement pour les opérations de change
Des commentaires ont été reçus sur l'ébauche précédente qui recommandait que les opérations de change soient exclues du champ d'application du projet de règlement si un courtier en dérivés se conformait au Code global de bonne conduite pour le marché des changes.[2] Toutefois, les ACVM ont réagi en réitérant que les opérations de change devraient être assujetties, à tout le moins, aux obligations de base en matière de conduite des affaires prévues dans le projet de règlement, y compris les exigences relatives au traitement équitable, à la connaissance des parties à un dérivé, aux conflits d'intérêts et à la tenue de dossiers de base. En fait, les ACVM ont élargi la portée des opérations assujetties au projet de règlement en incluant les opérations de change à court terme avec des contreparties institutionnelles, mais seulement pour certains courtiers en dérivés qui sont des institutions financières canadiennes effectuant de nombreuses opérations sur dérivés.
Clarification des dispenses pour les courtiers en dérivés non inscrits, les courtiers de l'OCRCVM et les institutions financières canadiennes; nouvelle dispense pour les conseillers inscrits
Courtiers en dérivés non inscrits
Un certain nombre de commentateurs recommandent que le projet de règlement ne s'applique qu'aux personnes ou sociétés tenues d'être inscrites en vertu du projet de Règlement 93‑102 sur l'inscription en dérivés (« Règlement 93‑102 ») (voir notre billet de blogue « Les ACVM proposent un régime d’inscription pour le marché des dérivés de gré à gré au Canada »). Les ACVM soutiennent que les courtiers en dérivés devraient être assujettis aux obligations de conduite commerciale de base du projet de règlement, même s'ils bénéficient d'une dispense relative à l'inscription. Toutefois, les ACVM reconnaissent que, pour les petits courtiers en dérivés, les coûts de mise en conformité à certaines obligations peuvent éclipser les avantages pour les participants au marché. Par conséquent, les ACVM ont prévu une dispense de l'obligation de mettre en place un régime des dirigeants responsables des dérivés pour (i) les courtiers en dérivés dont le montant nominal brut de fin de mois total des dérivés en circulation ne dépasse pas 250 millions de dollars ou (ii) les courtiers en dérivés qui négocient exclusivement des dérivés sur marchandises et dont le montant nominal brut de fin de mois total des dérivés sur marchandises en circulation ne dépasse pas trois milliards de dollars.
Courtiers de l'OCRCVM, institutions financières canadiennes et conseillers inscrits
Les ACVM ont complété les annexes d'équivalence, qui n'étaient pas remplies dans la publication précédente du projet de règlement, pour les courtiers en dérivés qui sont des courtiers membres de l'OCRCVM ou d’institutions financières canadiennes et pour certains conseillers en dérivés inscrits.
Les ACVM ont dispensé les courtiers membres de l'OCRCVM de nombreuses dispositions du projet de règlement, y compris les obligations de connaissance des parties à un dérivé, de convenance et d'information préalable à l'opération, ainsi que la désignation et responsabilités des dirigeants responsables des dérivés, lorsqu'ils se conforment aux exigences de conduite correspondantes et aux autres exigences réglementaires de l'OCRCVM relatives à une opération avec une partie à un dérivé.
De même, les ACVM ont dispensé les institutions financières canadiennes de certaines dispositions du projet de règlement, notamment l'obligation de connaissance des parties à un dérivé, l'obligation des ventes liées et l'obligation de marge initiale, lorsqu'elles se conforment aux règles de conduite correspondantes et aux autres dispositions réglementaires de leur organisme de réglementation prudentielle ou de la Loi sur les banques (Canada) relatives à une opération avec une partie à un dérivé.
Enfin, des modifications importantes ont été apportées à la version précédente du projet de règlements concernant les conseillers en dérivés qui sont inscrits en vertu de la législation sur les valeurs mobilières ou de la législation sur les contrats à terme sur marchandises au Canada. Ces conseillers inscrits sont maintenant en mesure de tirer parti de leurs systèmes de conformité existants et sont exemptés de certaines dispositions du projet de règlement, y compris le traitement des plaintes, les ventes liées et les obligations de conformité et de tenue de dossiers lorsqu'ils se conforment aux dispositions de conduite correspondantes de la législation sur les valeurs mobilières ou sur les contrats à terme sur marchandises dans le cadre d'une opération avec une partie à un dérivé. En outre, le régime des dirigeants responsables des dérivés ne s'applique plus aux conseillers en dérivés.
Certaines obligations reclassées en tant qu'obligations « fondamentales »
Les ACVM ont appliqué les obligations de traitement des plaintes prévues par le projet de règlement à toutes les parties à des opérations sur dérivés, alors que la version précédente n'appliquait ces obligations qu'aux (i) parties non admissibles à un dérivé ou aux (ii) PAD qui sont des personnes physiques ou aux opérateurs en couvertures commerciaux admissibles qui n'avaient pas renoncé à l'application de cette disposition. Toutefois, cette obligation de répondre rapidement à chaque plainte déposée auprès d'une société de dérivés concernant un produit ou un service offert par la société de dérivés ou par une personne agissant en son nom est une obligation qui repose sur l’avis d’une « personne raisonnable ». La société de dérivés est tenue de répondre de manière telle qu'une personne raisonnable considérerait comme juste et objective et, par conséquent, cette obligation est fondée sur des principes et dépend du contexte.
Une autre obligation qui a été reclassée et qui s'applique maintenant à toutes les parties à un dérivé est l'obligation de vente liée. Une société de dérivés ou une personne agissant pour le compte d'une société de dérivés ne doit pas exercer de pression indue sur une personne ou une entreprise pour qu'elle obtienne un produit ou un service lié à des instruments dérivés comme condition pour obtenir un autre produit ou service de la société de dérivés. Tel que mentionné ci‑dessus, les institutions financières canadiennes peuvent toujours bénéficier d'une dispense pour cette disposition.
Quelles sont les prochaines étapes du projet de règlement?
En plus des commentaires sur les dispositions du projet de règlement, les ACVM ont également demandé des commentaires sur huit éléments particuliers du projet de règlement, notamment sur des sujets tels que : la dispense de la désignation et des responsabilités d'un dirigeant responsable des dérivés, le traitement des conseillers inscrits en vertu des lois sur les valeurs mobilières ou les contrats à terme sur marchandises et les conflits d'intérêts. Les commentaires doivent être soumis au plus tard le 21 mars 2022, et les ACVM ont prévu une période de mise en œuvre d'un an après la date de publication finale.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur le projet de règlement, veuillez communiquer avec un membre de notre Groupe des produits dérivés.
[1] Voir également notre billet de blogue publié le 20 juin 2018 : « Les ACVM publient de nouveau le règlement sur la conduite commerciale en dérivés; le Québec modifie la Loi sur les instruments dérivés ».
[2] Voir le Code de bonne conduite global pour le marché des changes à l’adresse https://www.globalfxc.org/docs/fx_global_fr.pdf. Voir aussi https://www.bis.org/about/factmktc/fx_global_code.htm