Les ACVM adoptent enfin le règlement sur la conduite commerciale en dérivés
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont finalement adopté le Règlement 93-101 sur la conduite commerciale en dérivés (le « Règlement ») et son instruction générale, l’Instruction générale relative au Règlement 93-101 sur la conduite commerciale en dérivés (l’ « Instruction générale »). Le Règlement entrera en vigueur le 28 septembre 2024 et s’appliquera dans toutes les provinces et dans tous les territoires du Canada, sauf en Colombie-Britannique. La Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a annoncé son intention d’adopter un règlement essentiellement similaire à une date ultérieure, date à laquelle le Règlement sera converti en norme canadienne.
Initialement publié sous forme de projet en 2017 afin d’établir un régime global régissant la conduite commerciale des participants aux marchés des dérivés hors cote (de gré à gré) en réponse à la crise financière de 2008, le Règlement est le résultat d’un vaste processus de consultation qui a comporté trois projets du Règlement, plusieurs périodes de consultation et une table ronde publique. Pour un aperçu plus détaillé du processus de consultation, du régime et des versions antérieures du projet de Règlement, voir Les ACVM proposent un projet de règlement national sur la conduite commerciale en dérivés – Un projet de règlement sur l’inscription en dérivés suivra plus tard cette année et Les ACVM publient une version révisée du règlement sur les pratiques commerciales en dérivés; et se dirigent vers un règlement définitif.
Nous présentons ci-après les principales modifications apportées entre le troisième projet de règlement publié le 20 janvier 2022 et le Règlement, ainsi que des renseignements généraux sur la portée et le calendrier de mise en application du Règlement.
Portée du Règlement
Le Règlement établit une approche fondée sur des principes qui énonce des exigences relatives, entre autres, au traitement équitable, aux conflits d’intérêts, à la convenance à la partie à un dérivé, à la déclaration des manquements, à la conformité et à la tenue de dossiers pour les participants aux marchés canadiens des dérivés de gré à gré.
Le Règlement s’applique aux personnes ou aux sociétés qui exercent ou se présentent comme exerçant i) l’activité consistant à conseiller autrui en matière de dérivés (les « conseillers en dérivés »), et ii) l’activité consistant à effectuer des opérations sur dérivés comme contrepartiste ou mandataire (les « courtiers en dérivés » et, collectivement avec les conseillers en dérivés, les « sociétés de dérivés »).
Modification de la définition de partie admissible à un dérivé
À l’instar du Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d'inscription et les obligations continues des personnes inscrites (le « Règlement 31-103 »), les ACVM ont adopté, dans le Règlement, une approche à deux niveaux en matière de protection des investisseurs et des clients en ce qui concerne (1) certaines obligations fondamentales qui s’appliquent dans tous les cas où une société de dérivés traite avec une partie à un dérivé ou la conseille à cet égard, peu importe le niveau de connaissance ou de ressources financières, et (2) les obligations supplémentaires qui s’appliquent si on traite avec une « partie admissible à un dérivé » (une « PAD ») ou si on la conseille, ou qui s’appliquent, mais qui peuvent faire l’objet d’une renonciation si on négocie avec une partie à un dérivé qui est une PAD qui est une personne physique ou un opérateur en couverture commerciale ou si on conseille une telle partie.
En vertu du Règlement, les sociétés de dérivés ne seront pas tenues de se conformer à certaines exigences lorsqu’elles traitent avec une PAD ou conseillent une PAD, d’une liste de contreparties institutionnelles et individuelles qui correspondent à l’une des trois catégories suivantes : i) une contrepartie qui possède des connaissances raisonnables, ii) une contrepartie qui dispose de ressources financières suffisantes pour souscrire un conseil professionnel ou iii) une contrepartie qui peut se protéger par le biais de négociations contractuelles avec la société de dérivés.
Les ACVM suppriment les déclarations relatives aux connaissances et à l’expérience
Le Règlement s’aligne maintenant sur l’approche « claire » actuelle applicable aux déclarations relatives au statut des « clients autorisés » aux termes du Règlement 31-103 puisque les ACVM ont retiré les déclarations relatives aux connaissances et à l’expérience initialement requises pour les dispenses fondées sur des actifs de la définition de PAD. Aux termes du Règlement, une personne ou une société (sauf une personne physique) dont l’actif net est d’au moins 25 000 000 $ et une personne physique dont l’actif net est d’au moins 5 000 000 $ peuvent être admissibles à titre de PAD sans avoir à démontrer qu’elle possède les connaissances et l’expérience requises.
Selon les ACVM, cette modification permettra d’alléger considérablement le fardeau de préparation de nouveaux documents pour les sociétés de dérivés sans réduire les protections offertes aux PAD qui sont des personnes physiques admissibles et des opérateurs en couverture commerciale, puisque toutes les dispositions du Règlement s’appliqueront, à moins que la personne physique ou l’opérateur en couverture commerciale admissible ne fournisse à la société de dérivés une déclaration écrite renonçant à l’une ou à l’ensemble des protections prévues par le Règlement. Si l’opérateur en couverture commerciale est une entreprise individuelle, la société de dérivés doit également identifier et documenter la nature de l’activité de l’entreprise individuelle et les risques commerciaux connexes qu’elle couvre.
Les ACVM élargissent la dispense relative à l’opérateur en couverture commerciale admissible
La définition de PAD excluait initialement les personnes physiques de la catégorie des « opérateurs en couverture commerciale ». Les ACVM ont élargi la dispense applicable aux opérateurs en couverture commerciale prévue au Règlement afin d’inclure les personnes physiques exerçant leurs activités à titre d’entreprise individuelle, dans la mesure où elles remplissent les conditions requises pour être admissibles à titre d’opérateur en couverture commerciale.
Les ACVM ont l’intention de surveiller attentivement le recours à la dispense relative aux opérateurs en couverture commerciale par les clients de sociétés de dérivés afin de veiller à ce que cette partie de la définition de PAD serve l’objectif prévu de gestion des risques inhérents aux activités commerciales d’une entreprise, et non des fins spéculatives ou de couverture des activités d’investissement personnel d’une personne physique.
Contrats de change à court terme
En règle générale, le Règlement ne régit pas les contrats ou instruments de change à court terme (généralement deux jours après l’opération), sauf sur le marché des opérations de change institutionnel lorsque ces contrats ou instruments sont négociés par un courtier en dérivés qui est une institution financière canadienne exerçant des activités en dérivés importantes, y compris des opérations communément appelées des opérations « au comptant ».
Dans l’Instruction générale, les ACVM ont confirmé que le sous-ensemble limité de dispositions (traitement équitable, conflits d’intérêts, traitement des plaintes et conformité) applicables aux contrats de change à court terme vise à chevaucher les politiques et procédures existantes qui ont déjà été adoptées par les institutions financières canadiennes en vertu du Code de bonne conduite global pour le marché des changes. Les institutions financières canadiennes qui négocient des contrats de change à court terme ne seront pas tenues d’obtenir des certificats de statut ou des déclarations relatives au statut de leurs contreparties.
Élargir les dispenses relatives aux montants notionnels pour les courtiers en dérivés
Les dispenses relatives aux montants notionnels permettent aux courtiers en dérivés d’être dispensés de certaines exigences du Règlement s’ils sollicitent ou conseillent uniquement des PAD ou transigent uniquement avec des PAD et que le montant notionnel brut de dérivés en circulation au cours des 24 mois civils précédents est inférieur à un certain montant notionnel brut.
Les ACVM ont élargi les dispenses relatives aux montants notionnels de deux façons afin de les harmoniser avec les cadres réglementaires des États-Unis et de l’Union européenne.
Premièrement, le seuil utilisé pour déterminer si un courtier en dérivés sur marchandises, c’est-à-dire un courtier en dérivés dont l’objectif principal est d’exploiter une entreprise de produits de base physiques, peut se prévaloir de la dispense a été porté de 3 milliards de dollars à 10 milliards de dollars en montant notionnel brut de dérivés en circulation.
Deuxièmement, les ACVM ont restreint la portée des dispositions qui s’appliqueront à un courtier en dérivés qui est admissible aux termes de l’une des dispenses relatives aux montants notionnels (un courtier en dérivés sur marchandises dont le montant notionnel brut est inférieur à 10 milliards de dollars ou un courtier en dérivés dont le montant notionnel brut est inférieur à 250 millions de dollars). Un courtier en dérivés visé par l’une des dispenses relatives aux montants notionnels est maintenant exempté des dispositions du Règlement, sauf à l’égard de certaines obligations « fondamentales » relatives au traitement équitable, aux conflits d’intérêts et à l’obligation de transmettre une confirmation d’opération. Le projet initial des dispenses relatives aux montants notionnels ne dispensait les courtiers en dérivés que des exigences applicables aux dirigeants.
Exigences réduites pour les courtiers en instruments dérivés étrangers
Le Règlement prévoit une dispense pour les courtiers en dérivés étrangers qui sont régis par les lois d’un territoire étranger pour mener des activités avec une PAD au Canada et dont les résultats réglementaires sont comparables aux exigences du Règlement. Dans le projet précédent, un courtier en dérivés étranger devait signaler à l’autorité canadienne compétente tout manquement aux lois du territoire étranger en vertu duquel ce courtier en dérivés étranger est réglementé. Les ACVM ont supprimé cette exigence du Règlement étant donné que ces rapports supplémentaires aux autorités canadiennes dépassaient les exigences aux termes du Règlement 31-103 pour les courtiers en valeurs mobilières étrangers qui se fondent sur une dispense semblable.
Indications détaillées concernant la dispense pour les conseillers inscrits
Un conseiller en dérivés inscrit en vertu de la législation en valeurs mobilières ou, en Ontario et au Manitoba, de la législation sur les contrats à terme sur marchandises, est dispensé de l’application de certaines dispositions du Règlement figurant à l’annexe F (comme la vente liée ou la conformité et la tenue de registres) s’il se conforme aux dispositions correspondantes de la législation sur les valeurs mobilières ou les contrats à terme sur marchandises, selon le cas. L’Instruction générale contient des consignes détaillées à l’intention des conseillers inscrits qui se fondent sur la dispense, et l’annexe B de l’Instruction générale donne un aperçu des dispositions du Règlement qui continuent de s’appliquer aux conseillers inscrits ainsi qu’un résumé des exigences correspondantes du Règlement 31‑103 à l’égard des activités relatives aux instruments dérivés des conseillers inscrits.
Date d’entrée en vigueur : Dispositions transitoires
Le Règlement entrera en vigueur le 28 septembre 2024. Les ACVM ont prévu une période de transition commençant le 28 septembre 2024 et se terminant le 28 septembre 2029 afin d’aider les sociétés de dérivés à faire la transition vers le nouveau cadre réglementaire. Aux termes du chapitre 8 du Règlement, une société de dérivés peut se fonder sur une liste de déclarations relatives au statut afin de considérer les contreparties comme des PAD si ces déclarations sont reçues avant le 28 septembre 2024. Aux fins de la période de transition, les ACVM ont élargi la liste des déclarations relatives aux statuts des contreparties admissibles à titre de PAD par rapport à la version précédente. En plus des clients autorisés aux termes du Règlement 31-103 et des contreparties qualifiées aux termes de la Loi sur les instruments dérivés du Québec, les investisseurs qualifiés qui ne sont pas des personnes physiques en Ontario, les contreparties financières au sens du Règlement sur l’infrastructure du marché européen (EMIR) et les contreparties non financières au sens du règlement EMIR qui dépassent les seuils de compensation applicables sont maintenant autorisés à faire des déclarations transitoires.
Pour de plus amples renseignements sur le Règlement, veuillez communiquer avec un membre de notre Groupe des produits dérivés.