Énoncé économique de l’automne de 2023
La vice-première ministre et ministre des Finances a déposé l’Énoncé économique de l’automne de 2023 (EEA) le 21 novembre 2023. Les mesures fiscales incluses dans l’EEA ne sont pas aussi développées qu’elles l’ont été dans certaines années antérieures. En effet, mise-à-part la confirmation que le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant avec certaines mesures d’importance dont la règle générale anti-évitement (RGAE), la restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (RDEIF), et la loi de l’impôt minimum mondial (LIMM) proposée, aucun autre détail n’a été fourni. Néanmoins, certaines mesures fiscales d’intérêt pour les entreprises canadiennes et les investisseurs étrangers y sont présentés.
Sauf indication contraire, les dispositions législatives qui sont mentionnés dans ce commentaire renvoient à la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR).
Prêts concessionnels (c.-à-d., sans intérêt ou à un taux inférieur au taux du marché) de gouvernements
Dans une décision récente, CAE Inc. c. R., 2022 CAF 178, la Cour d’appel fédérale a confirmé que le montant du principal d’un prêt concessionnel remboursable reçu par le contribuable d’une entité publique représentait une aide gouvernementale. La qualification d’un prêt de bonne foi en tant qu’aide gouvernementale a créé de l’incertitude pour les contribuables et a soulevé des enjeux politiques. L’EEA propose de modifier la LIR afin de prévoir que les prêts de bonne foi (y compris les prêts concessionnels) assortis de modalités de remboursement raisonnables émis par les autorités publiques ne sont généralement pas considérés comme de l’aide gouvernementale.
Crédit d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre
Le budget 2023 a proposé le crédit d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre (CIIHP) et ses principaux éléments de conception. De plus amples détails sur les principaux éléments de conception ont été inclus dans l’EEA, y compris :
- Les conditions qui doivent être remplies pour qu’un CIIHP soit disponible pour les biens requis pour convertir l’hydrogène propre en ammoniac. Notamment : (i) le producteur d’ammoniac doit produire son propre hydrogène pour la production d’ammoniac aux moyens de projets d’hydrogène propre admissibles au CIIHP; (ii) le projet d’hydrogène propre a une capacité suffisante pour répondre aux besoins de l’installation de production d’ammoniac du contribuable; et (iii) il doit être possible de transporter l’hydrogène des installations de production d’hydrogène vers les installations de production d’ammoniac si les installations ne sont pas colocalisées.
- Des règles indiquant à quel moment les ententes d’achat d’électricité peuvent être utilisées pour calculer l’intensité carbonique de la production d’hydrogène, plutôt que de s’appuyer sur l’intensité carbonique du réseau.
- Des règles permettant de déterminer quand le gaz naturel renouvelable peut être utilisé afin de réduire l’intensité carbonique de la production d’hydrogène.
- Plus de détails sur la validation de l’analyse initiale de l’intensité carbonique d’un projet par Ressources naturelles Canada.
- Plus de détails sur la façon dont Ressources naturelles Canada vérifiera l’intensité carbonique d’un projet de production d’hydrogène, et sur la façon dont le CIIHP pourrait être recouvré si l’intensité carbonique vérifiée du projet dépasse l’évaluation de l’intensité carbonique validée à l’origine.
Le ministère des Finances a indiqué que la législation rendant applicable le CIIHP sera publiée en 2024 (idéalement, au début de 2024), avec une période de consultation commençant à la fin de 2023. L’admissibilité des autres modes de production d’hydrogène à faibles émissions de carbone continue d’être examinée.
Crédit d’impôt pour l’investissement pour les technologies propres et l’électricité propre - matériel utilisant des déchets de biomasse
L’EEA propose que les crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres et l’électricité propre (CIITP et CIIEP, respectivement) soient étendus afin d’inclure les biens utilisés pour produire de la chaleur et/ou de l’électricité à partir de déchets de biomasse. Les déchets de biomasse comprendraient les « déchets déterminés » aux fins des biens des catégories 43.1 et 43.2 (par exemple, les déchets de bois, les déchets municipaux, les déchets alimentaires et animaux, etc.), et les biens admissibles comprendraient le matériel générateur d’électricité, le matériel de production de chaleur, le matériel de récupération de chaleur et le matériel servant à valoriser les déchets déterminés, entre autres choses. Des vérifications seront également effectuées pour s’assurer du respect des critères d’admissibilité et des règles environnementales pendant un certain nombre d’années suivant l’année au cours de laquelle le crédit est demandé.
En ce qui concerne le CIIEP de manière plus générale, l’EEA semble indiquer qu’une distinction peut être faite entre les compagnies publiques d’électricité et les autres contribuables. Le ministère des Finances a indiqué que :
- En ce qui concerne le CIIEP pour les compagnies publiques d’électricité, des consultations avec les provinces et les territoires auront lieu en 2024, et le gouvernement prévoit de présenter un projet de loi à l’automne 2024; et
- En ce qui concerne le CIIEP pour les autres contribuables, les modalités de conception et de mise en œuvre seront publiés au début de 2024 et une consultation sur la proposition législative sera lancée à l’été 2024, avec l’intention de déposer la mesure législative à l’automne 2024.
Le ministère des Finances a également indiqué que la législation mettant en œuvre le CIITP sera présentée au Parlement au début de l’année 2024.
Déduction des dividendes reçus par des institutions financières
Le budget 2023 proposait d’adopter le paragraphe 112(2.01), qui refuserait aux institutions financières la déduction prévue au paragraphe 112(1) à l’égard des dividendes reçus sur une action qui est un bien évalué à la valeur du marché. L’EEA propose une exclusion du paragraphe 112(2.01), qui ferait en sorte que cette disposition ne s’applique pas aux dividendes reçus sur une action privilégiée imposable. Le paragraphe 112(2.01), tel que modifié, entrerait en vigueur le 1er janvier 2024.
Location à court terme non conforme
L’EEA inclut une mesure proposée qui refuserait la déduction des dépenses engagées pour gagner un revenu de location à court terme (par exemple, des locations à partir de la plateforme Airbnb), y compris les frais d’intérêt, si : (i) le revenu de location est gagné dans une municipalité ou une province qui a interdit les locations à court terme ; ou (ii) le revenu de location est gagné dans une province ou une municipalité qui autorise les locations à court terme, mais le contribuable n’est pas en conformité avec les exigences applicables en matière de permis ou d’enregistrement. Il semble que la raison d’être de cette restriction soit de réduire le rendement après impôt de l’investissement pour certaines unités résidentielles utilisées pour la location à court terme, rendant ainsi la location à plus long terme plus attrayante après impôt lorsque les gouvernements municipaux ou provinciaux décident d’interdire ou de restreindre la location à court terme.
Cette proposition n’est accompagnée d’aucun avant-projet de loi. Il est proposé qu’elle s’applique aux dépenses engagées à partir du 1er janvier 2024.
Revenu tiré du transport maritime international
Les règles du Pilier Deux et la LIMM proposée exemptent le revenu tiré du transport maritime international de l’impôt minimum mondial proposé de 15 %, à condition que la gestion stratégique ou commerciale des activités de transport maritime international soit située dans la même juridiction que celle où le revenu tiré du transport maritime international est comptabilisé. Cette exigence est problématique pour les sociétés de transport maritime international dont la gestion stratégique est située au Canada (qui sont réputées être des non-résidents du Canada malgré le lieu de leur centre de gestion), puisque ces sociétés comptabiliseront les revenus tirés du transport maritime international dans une juridiction étrangère parce que l’exonération des revenus tirés du transport maritime international prévue par la LIR exige que la société de transport maritime international soit constituée en société dans une juridiction étrangère.
L’EEA propose d’étendre l’exonération du revenu tiré du transport maritime international aux sociétés résidant au Canada. Une exonération étendue devrait permettre aux sociétés non-résidentes dont les activités de transport maritime international sont gérées à partir du Canada de poursuivre leurs activités au Canada sans être assujetties à l’impôt sur le revenu canadien à l’égard du revenu tiré du transport maritime international, et ce, à la fois conformément aux exonérations en vertu de la LIR et de la LIMM proposée. Il est proposé que cette mesure s’applique aux années d’imposition commençant le 31 décembre 2023 ou après cette date.
Crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne
Les organisations journalistiques admissibles ont actuellement droit à un crédit d’impôt remboursable pouvant atteindre 25 % des dépenses de main-d’œuvre admissibles, jusqu’à concurrence de 55 000 $, par employé de salle de presse admissible. L’EEA propose de bonifier ce crédit en augmentant le plafond annuel des dépenses pouvant être réclamées à 85 000 $ et en augmentant temporairement le taux du crédit de 25 % à 35 % à l’égard des dépenses de main-d’œuvre engagées entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2026.
Investissement des fonds de pension
L’EEA constate que 3 000 milliards de dollars d’actifs ont été accumulés dans les fonds de pension canadiens et, dans une mesure qui fait écho aux discussions en cours dans d’autres juridictions, propose de tenter de tirer parti d’une partie de ces actifs pour accroître l’investissement au Canada. Plus précisément, l’EEA propose que le gouvernement (i) collabore avec les fonds de pension canadiens à la création d’un environnement « permettant de cerner davantage d’opportunités » d’investissement au Canada pour les fonds de pension et d’autres fonds communs de placement responsables; (ii) envisage l’annulation de la « règle des 30 % » pour les investissements au Canada par ces fonds de pension; et (iii) impose de nouvelles obligations de divulgation aux grands régimes de pension sous réglementation fédérale, qui les obligeront à dévoiler au Bureau du surintendant des institutions financières la répartition de leurs investissements, à la fois par territoire et par type d’actifs.
Taxe sur les logements sous-utilisés (TLSU)
L’EEA comprend un avant-projet de loi modifiant la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés afin de réduire le fardeau de conformité des propriétaires concernés. L’avant-projet de loi élimine l’exigence de produire une déclaration pour certains propriétaires en ajoutant à la définition des « propriétaires exclus » les « personnes morales canadiennes déterminées », les associés des « sociétés de personnes canadiennes déterminées » et les fiduciaires des « fiducies canadiennes déterminées ». L’avant-projet de loi élargit également les définitions de « propriétaire exclu », « société de personnes canadienne déterminée » et « fiducie canadienne déterminée » afin d’offrir un allègement fiscal et un allègement concernant la production de déclarations de la TLSU à l’égard d’un plus grand nombre de structures de propriété canadiennes. Ces changements s’appliqueraient à l’année 2023 et aux années subséquentes.
Le gouvernement propose également :
- Une nouvelle exonération de la TLSU à partir de 2023 pour les immeubles résidentiels détenus comme lieu de résidence ou d’hébergement pour des employés, sauf les immeubles situés dans un centre de population dans une région métropolitaine de recensement ou d’une agglomération de recensement comptant 30 000 résidents ou plus;
- Des changements de nature technique pour faire en sorte, entre autres : (i) que les immeubles d’habitation en copropriété ne soient pas des « immeubles résidentiels » aux fins de la TLSU; et (ii) pour les années civiles 2024 et suivantes, qu’un particulier ou son époux ou conjoint de fait puisse demander l’exemption relative à la TLSU sur les « propriétés de vacances » pour un seul immeuble résidentiel pour une année civile; et
- Une réduction de la pénalité minimale pour défaut de produire une déclaration de la TLSU dans le délai prévu de 5 000 à 1 000 dollars pour les particuliers et de 10 000 à 2 000 dollars pour les personnes morales, à compter de l’année civile 2022.
Bien que la date limite de production des déclarations de la TLSU pour 2022 ait été repoussée à plusieurs reprises, l’EEA suggère que la date limite de production des déclarations de la TLSU pour 2023 ne sera pas repoussée au-delà du 30 avril 2024. Une consultation sur les modifications de la TLSU aura lieu jusqu’au 3 janvier 2024.
Choix visant une coentreprise en matière de TPS/TVH
L’EEA comprend un avant-projet de loi sur les nouvelles règles proposées relatives à la TPS/TVH au sujet du choix visant une coentreprise, à être ajoutées à la suite de l’article 273 de la Loi sur la taxe d’accise; ces règles semblent être destinées à remplacer les règles existantes de choix visant une coentreprise. Les principales règles proposées sont les suivantes : (i) permettre à la coentreprise d’exercer n’importe quelle activité tant que la totalité ou la quasi-totalité des activités de la coentreprise sont des activités commerciales; (ii) exiger que tous les participants exerçant un choix soient inscrits aux fins de la TPS/TVH; et (iii) remplacer les mesures de présomptions existantes par des présomptions révisées qui sont plus précisément axées sur la comptabilité fiscale. Une consultation sur ces propositions aura lieu jusqu’au 15 mars 2024.
La TPS/TVH et les nouveaux logements locatifs
L’EEA indique que la mesure précédemment annoncée visant à éliminer la TPS/TVH pour les nouveaux logements locatifs sera étendue aux coopératives d’habitation de logements locatifs, pourvu que leurs occupants n’aient pas de titres de propriété ou de parts de capitaux propres. L’EEA précise également que, comme les mesures précédemment annoncées concernant les logements locatifs, l’élimination de la TPS/TVH pour les coopératives d’habitation ne s’appliquera pas aux rénovations importantes d’immeubles d’habitation existants. Cette exclusion a pour but d’empêcher les « rénovictions » et d’encourager l’offre de nouveaux logements sur le marché.
Mesures annoncées précédemment
L’EEA confirme que le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant avec les mesures fiscales annoncées précédemment, y compris :
- Diverses dépenses fiscales, notamment le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, le CIIEP, le CIIHP, le CIITP, taux d’imposition réduits pour les fabricants de technologies à zéro émission, et les modifications apportées aux règles relatives aux actions accréditives et au crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques – Lithium provenant de saumure. Toute dépense fiscale qui a été proposée pour inclure une exigence en matière de main-d’œuvre continuera d’être soumise aux exigences relatives à la main-d’œuvre.
- Fiducies collectives des employés. Il est important de noter que l’EEA propose d’exempter d’impôt la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise à une fiducie collective des employés, sous réserve de certaines conditions qui seront communiquées ultérieurement.
- Transfert intergénérationnel d’entreprise.
- Modifications proposées à l’impôt minimum de remplacement.
- Impôt sur le rachat de capitaux propres.
- Modifications proposées à la RGAE.
- Mesures liées aux Pilier Un et Pilier Deux, y compris l’avant-projet de loi de l’impôt minimum mondial et la taxe sur les services numériques.. Malgré l’incertitude considérable qui entoure le Pilier Un et la taxe sur les services numériques, le gouvernement a l’intention de faire avancer les propositions législatives pour la Loi de la taxe sur les services numériques en partant du principe que la date d’entrée en vigueur puisse être coordonnée avec ses partenaires internationaux.
- Règles de RDEIF proposées.
- Modifications législatives pour la mise en œuvre des changements exposés dans le document de consultation sur les prix de transfert publié le 6 juin 2023.
- Mesures applicables aux sociétés privées sous contrôle canadien en substance.
- Propositions législatives relatives aux dispositifs hybrides publiées le 29 avril 2022 (c’est-à-dire la première tranche de législation prévue visant les dispositifs hybrides).
L’EEA n’inclut pas de propositions législatives amendées relative à ces mesures précédemment annoncées.
Si vous êtes touché par l’une de ces mesures ou si vous souhaitez obtenir de plus amples informations, veuillez contacter un membre de notre groupe de fiscalité.
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