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Élection fédérale de 2021 : ce que toute personne qui communique avec des fonctionnaires fédéraux doit savoir

Une élection fédérale aura lieu le 20 septembre au Canada. Si vous ou vos employés communiquez avec des fonctionnaires fédéraux, les lignes directrices de la commissaire au lobbying (la « commissaire ») concernant les activités politiques, l’accès préférentiel et les cadeaux pourraient affecter votre entreprise. Voici ce que vous devez savoir sur le Code de déontologie des lobbyistes (le « Code ») pour la campagne électorale de 2021.

En quelques mots, les lobbyistes ne doivent pas placer un titulaire de charges publiques fédéral dans une situation de conflit d’intérêts. Selon la commissaire, pour le savoir il faut déterminer si :

Une personne informée, considérant l’affaire de manière réaliste et pratique, et après y avoir mûrement réfléchi, [estimerait] que l’activité exercée par un lobbyiste a créé un sentiment d’obligation chez un titulaire de charges publiques, ou une tension entre les intérêts privés du titulaire de charges publiques et son devoir de servir l’intérêt général[.] [1]

L’interprétation du Code par la commissaire cherche à éviter les conflits d’intérêts réels ou apparents pour les titulaires de charges publiques fédéraux. Sur le plan pratique, l’interprétation actuelle du Code par la commissaire signifie que :

  • Si vous dirigez la campagne électorale d’un candidat local qui devient ministre fédéral après l’élection, vous ne pouvez vraisemblablement pas faire de lobbying auprès de lui sans enfreindre le Code.
  • Si un ami, un parent ou un associé est membre du Parlement, vous ne pouvez vraisemblablement pas faire de lobbying auprès de lui sans enfreindre le Code.
  • Si vous offrez un cadeau, un service ou un avantage – tout article ou service de valeur, y compris la fourniture d’un article ou service à un taux réduit – à un fonctionnaire fédéral auprès duquel vous faites ou ferez du lobbying, vous enfreignez probablement le Code.

La première de ces règles est celle qui est la plus directement applicable au cours d’une campagne électorale. La mise en place de politiques et de procédures appropriées permet aux dirigeants du secteur privé et des organismes à but non lucratif d’assurer que leurs activités politiques, et celles de leurs employés, en période électorale, n’entravent pas le travail de leur organisation une fois que les bulletins de vote sont comptés et que la conduite des affaires du gouvernement reprend.

Cette introduction au droit électoral vise à vous aider à mieux comprendre l’incidence que les règles canadiennes en matière de lobbying pourraient avoir pour vous ou votre entreprise lors de l’élection fédérale de 2021. Si vous souhaitez discuter d’un point particulier, ou si vous avez des questions, veuillez communiquer avec l’un des membres de l’équipe Secteur public du cabinet, soit Awanish Sinha, Hartley Lefton, Amanda D. Iarusso, Jacob Klugsberg, Andrew Butler ou Adam Kanji. Ils se feront un plaisir de vous aider.

Le Code de déontologie des lobbyistes

La commissaire a récemment révisé l’interprétation de son bureau pour trois dispositions clés du Code, notamment les règles 7, 8, 9 et 10. Ces règles – et en particulier la règle 9 – détermineront la manière dont les organisations, leurs employés et leurs consultants interagiront avec les fonctionnaires fédéraux pendant et après une campagne électorale.

La règle 9 du Code concerne les activités politiques. Elle s’applique potentiellement à toute personne qui s’implique dans une campagne électorale. Si vous aidez une personne à se faire élire, la règle 9 (telle qu’interprétée par la commissaire) peut vous empêcher de faire du lobbying auprès de cette personne ou de son personnel jusqu’après l’élection suivante.

Pour savoir si cette interdiction s’applique à vous, il faut déterminer si vos activités politiques sont « à risques plus élevés », « à risques plus faibles » ou « sans risque ». Plus vos activités liées à la campagne sont fréquentes, nombreuses et importantes sur le plan stratégique ou tactique, plus vous risquez d’être soumis à la règle 9 après le jour du scrutin et de voir vos activités de lobbying restreintes.

Les règles 7 et 8 du Code concernent l’accès préférentiel. Elles prévoient que si vous entretenez une relation avec un fonctionnaire fédéral « qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation », vous ne pouvez ni faire du lobbying auprès de ce fonctionnaire fédéral, ni organiser pour une autre personne une rencontre avec lui.

La commissaire a élargi et précisé son interprétation de ces règles. Il est interdit de faire du lobbying ou d’organiser des rencontres lorsque le lobbyiste et le fonctionnaire fédéral : (i) sont liés par le sang ou par alliance, y compris les oncles, les tantes, les cousins germains, les nièces et les neveux; (ii) ont des liens d’« amitié » ou d’« affection », ou « des affinités particulières qui vont au-delà d’une simple association »; ou (iii) « partagent un intérêt de propriété, fiduciaire ou monétaire dans une entreprise ».

La règle 10 du Code concerne les cadeaux. Elle interdit aux lobbyistes d’offrir ou de promettre quoi que ce soit ayant une valeur à un fonctionnaire fédéral auprès duquel ils font ou feront du lobbying. Selon l’interprétation mise à jour de cette règle par la commissaire, les cadeaux, les services et les avantages ne sont pas autorisés, à moins qu’ils ne soient « offerts à titre d’expression normale de courtoisie ou selon les normes habituelles qui accompagnent normalement le poste du [fonctionnaire fédéral] ».

Par exemple, si un ministre prend la parole lors d’un de vos déjeuners pendant la campagne électorale et que vous lui offrez une tasse à café arborant le logo de votre entreprise en guise de remerciement, vous n’enfreignez pas la règle 10. Si toutefois la tasse à café est plaquée or ou contient une paire de billets pour les Canadiens, vous enfreignez la règle 10. Par conséquent, vous devez tenir compte de la règle 10 avant d’inviter un fonctionnaire fédéral à un événement qui comprend un service de restauration et avant de lui témoigner votre reconnaissance.

Êtes-vous lobbyiste?

En vertu de la Loi sur le lobbying, le « lobbying » consiste à communiquer, contre rémunération, avec des titulaires de charges publiques [2] au sujet d’une mesure visée. Si vous êtes rémunéré pour communiquer avec des fonctionnaires fédéraux pour, entre autres: 

  • l’élaboration, la préparation ou la modification de propositions législatives, de projets de loi ou de résolutions, de règlements, de politiques ou de programmes fédéraux; ou
  • l’octroi de subventions, de contributions ou d’autres avantages financiers par le gouvernement fédéral,

alors vous êtes lobbyiste en vertu de la loi fédérale, et la Loi sur le lobbying (Canada) et le Code de déontologie des lobbyistes s’appliquent à vous. Il est à noter que la Cour fédérale a récemment statué que le « paiement » au titre de la Loi sur le lobbying pourrait englober des éléments qui ne relèvent pas d’une compensation non monétaire, par exemple « un poste de direction dans une entreprise ou une organisation, même si ce poste est bénévole ».

Ces règles s’appliquent aux deux types de lobbyistes suivants : 

  • Les lobbyistes-conseils, qui sont rémunérés pour communiquer avec des titulaires de charges publiques fédéraux au nom de leurs clients. Ces lobbyistes peuvent être des travailleurs indépendants ou travailler pour des cabinets œuvrant dans le milieu des relations gouvernementales, du droit ou des affaires publiques. Il est à noter que lorsque la communication est effectuée par un lobbyiste-conseil, la gamme des mesures visées est légèrement plus large. Ainsi, une communication concernant l’attribution d’un contrat du gouvernement fédéral est considérée comme du lobbying, de même que l’organisation d’une rencontre entre un titulaire de charges publiques et toute autre personne.
  • Les lobbyistes salariés, qui communiquent avec des titulaires de charges publiques fédéraux au nom de leur entreprise ou de leur organisation. Si les employés d’une entreprise ou d’une organisation consacrent une partie importante (~20 %) de leur travail au lobbying, l’entreprise ou l’organisation est tenue de s’enregistrer.[3]

Vos activités politiques présentent-elles des risques?

Si vous êtes un lobbyiste-conseil ou si votre entreprise ou organisation emploie un ou plusieurs lobbyistes salariés, vous devrez toujours tenir compte de la règle 9 du Code pendant la campagne électorale. Selon les lignes directrices de la commissaire, les personnes qui entreprennent des « activités politiques à risques plus élevés » pendant la période électorale ne devraient pas faire de lobbying auprès d’un fonctionnaire qui en bénéficie, ni auprès de son personnel, avant l’élection suivante.

Les activités politiques à risques plus élevés mentionnées ci-dessous vous empêcheront vraisemblablement de faire du lobbying auprès des politiciens qui en bénéficient jusqu’à la fin de l’élection suivante : 

  • agir comme directeur de campagne ou assumer un autre rôle stratégique au sein d’une équipe de campagne ou de la « salle de crise » d’un parti; agir dans une position nommée pour le compte d’un parti enregistré, ou agir à titre d’agent d’une association locale de circonscription;
  • préparer un candidat pour un débat, ou agir à titre de porte-parole désigné d’un parti, d’un candidat, d’une campagne ou d’une autre organisation;
  • organiser une activité de financement politique ou amasser des fonds pour un parti fédéral ou une campagne locale.

Les activités politiques à risques plus faibles, notamment le bénévolat, le démarchage ou le fait d’être représentant au scrutin le jour des élections, peuvent également entraîner une interdiction de lobbying. Selon la commissaire, la question consiste à déterminer si « la participation fréquente ou multiple à de telles activités augmente le risque de créer un sentiment d’obligation de la part d’un titulaire de charges publiques qui en bénéficie ».

Il convient de noter que selon l’interprétation que fait la commissaire de la règle 9 du Code, le simple fait d’assister à des événements de collecte de fonds ou d’« exprimer ses opinions politiques personnelles strictement à titre privé » peut donner lieu à un sentiment d’obligation disqualifiant. Selon le point de vue actuel de la commissaire, un employé qui diffuse fréquemment par gazouillis (tweet) ses opinions partisanes personnelles pendant la période de campagne électorale pourrait bien risquer de se voir interdire de faire du lobbying auprès des fonctionnaires fédéraux qui tirent profit de ses communications.

Seules deux activités sont actuellement classées par la commissaire comme des activités politiques sans risque, notamment l’affichage de signes ou d’affiches partisanes et les contributions personnelles à la campagne. Toujours selon la commissaire, le fait de poser une affiche sur la pelouse ou de remettre un chèque à un candidat n’affectera pas votre capacité à communiquer avec les fonctionnaires fédéraux après l’élection.

Le mot de la fin

Si vous ou l’un de vos employés êtes payés pour communiquer avec des fonctionnaires fédéraux, il sera important de tenir compte des lois canadiennes sur le lobbying et des lignes directrices connexes dans les semaines à venir. L’engagement politique peut avoir des conséquences post-électorales pour votre entreprise. Si vous ou d’autres personnes de votre organisation êtes amenées à interagir avec des politiciens et des partis politiques pendant la période électorale, prenez le temps de vous assurer que vos politiques et procédures internes respectent les règles énoncées ci-dessus.

Ce billet fait partie de notre série sur l’élection fédérale de 2021. Vous pouvez accéder au contenu connexe ici.

Vous avez des questions sur les interactions avec le gouvernement et les agences gouvernementales? Nos experts du secteur public chez McCarthy Tétrault peuvent vous aider. Veuillez communiquer avec Awanish Sinha, Hartley Lefton, Amanda D. Iarusso, Jacob Klugsberg, Andrew Butler ou Adam Kanji pour obtenir de l’aide ou des réponses à vos questions.


[1] Commissariat au lobbying du Canada, Directives – Code de déontologie des lobbyistes.

[2] En vertu de la Loi sur le lobbying, L.R.C. (1985), ch. 44 (4e suppl.), art. 2(1) : « titulaire d’une charge publique » désigne tout agent ou employé de la Couronne fédérale, y compris : Les sénateurs, les députés et leur personnel; les personnes nommées par le gouvernement fédéral; les administrateurs, dirigeants et employés des offices, commissions et tribunaux fédéraux; et les membres des Forces armées canadiennes et de la GRC.

[3] La commissaire a récemment recommandé d’éliminer le seuil de la « partie importante des fonctions » et de le remplacer par une obligation d’enregistrement, quel que soit le temps consacré au lobbying. 

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