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Entrée en vigueur de modifications à la LFI et à la LACC portant sur l’insolvabilité

Des modifications importantes à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ("LFI") et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ("LACC") entreront en vigueur le 1er novembre 2019 avec l’adoption du projet de loi C-97. Elles auront une incidence importante sur certains aspects des procédures d’insolvabilité entreprises après cette date. Les révisions de grande envergure apportées tant à la LFI qu’à la LACC entraîneront probablement des changements aux pratiques actuelles en matière d’insolvabilité et de restructuration au Canada.

Aperçu du projet de loi C-97

Le projet de loi C-97 modifie à la fois la LFI et la LACC par:

  1. l’ajout d’une obligation expresse de bonne foi pour tout intéressé;
     
  2. l’élargissement de la portée des dispositions de rétrospection permettant au tribunal d’examiner les opérations conclues par la société débitrice avant son insolvabilité.

Le projet de loi C-97 modifie également la LACC par :

  1. la réduction de la durée de la suspension initiale des procédures de 30 jours à 10 jours;
     
  2. la limitation des redressements prévus par une ordonnance initiale à ce qui est normalement nécessaire à la poursuite des activités du débiteur dans le cours ordinaire des affaires pendant la période de suspension;
     
  3. la création d’obligations d’information supplémentaires pour tout intéressé.

Les dispositions du projet de loi C-97 méritent qu’on s’y attarde. Les débiteurs, les praticiens de l’insolvabilité et les autres parties intéressées peuvent avoir – du moins dans un premier temps – du mal à déterminer comment ces changements toucheront la pratique établie.

Ajout d’une obligation légale expresse de bonne foi à la LFI et à la LACC

Le projet de loi C-97 crée une obligation légale expresse de bonne foi pour tout intéressé, même si la common law et les lois sur l’insolvabilité exigent déjà que de nombreux intervenants agissent de bonne foi. Par exemple, en vertu de la LACC, les débiteurs doivent démontrer qu’ils agissent de bonne foi pour obtenir une prorogation de la période de suspension, et la jurisprudence a étendu cette exigence à la requête initiale en faillite. Cette modification s’adresse aux autres intervenants.

La modification accorde également de vastes pouvoirs de réparation pour faire respecter l’obligation de bonne foi. Si le tribunal est convaincu qu’un intéressé n’a pas agi de bonne foi, il peut rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée.

Ces changements semblent avoir pour objectif d’accroître la confiance du public dans les régimes d’insolvabilité. Toutefois, l’application de cette disposition devrait être suivie très attentivement au cours des prochains mois, à mesure que les différentes parties avanceront sur le nouveau terrain. La façon dont les tribunaux traiteront les demandes portant (du moins en apparence) sur cette nouvelle obligation n’est pas claire dans l’immédiat.

Élargissement de la portée des dispositions de rétrospection de la LFI et de la LACC

Le projet de loi C-97 élargit la portée des dispositions de rétrospection de la principale loi canadienne sur l’insolvabilité en apportant des modifications à la LFI, qui sont intégrées par renvoi dans la LACC. Les dispositions de rétrospection s’appliquent maintenant aux cas où une indemnité a été versée à un dirigeant ou un administrateur du débiteur dans l’année précédant l’ouverture de la faillite. À la demande du syndic, le tribunal peut enquêter sur une telle opération afin de déterminer si elle a eu lieu à un moment où le débiteur était insolvable ou si elle l’a rendu insolvable. Dans l’une ou l’autre de ces circonstances, les administrateurs seront solidairement responsables.

Les modifications renversent le fardeau de la preuve. Il incombe désormais aux administrateurs de prouver que le paiement a été fait dans le cours ordinaire des affaires, qu’il n’était manifestement pas supérieur à la juste valeur marchande ou qu’il a été fait à un moment où la personne morale n’était pas insolvable ou qu’il ne la rendait pas insolvable; ou que les administrateurs avaient des motifs raisonnables de croire être devant l’une de ces situations. De plus, les administrateurs qui se sont opposés aux avantages ne seront pas tenus responsables. Nous constatons que les fiduciaires et les contrôleurs disposent déjà de diverses méthodes pour se prévaloir de recours contre les administrateurs et les dirigeants qui reçoivent une rémunération inéquitable ou qui manquent à leurs obligations fiduciaires envers la société. Il y a également des restrictions quant à la portée des exonérations accordées aux administrateurs dans le cadre de la LACC; l’interaction entre les protections existantes et la nouvelle législation devrait encore une fois être surveillée de près par les professionnels de l’insolvabilité.

Réduction de la portée de l’ordonnance initiale et de la durée de la suspension des procédures dans les premières requêtes en vertu de la LACC

Avant les modifications, les débiteurs avaient droit à une suspension initiale des procédures de 30 jours. Ce délai a été réduit à 10 jours. De plus, les modifications limiteront expressément le pouvoir du tribunal d’accorder une mesure de redressement aux termes d’une ordonnance initiale à ce qui est « normalement nécessaire à la continuation de l’exploitation de la compagnie débitrice durant cette période ». Cette exigence s’applique également au financement du débiteur-exploitant sollicité dans le cadre de la demande initiale. Cela peut engendrer une certaine incertitude dans les cas qui sont de toute évidence des procédures de liquidation en vertu de la LACC et où le débiteur n’est pas en mesure de présenter une preuve crédible de son intention de poursuivre ses activités dans le cours ordinaire des affaires.

Exigences supplémentaires en matière de divulgation des renseignements en vertu de la LACC

Le projet de loi C-97 modifie la LACC afin de prévoir que le tribunal peut, sur demande de tout intéressé et avec préavis, ordonner à tout intéressé de divulguer son intérêt économique aux conditions qu’il estime indiquées. L’ intérêt économique s’entend notamment d’une réclamation, d’un contrat financier, d’une option ou d’une hypothèque et d’une sûreté, de la contrepartie payée pour l’obtention de tout intérêt précité et de tout autre intérêt ou droit prévus par règlement.

Pour décider s’il y a lieu d’ordonner la divulgation, le tribunal prend en considération, notamment, les facteurs suivants:

  1. la question de savoir si le contrôleur acquiesce à la divulgation proposée;
     
  2. la question de savoir si la divulgation proposée favorisera la conclusion d’une transaction ou d’un arrangement viable à l’égard de la compagnie débitrice;
     
  3. la question de savoir si la divulgation proposée causera un préjudice important à tout intéressé.

Cette disposition semble incompatible avec l’évaluation des créances dans les procédures d’insolvabilité canadiennes, laquelle ne tient pas compte de la contrepartie payée par un créancier pour l’acquisition d’une créance. Nous suivrons avec intérêt la façon dont les tribunaux détermineront ce qui constitue un préjudice important en vertu de la nouvelle règle. Ces dispositions pourraient entraîner une certaine contraction du marché secondaire des titres en difficulté si elles étaient appliquées régulièrement aux entreprises qui acquièrent de telles créances. La divulgation obligatoire du prix d’achat peut avoir une incidence négative sur les parties qui tenteront plus tard de vendre leur position, car elles négocieront maintenant à jeu ouvert.

Conclusion

Le projet de loi C-97 apporte des modifications importantes au droit canadien de l’insolvabilité dont les effets restent à découvrir. Compte tenu de l’ampleur des modifications, des conséquences importantes et imprévues sont à craindre. Les lecteurs seraient bien avisés de surveiller la jurisprudence qui découlera de ces modifications.

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