Tout ce que les transporteurs ont toujours voulu savoir sur les Incoterms, mais n’ont jamais osé demander puisqu’ils sont de toute façon responsables
Les Incoterms, acronyme de l’anglais « International Commercial Terms » (termes commerciaux internationaux), sont une série de termes commerciaux élaborés et publiés par la Chambre de commerce internationale (la « CCI »). À la suite de deux études menées par la CCI en 1923 et en 1928, qui ont mis en évidence les disparités dans l’interprétation des termes des échanges commerciaux, la CCI a publié sa première version des Incoterms en 1936[1]. La CCI souhaitait mettre en place via les Incoterms un ensemble de règles et d’interprétations auxquelles les ententes pourraient référer, menant ainsi à plus de certitude et de prévisibilité, dans le but ultime de faciliter les transactions.
Que sont les Incoterms?
Chacun des 11 Incoterms consiste en une abréviation commerciale de trois lettres représentant une liste de termes et conditions, et est conçu afin d’avoir une signification universelle pour les acteurs commerciaux du monde entier. Les Incoterms n’ont pas pour but de représenter l’ensemble du contrat entre les parties, mais sont plutôt destinés à compléter les accords de vente et de transport, en définissant clairement les obligations contractuelles de chaque partie en plus des coûts et risques associés à la livraison des biens du point de départ à la destination. Bien que la CCI ait annoncé qu’elle allait dévoiler une version 2020, les Incoterms ont été mis à jour pour la dernière fois en 2010.
Les Incoterms qui s’appliquent à tous les modes de transport
Les Incoterms de 2010 comprennent 11 termes définis, certains s’appliquant à tous les modes de transport, d’autres s’appliquant spécifiquement au transport maritime et fluvial. Par exemple, l’Incoterm EXW (Ex Works, ou « à l’usine ») s’applique à n’importe quel mode de transport. Lorsqu’un contrat de vente stipule que le terme EXW s’y applique, la livraison est définie comme le moment où le vendeur met les marchandises à la disposition de l’acheteur, que ce soit aux locaux du vendeur ou dans un autre lieu convenu (par exemple, l’usine ou l’entrepôt du vendeur)[2]. Si le contrat de vente prévoit que la mise à disposition de la marchandise à l’acheteur détermine le transfert de propriété, la propriété est alors transférée bien avant la destination finale. Comme l’illustre cet exemple, les Incoterms peuvent aider les parties à clarifier le transfert tant du risque que de la propriété des biens, sans ajouter de pages à un contrat de vente déjà bien fourni.
Les Incoterms qui ne s’appliquent qu’au transport maritime (à ne pas utiliser sur terre)
Les 11 Incoterms sont divisés en deux catégories: (1) les règles applicables à tous les modes de transport et (2) les règles applicables aux transports maritimes et fluviaux. Alors que les termes de la catégorie « tout mode » peuvent être utilisés pour le transport maritime, ceux qui appartiennent à la catégorie « transport maritime » ne doivent être utilisés pour aucun autre mode de transport. En effet, alors que la première catégorie est principalement adaptée au transport de conteneurs, la seconde devrait être privilégiée pour le transport de marchandises en vrac et non conteneurisée.[3] Lorsque les marchandises sont conteneurisées ou livrées à l’intérieur des terres à un transporteur, le point de réception diffère des situations où les marchandises sont livrées à quai ou à bord d’un navire.
Pour tenir compte de ces distinctions, les deux catégories de règles fixent différents points déterminant le moment du transfert de risque du vendeur à l’acheteur.[4] Par exemple, en vertu du terme destiné au transport maritime et fluvial FOB (Free on Board, ou « Franco à bord »), la livraison est accomplie lorsque les marchandises sont placées à bord du navire désigné par l’acheteur au port d’embarquement nommé.[5] L’Incoterm FCA (Free Carrier, ou « Franco transporteur »), qui peut être utilisé tant sur l’eau que sur terre, définit quant à lui la livraison comme étant le moment où le vendeur livre les marchandises au transporteur ou à une autre personne, désignée par l’acheteur.[6] En stipulant des conditions de livraison distinctes, les deux règles définissent différemment le moment à partir duquel le risque est transféré du vendeur à l’acheteur.
Que signifient les Incoterms pour les transporteurs?
Dans un sens, comme l’indique notre titre, les Incoterms n’affectent pas les transporteurs puisque la responsabilité de ces derniers demeure déterminée par les aspects réglementés de l’accord de transport, qu’il s’agisse d’un connaissement, d’un accord écrit ou, dans les cas où une loi ou un règlement prévoit qu’un accord est réputé avoir été conclu. Cependant, les Incoterms peuvent avoir une incidence sur les recours des transporteurs qui souhaitent recouvrer leurs frais de transport. Par exemple, la Cour du Québec a reconnu que le terme FOB (Free on Board, ou « Franco à bord »), inséré dans un contrat entre un expéditeur et un transporteur, constituait une condition dudit contrat, permettant au transporteur de recouvrer les frais de transport auprès du destinataire (au point de livraison).[7] Inversement, dans une affaire où le terme DDP (Delivered Duty Paid, ou « Rendu droits acquittés ») avait été utilisé entre le vendeur et le destinataire, une cour fédérale des États-Unis a conclu que le coût total du fret était attribué au vendeur, quel que soit le mode de transport.[8] L’Agence des services frontaliers du Canada est également reconnue pour s’être fiée largement et strictement aux Incoterms, même en présence de preuves contraires concernant la conduite des parties.
Les Incoterms sont des outils puissants – une façon abrégée d’incorporer des termes et conditions détaillés dans un accord, souvent en griffonnant simplement trois lettres sur un connaissement. Il n’est pas rare non plus que les parties utilisent des Incoterms incompatibles avec le mode de transport visé – par exemple en utilisant l’Incoterm FOB pour des marchandises livrées par camion. Les parties qui utilisent les Incoterms devraient s’assurer qu’elles savent ce qu’ils signifient et que la répartition des risques est appropriée à la transaction en question. Pour les compagnies de transport, les Incoterms ne modifient pas beaucoup leur responsabilité en cas de perte ou de dommage à la cargaison, mais ils peuvent changer la donne lorsque le transporteur demande le paiement.
Cet article a été préparé par le groupe Transport et logistique de McCarthy Tétrault. Pour plus d’informations, veuillez contacter David F. Blair ou Brian Lipson.
Résumé des Incoterms 2010
Mode |
Terme |
Nom complet[9] |
Définition[10] |
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Tous les modes de transport |
EXW |
Ex Works (À l’usine) |
Le vendeur livre lorsqu'il met la marchandise à la disposition de l'acheteur aux locaux du vendeur ou dans un autre lieu désigné (usine, usine, entrepôt, etc.). Le vendeur n'a pas besoin de charger les marchandises sur un véhicule de collecte, ni de les dédouaner pour l'exportation, le cas échéant. |
FCA |
Free Carrier (Franco transporteur) |
Le vendeur livre les marchandises au transporteur ou à une autre personne désignée par l'acheteur aux locaux du vendeur ou dans un autre lieu désigné. Les parties sont bien avisées d'indiquer aussi clairement que possible le point à l'intérieur du lieu de livraison indiqué, car c'est là que le risque est transféré à l'acheteur. |
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CPT |
Carriage Paid To (Port payé jusqu’à) |
Le vendeur livre les marchandises au transporteur ou à une autre personne désignée par le vendeur à l'endroit convenu (si un tel endroit est convenu entre les parties) et le vendeur doit arranger le transport nécessaire pour amener les marchandises au lieu de destination désigné et en payer les frais. |
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CIP |
Carriage And Insurance Paid To (Port payé, assurance comprise, jusqu’à) |
Le vendeur livre les marchandises au transporteur ou à une autre personne désignée par le vendeur à l'endroit convenu (si un tel endroit est convenu entre les parties) et le vendeur doit arranger le transport nécessaire pour amener les marchandises au lieu de destination désigné et en payer les frais. Le vendeur contracte également une assurance contre le risque de perte ou de détérioration de la marchandise pendant le transport. L'acheteur doit noter qu'en vertu de l’Incoterm « CIP », le vendeur n'est tenu d'obtenir une assurance que pour une couverture minimale. Si l'acheteur souhaite bénéficier d'une meilleure protection d'assurance, il devra soit en convenir expressément avec le vendeur, soit prendre ses propres arrangements quant à une assurance complémentaire. |
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DAT |
Delivered At Terminal (Rendu au terminal, terminal de destination convenu) |
Le vendeur livre lorsque les marchandises, une fois déchargées du moyen de transport d'arrivée, sont mises à la disposition de l'acheteur à un terminal convenu, au port ou au lieu de destination désigné. Le « terminal » comprend un endroit, couvert ou non, tel qu'un quai, un entrepôt, un parc à conteneurs ou un terminal de fret routier, ferroviaire ou aérien. Le vendeur assume tous les risques liés à l'acheminement et au déchargement des marchandises au terminal du port ou du lieu de destination convenu. |
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DAP |
Delivered At Place (Rendu au lieu de destination convenu) |
Le vendeur livre lorsque les marchandises sont mises à la disposition de l'acheteur sur le moyen de transport d'arrivée, prêt à être déchargé au lieu de destination convenu. Le vendeur assume tous les risques liés à l'acheminement de la marchandise au lieu convenu. |
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DDP |
Delivered Duty Paid
(Rendu droits acquittés) |
Le vendeur livre la marchandise lorsque celle-ci est mise à la disposition de l'acheteur, dédouanée pour l'importation sur le moyen de transport d'arrivée, prêt pour le déchargement au lieu de destination convenu. Le vendeur assume tous les frais et risques liés à l'acheminement des marchandises jusqu'au lieu de destination et a l'obligation de dédouaner les marchandises, non seulement à l'exportation mais aussi à l'importation, de payer tous droits de douane à l'exportation et à l'importation ainsi que d'accomplir toutes les formalités douanières. |
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Transport maritime et fluvial |
FAS |
Free Alongside Ship (Franco le long du navire) |
Le vendeur livre lorsque les marchandises sont placées le long du navire (par exemple, sur un quai ou une barge) désigné par l'acheteur au port d'embarquement convenu. Le risque de perte ou de dommages à la marchandise est transféré lorsque la marchandise se trouve sur le long du navire, et l'acheteur assume tous les frais à partir de ce moment. |
FOB |
Free On Board (Franco à bord) |
Le vendeur livre les marchandises à bord du navire désigné par l'acheteur au port d'embarquement désigné ou se procure les marchandises déjà livrées. Le risque de perte ou de dommages à la marchandise est transféré lorsque la marchandise se trouve à bord du navire, et l'acheteur assume tous les frais à partir de ce moment. |
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CFR |
Cost and Freight (Coût et fret) |
Le vendeur livre les marchandises à bord du navire ou se procure les marchandises déjà livrées. Le risque de perte ou de dommages à la marchandise est transféré lorsque celle-ci se trouve à bord du navire. Le vendeur doit contracter pour amener la marchandise au port de destination convenu et payer les frais et le fret nécessaires. |
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CIF |
Cost, Insurance and Freight (Coût, assurance et fret) |
Le vendeur livre les marchandises à bord du navire ou se procure les marchandises déjà livrées. Le risque de perte ou de dommages à la marchandise est transféré lorsque la marchandise se trouve à bord du navire. Le vendeur doit contracter pour amener les marchandises au port de destination convenu et payer les frais et le fret nécessaires. Le vendeur contracte également une assurance contre le risque de perte ou de dommages à la marchandise pendant le transport. L'acheteur doit noter qu'en vertu de l’Incoterm « CIF », le vendeur n'est tenu d'obtenir une assurance que pour une couverture minimale. Si l'acheteur souhaite bénéficier d'une meilleure protection d'assurance, il devra soit convenir expressément avec le vendeur, soit prendre ses propres dispositions quant à une assurance complémentaire. |
[1] « Incoterms® rules history », International Chamber of Commerce (en anglais).
[2] L’usine ou l’entrepôt du vendeur est décrit comment le « seller’s works » en anglais, d’où le nom de cet Incoterm.
[3] « The logic of the Incoterms 2010 rules », IncotermsExplained.com (en anglais).
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] « The Impact of Incoterms 2010 », Glen Gibbons, 4 IBLQ 15. (en anglais)
[7] Fedex Trade Networks Transport & Brokerage CDA Inc. c. Transcontinental Sales Inc., 2004 CanLII 6370 (QC CQ), paragr. 50-51.
[8] Tian Long Fashion Co., Ltd. v. Fashion Avenue Sweater Knits, LLC, 2016, United States District Court, S.D. New York, No. 13 Civ. 8258 (en anglais). Les auteurs pratiquent le droit au Canada, et cette référence au droit des États-Unis est présentée à des fins d’information seulement.
[9] Traductions françaises entre parenthèses, tirées de l’article « Incoterms, pour une meilleure performance ».
[10] Les définitions suivantes sont notre traduction, effectuée à partir de « Incoterms® rules 2010 » (en anglais), publié par la Chambre de commerce internationale.