Le BSIF publie une version à l’étude de sa méthode d’analyse des scénarios climatiques
Le 16 octobre 2023, le Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF ») a publié une version à l’étude de sa méthode d’analyse des scénarios climatiques à des fins de commentaires du public : Exercice normalisé d’analyse de scénarios climatiques (« ENASC »). Il s’agit là d’une étape fondamentale dans l’objectif du BSIF d’élaborer le classeur Excel, les instructions s’y rapportant et le questionnaire de l’ENASC, dont la version définitive sera publiée en 2024.
La version à l’étude de l’ENASC n’est qu’une des publications récentes du BSIF visant à aider les institutions financières fédérales (les « IFF ») à mieux comprendre et à limiter leurs risques climatiques. En mars 2023, le BSIF avait publié son premier cadre de surveillance du climat et, en janvier 2022, un rapport sur l’analyse des scénarios de changement climatique en collaboration avec la Banque du Canada. Notre analyse de ces développements peut être consultée ici [en anglais uniquement] et ici [en anglais uniquement], respectivement.
Les commentaires relatifs à la version à l’étude de l’ENASC peuvent être envoyés à l’adresse [email protected] jusqu’au 22 décembre 2023.
Portée
La version à l’étude de l’ENASC s’applique aux IFF comme les banques et les assureurs fédéraux. Les succursales de banques étrangères et les régimes de retraite fédéraux en sont dispensés.
Contexte
Actuellement au Canada, seules les IFF sont assujetties à des obligations d’information en lien avec les changements climatiques, y compris l’analyse de scénarios conformément aux échéanciers de 2024 et de 2025 prévus à l’annexe 2-2 de la ligne directrice B-15 du BSIF, Gestion des risques climatiques. Toutefois, si des organismes de réglementation provinciaux comme la BC Financial Services Authority (BC FSA), l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) du Québec ayant compétence pour réglementer sur le plan prudentiel des institutions financières provinciales comme les caisses de crédit et les assureurs, venaient à adopter également un cadre en matière de climat, ceux-ci pourraient prendre comme modèle toute analyse de scénarios requise selon l’approche de l’ENASC pour ces institutions financières provinciales.
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM ») ont déclaré qu’elles révisaient le projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques (le « Règlement 51-107 »). Si le scénario climatique est inclus dans le Règlement 51-107, les ACVM pourraient également prendre comme modèle (en l’adaptant pour les différents secteurs) l’analyse de scénarios selon l’approche de l’ENASC.
Buts et objectifs
Le BSIF a déclaré que le but de l’ENASC est d’évaluer les risques climatiques qui, d’une certaine façon, ne sont pas pris en compte par les techniques traditionnelles de quantification des risques, comme les modèles qui se fondent sur les données historiques pour évaluer les risques.
Le BSIF a énoncé trois objectifs pour l’ENASC :
- sensibiliser les IFF et favoriser une orientation stratégique pour mieux comprendre leurs éventuelles expositions aux changements climatiques;
- promouvoir le renforcement des capacités des IFF à évaluer les effets des politiques et des événements catastrophiques liés aux changements climatiques, et à effectuer des exercices d’analyse de scénarios climatiques et des évaluations de risques;
- établir une évaluation quantitative normalisée des risques climatiques, qu’ils soient physiques ou liés à la transition.
Approche opérationnelle
La publication et l’utilisation de l’ENASC se feront selon une approche descendante (menée par un organisme public) et ascendante (menée par les IFF). Dans le cadre du processus descendant, le BSIF élaborera la méthode, les scénarios, les paramètres d’ajustement et les calculs qui sous-tendront l’ENASC. Ces informations seront communiquées aux IFF qui évalueront à leur tour, dans le cadre de l’approche ascendante, les effets sur leurs expositions à l’aide des informations prescrites fournies par le BSIF.
Aperçu
La version à l’étude de l’ENASC comporte quatre modules[1] qui sont généralement indépendants l’un de l’autre puisqu’il n’est pas tenu compte du chevauchement des risques ou de la corrélation entre les risques. L’exercice initial de la version à l’étude de l’ENASC consiste à examiner les différences d’exposition entre les IFF au moyen des risques, des expositions et des éléments descriptifs des scénarios spécifiques de chaque module.
Un risque climatique, soit le risque de transition ou le risque physique, a été attribué à chaque module. Le risque de transition s’entend des risques financiers liés au processus d’adaptation à une économie à faibles émissions de gaz à effet de serre (GES), comme les changements dans la politique gouvernementale en matière de climat, les changements dans l’opinion des marchés et des consommateurs en faveur d’une économie à faibles émissions de GES ainsi que les progrès technologiques. Les risques physiques découlent des événements climatiques extrêmes, comme les catastrophes naturelles, les changements climatiques à plus long terme ainsi que les effets indirects des changements climatiques (comme les conséquences pour la santé publique), qui peuvent se traduire par des pertes financières.
Un risque financier a été attribué à chaque module, soit le « risque de marché » pour le module 1, le « risque de crédit » pour le module 2 et l’évaluation de l’exposition au risque de transition lié à l’immobilier pour les modules 3 et 4. Le risque de marché correspond au risque de perte attribuable aux fluctuations du marché, comme les variations des taux d’intérêt, des taux de change ou des cours des actions. Le risque de crédit s’entend du risque de pertes si un emprunteur ou un émetteur ne respecte pas ses obligations financières, par exemple en ne remboursant pas une dette.
Chaque module décrit également l’exposition connexe (l’exposition au marché commercial à l’échelle mondiale ou l’exposition liée à l’immobilier au Canada), la portée de l’exposition au secteur concerné et les catégories d’actifs pertinentes. En dernier lieu, chaque module comporte un ensemble d’éléments descriptifs de scénarios uniques pour effectuer l’analyse de scénarios. Il faut donc déterminer un ensemble de scénarios hypothétiques futurs et un ensemble de projections de variables macroéconomiques et financières qui rendent compte des effets quantitatifs de ces scénarios.
La version à l’étude de l’ENASC fournit une liste des principales hypothèses et limites ayant guidé à sa conception et à son exécution. Bien que la majorité des hypothèses et des limites soient propres à chaque module, les trois hypothèses suivantes s’appliquent à tous les modules :
- l’objectif des scénarios climatiques n’est pas de prédire l’avenir;
- la mesure exhaustive des risques climatiques n’est pas un objectif; et
- il y a des compromis entre la normalisation de l’analyse de scénarios et une évaluation exhaustive des risques qui pèsent sur chaque IFF.
Module 1 : Effets de la transition climatique sur le risque de marché au regard des expositions commerciales
Exemple | Risque climatique | Expositions | Risque financier | Périmètre des expositions et catégories d’actifs | |
Incidence sur la valeur des actifs financiers | Risque de transition | Expositions commerciales (à l’échelle mondiale) | Risque de marché | Exposition : comprend les actions et les obligations de sociétés dans le portefeuille de négociation et le portefeuille bancaire. | Catégories d’actifs :
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Éléments descriptifs des scénarios Ce module 1 suivra quatre scénarios de risque de transition. Les scénarios reposent sur la portée (le caractère ambitieux) et la rapidité avec lesquelles la politique climatique est mise en œuvre et ils sont façonnés par divers degrés de risque de transition et des ensembles de données spécifiques. Ces ensembles de données peuvent comprendre les prix du carbone, les revenus nets et les variations de la probabilité de défaut. Étant donné que l’analyse de scénarios climatiques comporte un certain degré d’incertitude, chacun des quatre scénarios est accompagné de deux ensembles de données distincts : les données de scénarios élaborées par la Banque du Canada et les données de scénarios élaborées au moyen des scénarios de la phase III du Réseau pour le verdissement du système financier. En d’autres termes, chacun des quatre scénarios suivants sera mis en œuvre deux fois au moyen de chaque ensemble de données.
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Hypothèses et limites supplémentaires Risque de transition
Risque de marché
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Module 2 : Effets de la transition climatique sur le risque de crédit au regard des expositions commerciales
Exemple | Risque climatique | Expositions | Risque financier | Périmètre des expositions et catégories d’actifs | |
Incidence sur les pertes de crédit attendues | Risque de transition | Expositions commerciales (à l’échelle mondiale) | Risque de crédit | Exposition : portefeuilles de prêts aux entreprises et de prêts commerciaux. | Catégories d’actifs :
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Éléments descriptifs des scénarios Ce module 2 suivra les quatre mêmes scénarios et les mêmes ensembles de données pour le risque de transition décrits dans le module 1. | |||||
Hypothèses et limites supplémentaires Risque de transition
Risque de crédit
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Module 3 : Évaluation de l’exposition sur immobilier au regard de la transition climatique
Exemple | Risque climatique | Expositions | Risque financier | Périmètre des expositions et catégories d’actifs | |
Portefeuilles de placements et de prêts garantis par des biens immobiliers | Risque de transition | Expositions liées à l’immobilier (au Canada) | Évaluation de l’exposition | Exposition : expositions sur immobilier et passifs d’assurance hypothécaire au Canada. Dans le cas des assureurs, les passifs d’assurance de biens qui couvrent l’aléa spécifique. | Catégories d’actifs :
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Évaluation de l’exposition aux risques financiers Les portefeuilles de placements et de prêts garantis par des biens immobiliers des IFF peuvent subir des pertes financières en raison du risque lié à la transition climatique dans les cas suivants :
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Éléments descriptifs des scénarios L’évaluation de l’exposition au risque de transition lié à l’immobilier suppose qu’il y aura un abandon progressif d’une économie à forte intensité de carbone, mais ne cherche pas à préciser le moment de la transition. | |||||
Hypothèses et limites supplémentaires Risque de transition
Évaluation de l’exposition sur immobilier
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Module 4 : Évaluation de l’exposition aux risques physiques
Exemple | Risque climatique | Expositions | Risque financier | Périmètre des expositions et catégories d’actifs | |
Dommages aux actifs corporels, incidence sur la valeur des actifs. | Risque physique | Expositions liées à l’immobilier (au Canada) | Évaluation de l’exposition | Expositions sur immobilier : Expositions sur immobilier au Canada. Dans le cas des assureurs, les passifs d’assurance de biens qui couvrent l’aléa spécifique. Expositions sur prêts commerciaux assortis d’une sûreté : seules les expositions évaluées au-dessus d’un certain seuil (qui doit être déterminé) et garanties par des sûretés immobilières qui sont physiquement situées au Canada sont visées par l’évaluation. | Catégories d’actifs immobiliers :
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Évaluation de l’exposition aux risques physiques Afin d’essayer de mieux comprendre dans quelle mesure les IFF sont exposées à certains risques physiques, l’évaluation de l’exposition dans ce module tient compte à la fois des effets directs et indirects des aléas physiques. Des exemples de l’effet direct comprennent notamment l’effet sur la valeur et la probabilité de défaut dans l’éventualité où des aléas physiques chroniques et extrêmes influeraient sur les actifs corporels détenus par les IFF. Des aléas chroniques peuvent influer sur la valeur des actifs même après les réparations, tandis que les aléas extrêmes peuvent entraîner une perturbation des activités et des dommages matériels. | |||||
Éléments descriptifs des scénarios Les éléments descriptif des scénarios utilisés aux présentes proviennent des profils représentatifs d’évolution de concentration (ou RCP, de l’anglais Representative Concentration Pathways):
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Hypothèses et limites supplémentaires
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Expertise de McCarthy Tétrault
En tirant parti de notre vaste expertise sectorielle, nous aidons nos clients à s’orienter dans le cadre complexe et hautement réglementé des institutions financières au Canada afin d’atteindre leurs objectifs commerciaux, y compris ceux liés au dynamique contexte environnemental, social et de gouvernance (« ESG ») et de durabilité en constante évolution. Veuillez communiquer avec un membre de notre groupe de réglementation des institutions financières ou de notre groupe des questions stratégiques ESG et durabilité si vous avez des questions ou pour obtenir de l’aide.
[1] Les quatre modules sont les suivants : i) Effets de la transition climatique sur le risque de marché au regard des expositions commerciales; ii) Effets de la transition climatique sur le risque de crédit au regard des expositions commerciales; ii) Évaluation de l’exposition sur immobilier au regard de la transition climatique; et iv) Évaluation de l’exposition aux risques physiques.