L’AMF publie son sommaire de ses activités de surveillance et de réglementation en matière de financement des sociétés
La Direction principale du financement des sociétés (« DPFS ») de l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF ») a récemment publié son sommaire des activités de surveillance et de réglementation (le « Sommaire ») pour l’année terminée au 31 décembre 2023. Nous avons préparé un survol des éléments à retenir du Sommaire, pour les émetteurs assujettis quant aux constats de l’AMF sur la qualité de l’information continue et des orientations de l’AMF pour la mise en œuvre de nouvelle réglementation.
Lacunes observées dans les documents d’information
Au courant de l’année 2023, la DPFS a principalement identifié les lacunes ci-dessous dans le cadre de son programme de surveillance.
Prospectus préalable de base
Le Sommaire rapporte que certains émetteurs indiquent une valeur en dollars déraisonnable sur leurs prospectus préalables de base soumis[1]. L’AMF souligne que les facteurs suivants sont considérés comme des facteurs contextuels dans son analyse : « l’emploi du produit projeté, incluant des étapes de développement clés et concrètes, les placements antérieurs par voie de prospectus, la capitalisation boursière de l’émetteur de même que les divers indicateurs financiers pertinents » et souligne qu’il doit exister une cohérence entre ces facteurs, l’information contenue dans les documents d’information continue et le montant global du placement projeté par voie de prospectus préalable de base. Ainsi, l’AMF indique devoir demander à une société de justifier un montant élevé du placement et, dans un cas où les facteurs contextuels sont déraisonnables, intervenir en demandant à la société de réduire la valeur en dollars du placement proposé par son prospectus préalable de base. Le prospectus préalable de base devient un outil de financement de plus en plus utilisé par les émetteurs de toute taille. Il est important de viser une adéquation entre le montant maximal apparaissant sur le prospectus préalable de base et le plan d’affaires de l’émetteur.
Opérations particulières
L’AMF souligne dans le Sommaire que, à plusieurs instances, de l’information erronée s’est retrouvée dans les communiqués publiés et déposés à l’occasion d’une opération avec une personne apparentée visée par le Règlement 61-101 sur les mesures de protection des porteurs minoritaires lors d’opérations particulières. L’AMF précise ses attentes à cet égard selon deux scénarios :
- si un communiqué publié et déposé en lien avec une opération avec une personne apparentée fournit l’information prévue au paragraphe 5.2 2) du Règlement 61-101 quant au délai plus court pour le dépôt de la déclaration de changement important, une déclaration de changement important doit être déposée en lien avec l’opération au plus tard 10 jours après la date à laquelle survient le changement; ou
- si une opération avec une personne apparentée visée par le Règlement 61-101 ne constitue pas un changement important dans les affaires de la société et que la société n’a ainsi pas l’obligation de déposer une déclaration de changement important, le communiqué publié et déposé en lien avec l’opération n’a pas à expliquer le délai dans lequel il est déposé.
De plus, l’AMF rappelle l’importance pour les sociétés de s’assurer d’indiquer si, le cas échéant, un ou plusieurs administrateurs participant à l’opération avec une personne apparentée se sont abstenus de voter sur l’opération. Il s’agit d’un rappel d’une bonne pratique de gouvernance ainsi que des principes applicables des lois corporatives à l’égard des conflits d’intérêts.
Information technique ou scientifique
L’AMF indique, dans le Sommaire, avoir recensé plusieurs cas de non-conformité aux dispositions réglementaires liées à la diffusion d’information de nature technique ou scientifique sur les sites Web de sociétés minières, laquelle est généralement soumise au Règlement 43-101 sur l'information concernant les projets miniers. Les sociétés minières doivent s’assurer de répondre aux exigences suivantes lorsque des informations de nature technique et scientifique sont incluses dans leur site web :
- lors de la présentation d’information technique ou scientifique, indiquer le nom de l’une des personnes qualifiées qui a soit établi les renseignements constituant le fondement de l’information écrite ou qui en a supervisé l’établissement ou celle qui a approuvé l’information écrite, en plus d’indiquer la nature de sa relation avec cette personne qualifiée;
- la personne retenue comme personne qualifiée doit respecter les exigences de l’article 1.1 du Règlement 43-101 au sujet de son expérience et doit être membre en règle d’une association professionnelle; et
- l’indépendance de la personne qualifiée est requise lors de l’établissement d’un rapport technique ou de la supervision de son établissement, lorsque ce rapport est requis, notamment lors du dépôt d’un prospectus provisoire et du dépôt d’une évaluation prévue par la législation en valeurs mobilières.
Assemblées annuelles virtuelles
L’AMF réitère l’importance des indications fournies par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») en ce qui concerne la tenue d’assemblées annuelles virtuelles, notamment la communication de directives claires et exhaustives dans les documents reliés aux procurations de la manière de s’inscrire, accéder, participer et voter lors de ces assemblées, la simplification du processus d’inscription et d’authentification aux plateformes utilisées pour la tenue des assemblées et le choix d’une plateforme adéquate pour recréer l’expérience d’une assemblée tenue en personne.
L’AMF invite les émetteurs à se référer aux bonnes pratiques afin de tenir des assemblées virtuelles notamment en se référant aux communiqués publiés par les ACVM et de privilégier la tenue d’assemblées en mode hybride. L’AMF souligne qu’elle continue de monitorer les développements visant les assemblées virtuelles et publiera au besoin des indications et mises à jour à cet égard. À cet égard, il faut noter que plusieurs investisseurs institutionnels et les agences indépendantes de conseil de vote ont fait part de leur réserves sur la tenue d’assemblées annuelles exclusivement en mode virtuel.
Sollicitation de procurations
L’AMF réitère l’importance pour les émetteurs de respecter les exigences prévues par la rubrique 3.3 de l’Annexe 51-102A5 du Règlement 51-102 sur les obligations d'information continue, laquelle exige notamment d’indiquer dans une circulaire le coût réel ou prévu de manière précise du procédé utilisé si la sollicitation de procurations n’est pas faite par la poste.
Rappels administratifs
Afin de traiter les demandes de dispense efficacement, l’AMF indique que ces demandes doivent être appuyées par des motifs suffisants justifiant que l’octroi de la dispense demandée ne porte pas atteinte à la protection des épargnants et invite les émetteurs à se référer à la page du site Web de l’AMF portant sur les demandes de dispense discrétionnaires. De plus, l’AMF note avoir reçu tardivement plusieurs demandes de dispense des exigences d’établir des documents de placement en français et rappelle que ces demandes doivent être transmises en temps opportun.
L’AMF souligne qu’une société, afin d’obtenir une interdiction d’opérations limitée uniquement aux dirigeants, aux termes de l’instruction générale 12-203, lorsqu’elle prévoit ne pas être en mesure de respecter ses obligations d’information continue, doit faire une demande à cet effet à l’AMF au moins deux semaines avant la date limite pour le dépôt des documents d’information continue. Sauf exception, les demandes tardives ne seront pas acceptées.
L’AMF rappelle qu’un placement par financement participatif doit être clos au maximum 90 jours après la première mise à disposition aux investisseurs prospectifs du document d’offre. Il a été observé que certaines sociétés pensent à tort que ce délai peut être réinitialisé, par exemple, en modifiant le document d’offre ou en le retirant et le republiant sur la plateforme. Cependant, ces pratiques ne sont pas conformes et ne permettent pas de prolonger ou de redémarrer le délai de 90 jours pour la clôture du financement participatif.
Information financière
Il est noté dans le Sommaire que certains émetteurs ont omis de bien décrire les enjeux relatifs à leur situation financière dans leur prospectus. L’AMF rappelle que des documents d’information décrivant la situation financière d’une société doivent être clairs, et ce, particulièrement lorsque, par exemple, le flux de trésorerie provenant des activités opérationnelles est négatif, et que ce fait doit être mis en évidence parmi les facteurs de risques.
Concernant les facteurs de risques plus spécifiquement, l’AMF note que les émetteurs devraient détailler de nombreux facteurs, tels que la quantification des pertes, le déficit du fonds de roulement, les moyens que la société compte prendre afin de remédier à ces problèmes, les autres sources de financements disponibles ainsi que les conséquences qui découlent de sa situation de trésorerie. Additionnellement, les émetteurs assujettis au risque lié à la continuité de son exploitation devraient divulguer de l’information additionnelle permettant à l’investisseur de déterminer la période pendant laquelle le placement pourra financer ses activités, l’estimation des coûts opérationnels ainsi qu’une estimation des autres dépenses en immobilisation importantes.
Dispense de prospectus
La dispense de prospectus pour financement de l’émetteur coté, entrée en vigueur en novembre 2022 selon la partie 5A du Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, a fait l’objet d’examens en 2023 pour vérifier le respect des conditions, notamment la nécessité pour l’émetteur d’avoir suffisamment de fonds pour ses objectifs commerciaux et ses besoins de trésorerie pour les 12 mois suivant le placement. Il a été constaté que certains émetteurs ne respectaient pas cette condition et omettaient des informations cruciales dans leurs documents d’offre.
Les émetteurs souhaitant utiliser cette dispense doivent s’assurer qu’elles ont les fonds suffisants pour atteindre leurs objectifs commerciaux et répondre à leurs besoins de trésorerie pendant 12 mois. L’AMF rappelle aux émetteurs d’inclure dans leurs documents d’offre les éléments suivants :
- des informations sur les fonds disponibles après le placement et toute source de financement supplémentaire prévue;
- des explications en cas de baisse significative du fonds de roulement depuis les derniers états financiers annuels audités;
- les détails de chaque objectif principal pour l’utilisation des fonds, avec les montants approximatifs; et
- lorsqu’applicable, une mention indiquant que les états financiers annuels audités ou du rapport financier intermédiaire contiennent une note sur la continuité de l’exploitation et des explications sur la manière dont le placement répondra à cette incertitude.
Initiatives réglementaires en cours
Le Sommaire indique que l’AMF évalue actuellement des initiatives réglementaires portant sur les aspects suivants :
- les changements à être apportés aux obligations d’information liée aux questions climatiques;
- la modernisation des obligations d’information relatives aux projets miniers;
- les modifications portant sur la sélection des candidats au conseil d’administration, le renouvellement de celui-ci et la diversité; et
- le régime de prospectus préalable accéléré.
SEDAR+
Suite à la mise en opération de SEDAR+ en 2023 et des systèmes d’automatisation de cette plateforme, l’AMF rappelle aux émetteurs l’importance de mettre à jour leur profil régulièrement et de s’assurer de la conformité de l’information qui y est contenue afin de ne pas se retrouver sur la liste des émetteurs en défaut.
[1] L’article 5.4 du Règlement 44-102 sur le placement de titres au moyen d'un prospectus préalable prévoit : « Le prospectus préalable de base n’indique pas une valeur en dollars supérieure à celle des titres que l’émetteur ou le porteur vendeur qui projette de faire un placement au moyen de ce prospectus s’attend raisonnablement, au moment où il le dépose, à placer dans les 25 mois suivant la date du visa. »