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La Cour d’appel de l’Ontario se penche sur la portée de l’obligation de divulguer des franchiseurs en dehors du contexte de divulgation obligatoire

Publié par le groupe du droit des franchises et distribution

Dans le cadre d’une importante nouvelle décision (en anglais seulement) pour les franchiseurs, rendue dans l’affaire 3574423 Canada Inc. v. Bâton Rouge Restaurants Inc. (l’affaire Bâton Rouge), la Cour d’appel de l’Ontario (CAO) s’est récemment penchée sur la portée de la divulgation d’informations qu’un franchiseur est tenu de faire à l’un de ses franchisés en dehors du contexte des obligations de divulgation prévues par la loi. Dans l’affaire Bâton Rouge, la CAO a examiné la portée de l’obligation de bonne foi à laquelle un franchiseur est tenu lorsqu’il fournit à un franchisé existant de l’information concernant un nouvel emplacement.

Le pourvoi en appel portait sur une décision rendue en 2012 par le juge de première instance Brown et de laquelle nous avions déjà traité. Cette décision a éclairci un certain nombre de questions relatives au droit des franchises en Ontario. L’appel, toutefois, était axé uniquement sur la conclusion du juge de première instance selon laquelle le franchiseur n’avait pas manqué à l’obligation de bonne foi et d’équité en omettant de divulguer certains renseignements à un franchisé existant qui évaluait la possibilité d’investir dans un nouvel emplacement de franchise.

Contexte et résumé

L’appelant, 3574423 Canada Inc., devient un franchisé de Bâton Rouge en 1999 lorsqu’il prend en charge la propriété de l’emplacement se trouvant au Centre Eaton situé au centre-ville de Toronto. Dans le cadre des négociations entourant la franchise du Centre Eaton, le franchisé obtient un droit de premier refus (DPR) contractuel sur le prochain emplacement de franchise à attribuer dans la région du Grand Toronto. À plusieurs reprises au cours des années qui ont suivi l’acquisition par 3574423 Canada Inc. de la franchise du Centre Eaton, la société s’est vu offrir la possibilité d’investir dans de nouveaux emplacements Bâton Rouge. Chaque fois, elle a refusé d’exercer son DPR.

Le litige ayant mené à la poursuite portait sur une franchise Bâton Rouge devant ouvrir à Thornhill. En 2001, conformément à son obligation en vertu du DPR de l’appelant, le franchiseur offre à l’appelant la franchise de Thornhill. Comme il l’a fait par le passé, le franchisé appelant examine les documents que lui remet le franchiseur et décide de laisser passer l’occasion liée au nouvel emplacement. L’emplacement de Thornhill est finalement attribué à un autre franchisé. Après la conclusion de l’opération, des différences sont constatées entre l’information contenue dans les documents que le franchiseur a fournis à l’appelant et les ententes qui ont finalement régi la nouvelle franchise. Ces différences portaient notamment sur les conditions du bail final pour la propriété et la taille du territoire pour le nouvel emplacement. Au procès, l’appelant prétend notamment que ces différences sont assimilables à la non-divulgation de renseignements essentiels à son processus de prise de décision et que le franchiseur a ainsi manqué à ses obligations de bonne foi et d’équité. Le juge de première instance a exprimé son désaccord, estimant que les différences étaient sans importance et que le franchisé appelant disposait de suffisamment de renseignements pour renoncer à son DPR au moment où il a pris la décision de le faire. Le franchisé en a appelé de la décision, alléguant que le juge Brown avait mal appliqué la loi en ce qui concerne l’obligation de bonne foi d’un franchiseur.

La CAO a rejeté l’appel en concluant que l’allégation selon laquelle le franchiseur avait omis de divulguer des renseignements importants était sans fondement. La CAO a maintenu la décision rendue par le juge de première instance selon laquelle le franchiseur n’avait pas manqué à ses obligations de bonne foi et d’équité.

Les obligations de divulgation prévues par la loi ne s’appliquent pas

Il est important de noter que la CAO a fait son analyse sans tenir compte des obligations de divulgation du franchiseur prévues à l’article 5 de la Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises (Ontario) (Loi). En première instance, le juge Brown avait conclu qu’étant donné que l’appelant n’était pas devenu un franchisé en ce qui concerne la franchise de Thornhill à l’égard de laquelle il prétendait que la divulgation avait été déficiente, il n’était pas en droit d’invoquer les recours prévus par la loi en cas de divulgation insuffisante; ces recours n’étaient offerts qu’aux parties qui étaient en fait devenues des franchisés en se fondant sur l’information en question. Par conséquent, l’appelant n’avait pas droit au niveau élevé de divulgation préalable à l’investissement prévue dans la loi.

Les relations antérieures entre les parties peuvent être déterminantes quant à la norme des obligations du franchiseur

Dans son évaluation de la norme à l'égard des obligations de bonne foi et d’équité, la CAO a indiqué ce qui suit : [traduction] « L’envergure des relations antérieures entre les parties dans la présente affaire est déterminante quant à la norme de traitement équitable entre elles ». Cela est compatible avec la jurisprudence antérieure, laquelle laisse entendre que les obligations liées aux franchises constituent des normes souples, influencées par leur contexte et déterminées par les normes prévues qui se sont établies dans le cadre des relations entre les parties. Dans ce cas particulier, la CAO a fait remarquer que les dirigeants du franchisé étaient des hommes d’affaires avertis ayant une expérience considérable dans le secteur de la restauration. Compte tenu de ce contexte, la CAO a conclu que le franchisé appelant disposait d’une information suffisante sur laquelle fonder sa décision de décliner l’occasion d’ouvrir une franchise à Thornhill.

Une communication imparfaite de l’information n’entraînera pas nécessairement un manquement aux obligations du franchiseur

Il y avait certaines divergences entre l’information contenue dans les documents remis au franchisé appelant et les documents de franchise que le franchisé ultérieur a finalement signés. La CAO a conclu que ces divergences n’étaient pas importantes; elles traduisaient un exercice raisonnable du degré de diligence du franchiseur et elles n’ont pas constitué un facteur important dans la décision de l’appelant de renoncer à son DPR. La CAO a aussi indiqué que les détails manquants ne pouvaient avoir joué un rôle important dans la décision du franchisé puisque celui-ci n’a pas cherché à obtenir de plus amples renseignements sur ces questions.

Ce point est intéressant, car il illustre l’importante distinction entre la norme de divulgation applicable aux investisseurs éventuels qui deviennent des franchisés et celle applicable à ceux qui ne le deviennent pas. Lorsqu’un investisseur éventuel devient un franchisé, les tribunaux appliquent de façon rigoureuse les obligations de divulgation prévues dans la loi. Lorsque cet investisseur éventuel n’acquiert pas la franchise en question, comme dans la présente cause, la norme de divulgation préalable à l’investissement semble être moins élevée, même dans le contexte d’une relation de franchise existante où les parties sont liées par les obligations de bonne foi et d’équité.