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Contrats publics : le gouvernement du Québec publie le projet de Programme de remboursement volontaire

Le 23 septembre 2015, le gouvernement du Québec a publié son projet de programme de remboursement volontaire (le « Programme ») pour fins de consultation[1]. La mise en œuvre du Programme est prévue en vertu de la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics, adoptée le 24 mars 2015 (la « Loi »)[2].

Les parties intéressées ont jusqu’au 23 octobre 2015 pour soumettre leurs commentaires. Le Programme entrera en vigueur le 1er novembre 2015 et prendra fin le 31 octobre 2017.

Le Programme visera tout contrat public conclu après le 1er octobre 1996 pour lequel « il aurait pu y avoir eu fraude ou manœuvre dolosive ». Le processus prévu s’apparente aux conférences de règlement à l’amiable : l’entreprise ou la personne physique qui veut s’en prévaloir (le « Proposant ») devra dans un premier temps proposer un règlement et divulguer la méthode utilisée pour calculer le montant offert; l’administrateur du Programme pourra convoquer à une conciliation le Proposant et les organismes publics qui s’opposent à la proposition pour tenter d’en arriver à une entente.

L’objectif du Programme est de permettre aux entreprises qui veulent éviter des recours en dommages de rembourser volontairement les profits illicites qu’elles auraient facturés, et d’obtenir quittance pour les contrats visés par le règlement. Si cette quittance n’est pas accordée, la Loi prévoit des règles particulières qui faciliteront les recours en dommages contre les entreprises, leurs administrateurs et dirigeants en fonction au moment des actes reprochés. Rappelons notamment qu’en vertu de ces règles, le préjudice causé sera présumé correspondre à 20 % du montant des contrats et que la prescription applicable sera de 20 ans à compter de l’entrée en vigueur des dispositions pertinentes de la Loi. Pour plus de détails sur la Loi, voir notre analyse antérieure[3].

Points saillants

  • Administration : Le Programme sera administré par l’honorable François Rolland, ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec, nommé à titre d’administrateur le 24 août 2015.
  • Confidentialité : À moins du consentement exprès du ministre et du Proposant, tout ce qui sera dit ou écrit dans le cadre de l’application du Programme sera confidentiel et ne pourra être divulgué ou reçu en preuve devant un tribunal judiciaire. Cette règle s’appliquera aussi dans le cadre de recours civils ou administratifs et en réponse à des demandes de renseignements d’organismes d’application de la loi ou administratifs.
  • Huis clos : L’ensemble du processus d’analyse et de négociation d’une proposition de règlement aura lieu à huis clos.
  • Poursuites criminelles ou pénales : La participation au Programme n’aura aucun impact sur les poursuites criminelles ou pénales qui pourraient être par ailleurs intentées à l’égard des contrats publics en cause.
  • Recours civils : Les organismes publics demeureront libres d’intenter des recours en dommages concernant les contrats publics qui n’auront pas fait l’objet d’un règlement dans le cadre du Programme ou qui ne sont pas visés par la Loi.

Le processus prévu pour le Programme est le suivant :

  • Avis d’intention : Au plus tard le 1er novembre 2016, le Proposant devra soumettre un avis d’intention qui devra contenir, notamment, la liste des organismes publics qui seront visés par la proposition de règlement, les années visées par cette proposition, ainsi que la liste des personnes physique ou morales à l’égard desquelles une quittance est requise.
  • Notification à l’organisme public : Sur réception d’un avis d’intention, le ministre informera par écrit, dans un délai de 30 jours, chaque organisme public visé par l’avis d’intention.
  • Proposition de règlement : Dans les 30 jours du dépôt de son avis d’intention, le Proposant devra déposer une proposition auprès de l’administrateur. La proposition doit, entre autres, dresser la liste des contrats visés, le montant total payé par l’organisme public pour chaque contrat, la méthode utilisée pour calculer le montant de la proposition, les modalités de paiement et les garanties offertes pour assurer le paiement. Une fois déposée, la proposition de règlement ne pourra être retirée.
  • Frais de 10% : En déposant sa proposition, le Proposant devra payer par chèque un montant forfaitaire équivalant à 10% du montant offert, à titre de frais engagés pour l’application du Programme. Ce montant sera non remboursable et ajusté à la hausse si le règlement est supérieur au montant de la proposition. Bien que cette somme puisse paraitre élevée, rappelons que la Loi prévoit qu’une entreprise qui n’obtient pas de quittance en vertu du Programme et qui fait l’objet de recours en dommages, devra payer une somme additionnelle correspondant à 20% des dommages accordés à titre de frais engagés pour l’application de la Loi.
  • Divulgation : Le Proposant devra s’engager à divulguer à l’administrateur tous les faits et renseignements pertinents à l’évaluation de sa proposition de règlement. Le Proposant qui omet ou refuse de divulguer des renseignements ou des documents importants pourra être exclue du Programme.
  • Évaluation : L’administrateur évaluera la proposition et pourra demander des explications supplémentaires que le Proposant devra lui fournir. S’il n’est pas en mesure de recommander que la proposition soit acceptée, l’administrateur doit en informer l’entreprise pour lui permettre d’apporter les modifications nécessaires.
  • Recommandation préliminaire : Au plus tard 150 jours après le dépôt de l’avis d’intention, l’administrateur devra transmettre sa recommandation préliminaire au ministre.
  • Avis de refus de l’organisme public : Tout organisme visé par la proposition devra, dans les 60 jours suivant sa réception, informer le ministre par écrit de son acceptation ou non de la partie de la proposition qui le concerne. S’il ne l’accepte pas, l’organisme devra expliquer pourquoi et formuler une contre-proposition. À défaut de transmettre un avis de refus, l’organisme sera réputé avoir accepté la proposition.
  • Conciliation : Dans les 30 jours de la réception d’un ou de plusieurs avis de refus, l’administrateur peut convoquer les parties concernées à une conciliation.
  • Scrutin : Si l’administrateur reçoit un avis de refus, tous les organismes publics visés devront voter sur la proposition. Chaque organisme public aura droit à un vote pour chaque dollar de la proposition le concernant. Pour être acceptée, la proposition doit recevoir l’approbation des organismes publics détenant au moins les 2/3 des votes. Si l’administrateur ne peut recommander que l’intégralité d’une proposition soit acceptée, le ministre pourra soumettre au vote uniquement les parties de la proposition qui auront fait l’objet d’une recommandation favorable.
  • Quittance : Une fois la proposition acceptée, le ministre signera une quittance au nom de tous les organismes publics visés. Cette quittance sera par contre sans effet à l’égard des contrats ayant fait l’objet de fausses déclarations ou d’une divulgation manifestement incomplète dans le cadre du processus ayant mené au règlement.

Commentaires de McCarthy Tétrault

Le Programme ayant été publié pour fins de consultation, il est possible que certaines modalités de celui-ci soient modifiées avant son entrée en vigueur le 1er novembre prochain. Il sera intéressant de voir les amendements qui seront retenus par le ministre lorsque la version définitive du Programme sera rendue publique.

Par ailleurs, compte tenu que la date limite pour participer au Programme est le 1er novembre 2016 et qu’une proposition détaillée de règlement doit ensuite être transmise dans un délai de 30 jours, les entreprises qui veulent se prévaloir du Programme ont tout avantage à débuter rapidement l’analyse au soutien de leur proposition de règlement.


[1]Projet de programme de remboursement volontaire.

[2]R.L.R.Q., chapitre R-2.2.0.0.3.

[3] Voir notre publication : Contrats publics et projet de loi 26 : recouvrement des sommes injustement payées et modification au régime d’autorisation de l’AMF.

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