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Les parties à une procédure d’arbitrage doivent prendre des mesures proactives pour assurer la confidentialité de cette procédure

L’importance de cette décision

Dans la récente décision SOS Marine Inc. c. M/V Gentle Seas (Ship), 2024 FC 1042, la Cour fédérale du Canada a examiné si l’information communiquée dans le cadre d’une procédure arbitrale devait être considérée comme confidentielle dans le cadre d’une instance judiciaire entre les mêmes parties ou des tiers (l’« Action »).

Résumé

Le différend a pris naissance entre la demanderesse, SOS Marine Inc. (« SOS Marine »), une société de services maritimes du Québec, et les défendeurs, le navire M/V Gentle Seas (le « navire Gentle Seas ») et ses propriétaires, agissant par l’intermédiaire de leur mandataire, Laden Maritime Inc. (« Laden »). Il découle d’un contrat conclu entre SOS Marine et Stem Shipping Co. S.A. (par l’intermédiaire de Laden) pour le nettoyage des cales à marchandise du navire Gentle Seas.

Après avoir éprouvé des retards en raison de problèmes allégués concernant la grue du navire, SOS Marine a soumis un devis révisé pour les travaux supplémentaires nécessaires au déchargement de la cargaison restante et au nettoyage des cales. Les défendeurs ont refusé de couvrir les frais au-delà de ceux indiqués dans le devis original. La demanderesse a alors fait saisir le navire.

En réponse, les défendeurs ont déposé une requête pour interjeter appel d’une ordonnance d’un juge responsable de la gestion de l’instance. Cette ordonnance exigeait que les défendeurs répondent à des questions et engagements auxquels ils s’étaient indûment opposés lors de leur interrogatoire préalable, et qu’ils produisent les actes de procédure d’un arbitrage. Les demandes portaient sur un arbitrage, non lié à l’Action, impliquant les défendeurs et l’affréteur du navire Gentle Seas, lequel n’était pas partie à l’Action.

Le juge responsable de la gestion de l’instance a décidé que l’information demandée était pertinente pour les questions en jeu dans le cadre de l’Action, et a déclaré que toute préoccupation en matière de confidentialité pouvait être soulevée et traitée conformément aux Règles de la Cour fédérale applicables.

Question principale

Parmi les multiples questions abordées par la Cour, c’est la deuxième question qui retient notre attention, à savoir si de l’information communiquée dans le cadre de la procédure d’arbitrage était confidentielle et ne pouvait donc être produite dans le cadre de la procédure judiciaire.

Analyse et décision de la Cour

Le seul argument soulevé par les défendeurs était que l’arbitrage étant par nature privé, la communication de l’information divulguée au cours de l’arbitrage contreviendrait à la règle de présomption d’engagement. Les documents à l’appui des défendeurs n’incluait aucun élément de preuve attestant de la confidentialité de la procédure d’arbitrage. En réponse, la demanderesse a fait valoir que l’information demandée était pertinente et pouvait être produite.

La Cour a conclu que l’appel devait être rejeté. Les défendeurs n’avaient soulevé aucune autorité ni raisonnement selon lequel le privilège relatif au litige découlant de la règle de présomption d’engagement s’appliquait à une procédure d’arbitrage privé ou à ses actes de procédure. En outre, comme cet argument n’avait jamais été présenté au juge responsable de la gestion de l’instance, on ne pouvait soulever aucune erreur manifeste ou prépondérante dans l’ordonnance.

La Cour a ajouté que la confidentialité est à distinguer du privilège relatif au litige. Ainsi, si des documents sont pertinents pour des litiges ultérieurs entre les mêmes parties ou des tiers, il est dans l’intérêt de la justice qu’ils soient communiqués dans le cadre de procédures judiciaires.

En conclusion, la Cour a décidé que le juge responsable de la gestion de l’instance n’avait commis aucune erreur révisable en concluant à la pertinence de la procédure d’arbitrage entre les défendeurs, propriétaires du navire Gentle Seas, et les affréteurs.

Matière à réflexion

Cette décision souligne l’importance d’une convention d’arbitrage rédigée de manière réfléchie ou du recours à des règles institutionnelles soigneusement conçues qui comportent des dispositions en matière de confidentialité. Les parties qui souhaitent préserver la confidentialité de leur procédure d’arbitrage doivent prendre des mesures proactives, que ce soit au moyen de règles institutionnelles ou de leur convention d’arbitrage, pour veiller à ce qu’elle soit réellement maintenue, et ce, même si de telles mesures demeurent susceptible à un contrôle judiciaire.

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