Un tribunal de l’Ontario autorise une action en diffamation fondée sur une insulte traitant une personne de « prédateur »
Date de fermeture
14 décembre 2023
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Toronto
Le 14 décembre 2023, dans sa décision rendue dans l’affaire Rainbow Alliance Dryden et al. v. Webster, 2023 ONSC 7050, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a conclu que les insultes traitant de « prédateurs » les artistes de drag ne sont pas protégées par la loi de l’Ontario sur la prévention des poursuites-bâillons et peuvent faire l’objet d’une action en diffamation.
L’affaire Rainbow Alliance est une victoire importante pour la communauté 2SLGBTQI+ et pour les artistes de drag. La Cour a confirmé que les lois sur les poursuites-bâillons ne protégeaient pas ceux qui perpétuaient des mythes préjudiciables et incitaient à la haine contre des communautés marginalisées.
Les faits/les antécédents
Rainbow Alliance Dryden (« RAD »), ainsi que divers partenaires communautaires, ont organisé une série d’événements d’artistes de drag qui devaient avoir lieu en septembre 2022. Caitlin Hartlen était l’une des artistes d’un spectacle de drag pour adultes seulement. La Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel alléguant que l’un des événements de RAD constituait un acte de « prédation à l’égard des enfants ». La police a alors mené une enquête sur la plainte. Les organisateurs de RAD et les partisans de l'événement au sein de la communauté étaient furieux et bouleversés par l’enquête de la police au sujet de cette plainte.
Le 16 septembre 2022, la CBC (Canadian Broadcasting Corporation) a publié sur son site Web un article intitulé « Dryden, Ont., was all set to host a weekend drag event. Then police responded to an unfounded prank call »
Le 17 septembre 2022, la page Facebook de « Real Thunder Bay Courthouse – Inside Edition » (la « Page Courthouse ») a fait une publication contenant des images de l’article de la CBC du 16 septembre 2022. La publication comprenait la photo apparaissant dans l’article de la CBC, et mentionnait le nom de Hartlen. Il accusait RAD et Hartlen d’être des « PRÉDATEURS ». Selon les témoignages d’experts déposés ultérieurement devant le tribunal, il s’agit d’une insulte diffamatoire qui a longtemps été utilisée pour cibler la communauté et les personnes 2SLGBTQI+.
Brian Webster, le défendeur, est la personne qui administre la « Page Courthouse ». Webster a présenté une demande aux termes de l’art. 137.1 de la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de faire rejeter l’action en diffamation des demandeurs à titre de « poursuite stratégique contre la mobilisation publique » (« poursuite-bâillon »).
Décision du tribunal
La juge Nieckarz a rejeté l’argument de monsieur Webster et la demande de ce dernier dans le cadre de l’examen du premier critère du test contre les poursuites-bâillons.
La juge a conclu que l’action en diffamation ne découlait pas des commentaires que le défendeur avait faits au sujet du reportage de la CBC sur les événements liés aux artistes de drag. Cette affaire découlait plutôt de la déclaration du défendeur à l’effet que les artistes de drag avaient un comportement de prédateur et avaient « besoin de se donner en spectacle devant des enfants ». La juge Nieckarz a convenu avec les demandeurs que le fait de perpétuer de tels stéréotypes et de tels mythes au sujet de la communauté 2SLGBTQI+ ne constituait pas un discours d’intérêt public.
Bien que la juge Nieckarz ait rejeté la demande dans son examen du premier critère du test contre les poursuites-bâillons, elle s’est ensuite penchée sur les autres critères du test. Elle a ainsi conclu que la demande de monsieur Webster ne satisfaisait pas non plus aux deuxième et troisième critères du test, à savoir : a) il y avait des motifs raisonnables de croire que la demande des demandeurs était fondée et monsieur Webster n’avait donc pas de défense valide; et b) il n’était pas dans l’intérêt public d’utiliser une expression préjudiciable associant les personnes 2SLGBTQI+ à un comportement de prédateur.
L’équipe de McCarthy Tétrault qui a représenté avec succès les demandeurs dans la demande de Rainbow Alliance était dirigée par Adam Goldenberg et comprenait Ljiljana Stanic, Leah Strand et Will Dandie, ainsi que des avocats de Judson Howie LLP.