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Législations anticorruption du Royaume-Uni et du Canada : Guide de référence rapide

Dans le milieu mondial des affaires, il n’a jamais été aussi nécessaire ou pertinent de se conformer à la législation anticorruption qu’aujourd’hui. Toutefois, compte tenu des nombreuses modifications récemment apportées à cette législation et à la portée extraterritoriale croissante des lois, cette tâche est devenue ardue, voire complexe. Le Royaume-Uni et le Canada sont deux juridictions clefs où les sociétés peuvent être tenues responsables d’actes de corruption commis à l’extérieur de leur territoire. Les sanctions comprennent des amendes très lourdes, des condamnations criminelles, le retrait du droit de participer à des appels d’offres, l’annulation de contrats et une atteinte irrémédiable à la marque : un risque catastrophique pour toute entreprise. Les sociétés qui parviennent à gérer efficacement ces risques ou à les atténuer jouiront d’un avantage concurrentiel important dans leurs marchés internationaux.

En guise d’introduction à ces lois diversifiées qui se chevauchent, le présent article présente une comparaison générale des principaux éléments des lois anticorruption du Royaume-Uni et du Canada.

Dispositions pertinentes

Lois du Royaume-Uni

Lois du Canada

Quelle est la principale loi anticorruption?

The Bribery Act 2010 (« BA »)

Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (« LCAPE ») et le Code criminel (CC)

Quand a-t-elle été adoptée?

1er juillet 2011

14 février 1999 (« LCAPE »)

Quelles sont les principales infractions?

Corruption d’une autre personne – corruption active (article 1 du BA)

Corruption par une autre personne – corruption passive (article 2 du BA)

Corruption d’un agent public étranger (article 6 du BA)

Une organisation commerciale peut être tenue responsable des infractions ci-dessus en vertu du principe de l’identification en common law.

Corruption d’agents publics étrangers (paragraphe 3(1) de la LCAPE)

Corruption de fonctionnaires fédéraux, provinciaux ou municipaux (articles 119 à 125 du CC)

Commissions secrètes (article 426 du CC)

Une organisation commerciale peut être tenue responsable des infractions ci-dessus pour les actes de ses « cadres supérieurs », y compris ses administrateurs, son président ou son directeur financier et de ses « agents » occupant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation ou assurant la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci. Par « agent », on entend, tout administrateur, associé, employé, mandataire ou contractant d’une organisation (article 22.2 du CC).

Le défaut d’empêcher une infraction est-il punissable?

S’ajoute aux infractions ci-dessus le fait que si une organisation commerciale n’empêche pas un acte constituant une infraction aux termes des articles susmentionnés, elle peut être tenue responsable du défaut de l’avoir empêcher (article 7 du BA).

Non, il s’agit d’une infraction distincte. Cependant, les organisations commerciales sont responsables des actes de leurs « cadres supérieurs » qui, sachant qu’un « agent » participe à l’infraction, ou est sur le point d’y participer, omettent de prendre les mesures voulues pour l’en empêcher (article 22.2 du CC).

Existe-t-il des infractions liées à la tenue des livres et registres?

Le BA ne prévoit pas d’infraction de nature comptable.

Le Companies Act 2006exige toutefois que les sociétés tiennent des registres comptables adéquats, et l’inobservation de cette exigence constitue une infraction criminelle.

Certaines activités de nature comptable définies (comme l’utilisation de faux documents ou le défaut d’enregistrer des opérations correctement) sont interdites lorsqu’elles ont pour but la corruption ou la dissimulation de cette corruption (article 4 de la LCAPE).

Quels sont les autorités chargées de faire respecter la loi?

Le Serious Fraud Office

La Gendarmerie royale du Canada est l’autorité responsable de mener les enquêtes et de porter des accusations aux termes de la LCAPE, tandis que la responsabilité d’intenter les poursuites revient au Service des poursuites pénales du Canada.

La connaissance de l’infraction est-elle requise?

En vertu de l’article 7 du BA, il n’est pas nécessaire de prouver le motif ou l’intention de l’organisation commerciale fautive.

L’article 1 du BA est fondé sur le principe de l’intention du corrupteur, qui doit offrir, promettre ou accorder à une autre personne un avantage financier ou autre, et avoir l’intention que cet avantage incite la personne à exécuter de manière inappropriée une fonction ou une activité pertinente, ou récompense la personne pour l’exécution inappropriée de cette fonction ou activité, ou savoir ou croire que l’acceptation de l’avantage constituerait en soi l’exécution inappropriée d’une fonction ou d’une activité pertinente.

L’article 2 du BA n’exige aucune intention ou connaissance, sauf dans un cas.

Pour contrevenir à l’article 6 du BA, une personne qui corrompt un agent public étranger doit avoir l’intention d’influencer ce dernier en sa qualité d’agent public étranger et d’obtenir ou de conserver des affaires ou un avantage dans le cours de ses affaires.

Oui, et cette notion englobe l’ignorance volontaire, c’est-à-dire lorsque « l’accusé, ayant des doutes réels, s’est délibérément abstenu de se renseigner pour ne pas obtenir confirmation de ses doutes ».

Qui est assujetti à ces lois?

Personnes morales et sociétés de personnes constituées au Royaume-Uni, et ressortissants britanniques

Personnes étrangères résidant généralement au Royaume-Uni

Personnes morales étrangères réalisant des affaires, ou une partie de leurs affaires, au Royaume-Uni (infraction aux termes de l’article 7 uniquement), si elles y ont une « présence commerciale démontrable ».

Personne physique ou morale commettant des actes de corruption au Royaume-Uni

Cadres supérieurs d’une société constituée en personne morale

Personnes morales et sociétés de personnes constituées au Canada, et ressortissants canadiens

Organisations étrangères (sous réserve de la compétence applicable; voir ci-dessous)

Ressortissants étrangers au Canada

Quel lien avec le Royaume-Uni ou le Canada est nécessaire pour que la loi s’applique?

Conformément aux articles 1, 2 et 6 du BA, une infraction est commise si un acte ou une omission constitutif de l’infraction a lieu au Royaume-Uni ou n’importe où ailleurs dans le monde par une personne ayant une relation étroite avec le Royaume-Uni lorsque l’acte ou l’omission aurait été considéré comme faisant partie d’une telle infraction si cet acte ou cette omission avait été commis au Royaume-Uni (article 12 du BA).

Aux fins de l’article 7 du BA, les organisations commerciales sont responsables des actes commis par des personnes associées (agents, employés, filiales et partenaires de coentreprises) partout dans le monde, peu importe si elles ont ou non un lien avec le Royaume-Uni.

Compétence territoriale (common law) : une partie importante des activités constituant l’infraction a eu lieu au Canada (« lien réel et important » entre l’infraction commise à l’étranger et le Canada).

Compétence fondée sur la nationalité (article 5 de la LCAPE) : quiconque commet une infraction à l’étranger est réputé commettre l’acte au Canada si :

i) il a la citoyenneté canadienne;

(ii) il est un résident permanent du Canada et se trouve au Canada après la commission de l’acte; ou

(iii) il est une organisation constituée, formée ou autrement organisée au Canada en vertu d’une loi fédérale ou provinciale.

Existe-t-il des moyens de défense?

Hormis les exceptions applicables aux services de renseignement et aux forces armées, il n’y a pas de moyen de défense en vertu des articles 1, 2 et 6 du BA.

L’article 7 accorde une défense aux organisations commerciales qui ont mis en œuvre des « procédures adéquates » visant à empêcher les personnes qui lui sont associées d’adopter une telle conduite.

Il existe des directives détaillées sur ce qui constitue des procédures adéquates.

Bien qu’il s’agisse là d’une question de fait appréciable au regard des circonstances, les directives du ministère de la Justice sur les procédures adéquates mettent en lumière une approche fondée sur les risques et les principes de proportionnalité des procédures, dont les étapes comprennent l’engagement des cadres supérieurs, l’évaluation des risques, le contrôle préalable, la communication (y compris la formation), la surveillance et l’examen.

Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction si le paiement :

i) est permis ou exigé par le droit de l’État étranger; ou

(ii) vise à compenser des frais raisonnables faits par un agent public étranger, ou pour son compte, et liés directement à la promotion, la démonstration ou l’explication des produits et services de la personne, ou à l’exécution d’un contrat entre la personne et l’État étranger.

La législation s’applique-t-elle aux paiements de facilitation (visant à hâter l’exécution d’actes de nature courante)?

Oui

Non. Les paiements de facilitation sont actuellement exonérés (paragraphe 3(4) de la LCAPE).Toutefois, les récentes modifications de la LCAPE indiquent que cette exonération pourrait bientôt être supprimée.

Quelles sont les sanctions?

Personnes physiques – emprisonnement maximal de 10 ans

Personnes morales – sanction pénale assortie d’une amende illimitée

Retrait du droit de participer à des marchés publics

La législation du Royaume-Uni prévoit aussi d’autres infractions, notamment les lois concernant la disqualification des administrateurs de société et le blanchiment d’argent.

Personnes physiques – emprisonnement maximal de 14 ans

Personnes morales – sanction pénale assortie d’une amende illimitée

Retrait du droit de participer à des marchés publics (p. ex., régime d’intégrité instauré par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le 3 juillet 2015)

Les sociétés peuvent-elles conclure des accords de suspension des poursuites afin d’éviter une condamnation en payant les amendes et en se soumettant à une ordonnance de surveillance ainsi qu’à d’autres mesures de redressement?

Oui

Non

Les lois anticorruption du Royaume-Uni et du Canada peuvent-elles s’appliquer à une même instance?

Oui

Oui, mais la loi accorde une protection contre une double condamnation.

Les lois s’appliquent-elles à des actes de corruption perpétrés dans le cadre de transactions privées où aucun fonctionnaire n’intervient?

Oui

Oui. La loi interdit le paiement ou la réception de commissions secrètes (article 426 du CC).

Quelles sont les principales mesures de protection?

Voir la défense des procédures adéquates ci‑dessus.

Mise en œuvre de politiques et de contrôles visant à prévenir et à détecter les violations à la législation anticorruption, notamment :

  • une politique écrite et claire sur la conformité, que la haute direction appuie explicitement et sans réserve
  • nomination d’agents de conformité supérieurs dotés de pouvoirs de surveillance et de reddition de comptes indépendants
  • formation des personnes internes et externes à l’organisation commerciale
  • procédures de vérification, de sélection et de surveillance continue des tiers
  • audit interne et vérification des contrôles
  • contrôles comptables pour assurer l’exactitude des livres et registres
  • procédures de reddition de comptes, d’enquête, de remédiation et de divulgation

Mise en œuvre de politiques et de contrôles visant à prévenir et à détecter les violations à la législation anticorruption, notamment :

  • une politique écrite et claire sur la conformité, que la haute direction appuie explicitement et sans réserve
  • nomination d’agents de conformité supérieurs dotés de pouvoirs de surveillance et de reddition de comptes indépendants
  • formation des personnes internes et externes à l’organisation commerciale
  • procédures de vérification, de sélection et de surveillance continue des tiers
  • audit interne et vérification des contrôles
  • contrôles comptables pour assurer l’exactitude des livres et registres
  • procédures de reddition de comptes, d’enquête, de remédiation et de divulgation

Quels sont les principaux problèmes pratiques des sociétés dans ce domaine?

Recours à des programmes de conformité standards, sans mise en œuvre réelle, sans évaluation adéquate des risques ni vérification tangible, régulière et documentée de l’application des contrôles

Le contrôle de l’intégrité des paiements par des personnes associées, comme les agents, les employés et les partenaires de coentreprises, à l’échelle mondiale constituent toujours un défi de taille.

Recours à des programmes de conformité standards, sans mise en œuvre réelle, sans évaluation adéquate des risques ni vérification tangible, régulière et documentée de l’application des contrôles

Le contrôle de l’intégrité des paiements par des personnes associées, comme les agents, les employés et les partenaires de coentreprises, à l’échelle mondiale constituent toujours un défi de taille.

Avec qui dois-je communiquer chez McCarthy Tétrault pour obtenir des conseils?

Richard Temple 
[email protected]

Rob Brant 
[email protected]

 

John Boscariol 
[email protected]

Marc-Alexandre Hudon 
[email protected]

Pierre Boivin 
[email protected]

McCarthy Tétrault – septembre 2015

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