La nouvelle politique d’autodénonciation de l’AMF

Introduction
L’Autorité des marchés financiers (« AMF ») est l’organisme mandaté par le gouvernement du Québec dont la mission est d’ « agir pour que le secteur financier demeure dynamique, intègre et digne de confiance du public. »[1]
Le 20 mai 2025, l’AMF a mis en place un nouveau programme d’autodénonciation et de coopération en publiant sa Politique d’autodénonciation et de coopération (la « Politique »). Cette Politique vise à encourager les participants du marché ayant contrevenu à certaines lois financières à s’autodénoncer en révélant volontairement leurs infractions et à coopérer pleinement avec l’AMF dans le cadre d’une enquête, afin de bénéficier d’une possible réduction des sanctions. Cette Politique s’inscrit dans la stratégie plus vaste de l’AMF, qui vise à renforcer l’intégrité du secteur financier et à protéger l’intérêt public. Cette Politique s’inscrit également dans l’objectif de l’AMF d’accélérer le traitement des enquêtes et des litiges, afin de réduire les répercussions négatives sur les marchés financiers, les victimes et le système judiciaire.
Objectifs et portée
L'objectif premier de la Politique est de définir un mécanisme clair d'autodénonciation et de pleine coopération permettant aux personnes et entités (une « Personne ») de prendre des décisions éclairées quant à leur engagement auprès de l'AMF, notamment en évaluant les avantages et les risques d’une pleine coopération avec l’AMF.
La Politique s’applique dans le contexte d’un manquement ou d’une infraction par toute Personne, à la Loi sur l’encadrement du secteur financier, RLRQ c. E-6.1 (la « LESF »), la loi habilitante de l’AMF, ou l’une des autres lois administrées par l’AMF, telles que la Loi sur les assureurs, la Loi sur la distribution de produits et services financiers et la Loi sur les valeurs mobilières. La Politique couvre toutes les étapes de l'autodénonciation et de la coopération, ainsi que les allègements de sanctions potentiellement disponibles.
Procédures d’autodénonciation et de coopération
Pour bénéficier de l'allègement des sanctions, une Personne ou son conseiller juridique doit, entre autres, s'autodénoncer rapidement et ouvertement auprès de l'AMF ainsi qu’offrir une pleine coopération de qualité tout au long de la procédure. Cela implique notamment de fournir des informations véridiques, complètes et fiables, de mettre à disposition les documents nécessaires et de permettre l'accès au personnel concerné pour des interrogatoires. L'AMF conserve son entière discrétion quant à l'application de la Politique et à la forme de l'allègement des sanctions proposées.
Une Personne qui souhaite s’autodénoncer peut communiquer directement avec l’AMF en communiquant avec son Centre d’information ou en envoyant un courriel à l’adresse PAC@lautorite.qc.ca, ou encore, dans le cadre d’une enquête en cours, avec le responsable du dossier.
Critères d’évaluation et motifs d’exclusion
Pour évaluer la possibilité de coopération, l’AMF tiendra compte d’un large éventail de facteurs incluant, entre autres : le type d’infraction ou de manquement; la durée pendant laquelle l’infraction ou le manquement a été commis; le nombre de parties lésées et les sommes en jeu; le caractère répétitif ou isolé de l’infraction ou du manquement; ainsi que le préjudice causé aux victimes et l’impact sur les marchés financiers. L’AMF prendra également en considération le moment où débute la pleine coopération, la nature des informations fournies, le contexte de la coopération, et la cessation de l’infraction ou du manquement.
L'AMF se réserve le droit exclusif de ne pas reconnaître la coopération d’une Personne. Ce serait le cas si une Personne privilégie ses intérêts personnels ou ceux de son entreprise, de ses dirigeants, administrateurs ou employés, au détriment de ses obligations à l'égard des consommateurs, des actionnaires ou de l'intégrité du marché. D'autres motifs d'exclusion nommés par l’AMF, incluent, mais ne se limitent pas à, l’omission de signaler rapidement et intégralement l’infraction ou le manquement, le fait de retenir des informations qui devraient être fournies à l’AMF ou le fait d’induire volontairement en erreur l’AMF ou de détourner les faits d’une situation.
Formes d’allègement de sanctions
L'allègement des sanctions peut varier en fonction du moment où la coopération est totale. Une coopération en début d’enquête ou dans le cadre d’une autodénonciation peut donner lieu à un allègement plus important, mais le tout demeure à l’entière discrétion de l’AMF. Les formes possibles d'allègement comprennent des lettres d’engagement ou d’avertissement; des sanctions réduites, voire l'immunité dans des cas exceptionnels; ainsi que le dépôt d’une poursuite administrative plutôt que pénale. L'AMF peut consigner les allègements proposés dans un accord écrit.
Confidentialité et transparence
La Politique prévoit que la coopération s’effectue dans un contexte d’enquête, laquelle se déroule à huis clos.[2] Cela signifie qu’aucune information liée à l’enquête ne sera communiquée à la Personne. Toutefois, dans un souci de transparence et afin d’encourager la collaboration, l'AMF peut rendre publics certains dossiers où des allègements de sanctions ont été accordés, que ça soit par voie judiciaire ou au moyen de déclarations de politiques.
Par ailleurs, la Politique est ancrée dans le respect de la Politique de confidentialité de l’AMF, qui assurera la protection des renseignements personnels de la Personne concernée. Il convient néanmoins de souligner que l’AMF se réserve le droit d’utiliser toute information ou tout document fourni dans le cadre d’un recours judiciaire. Il est donc fortement recommandé de consulter un avocat avant de communiquer directement avec l’AMF.
Qu’en est-il dans les autres provinces canadiennes?
Il existe, dans certaines autres provinces canadiennes, des programmes très similaires à la Politique de l’AMF. Par exemple, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO »), depuis 2004, encourage les participants du marché à s’autodénoncer dans les affaires qui peuvent impliquer des violations du droit des valeurs mobilières de l’Ontario ou des activités qui seraient considérées contraires à l’intérêt public, en échange de l’opportunité de négocier un traitement plus clément, y compris des allégations plus restreintes, une application réduite, des sanctions réduites et/ou un règlement.[3] Dans un règlement public entre la CVMO et la banque Toronto-Dominion daté du 23 août 2019, la CVMO a accordé un escompte de 30% à la sanction pécuniaire pour la « coopération exemplaire » du défendeur. Ce règlement est un exemple parmi d’autres, démontrant les avantages d’une pleine coopération avec les autorités canadiennes de réglementation des marchés financiers.
Plus récemment, l’Alberta a adopté en 2017 un programme similaire (voir Alberta Securities Commission Policy 15-601 – Credit for Exemplary Cooperation in Enforcement Matters et notre article sur cette politique ici) et la Colombie-Britannique a également adopté son programme de coopération 2023 (voir British Columbia Securities Commission – BC Notice 15-701 – Credit for Cooperation in Enforcement Matters). Ces programmes de coopération reflètent la tendance croissante des autorités canadiennes de réglementation des marchés financiers à encourager la coopération et l’autodénonciation afin de renforcer l’intégrité des marchés et la protection des investisseurs.
Conclusions et impact de cette Politique
En somme, cette nouvelle Politique de l’AMF ne révolutionne pas la pratique, mais en codifie plutôt les grandes lignes. Elle reconnaît qu’une coopération rapide et complète peut, dans certains cas, mener à un allègement des sanctions. Bien que chaque situation soit évaluée au cas par cas et que l’AMF conserve une large discrétion, la Politique souligne une tendance déjà observée dans la pratique canadienne, soit de favoriser la transparence et la collaboration qui contribue à une résolution plus efficace des dossiers.
Il reste cependant à voir comment l’AMF mettra en application cette Politique. Notre équipe en réglementation des valeurs mobilières suivra de très près les développements de cette Politique ainsi que l’application de celle-ci par l’AMF dans les prochains mois.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur le sujet ou obtenir des conseils sur comment gérer l’impact de cette Politique, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe de réglementation des valeurs mobilières.
[1] Plan stratégique 2025-2029, p. 7.
[2] Loi sur l’encadrement du secteur financier, para 12.
[3] Voir OSC Staff Notice 15-702 – Credit for Cooperation.
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