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MEGlobal Canada ULC v. The King : Quand la compétence partagée crée un vide juridique en matière de redressement


24 juin 2025Article de blogue

Le 26 mars 2025, la Cour canadienne de l’impôt (la « Cour de l’impôt ») a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre un appel de MEGlobal Canada ULC (le « contribuable »)[1]. Le contribuable a tenté de contester le refus du ministre du Revenu national (le « ministre ») d’accorder un redressement à la baisse en vertu du paragraphe 247(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

Cette décision réaffirme le principe de la compétence partagée entre la Cour de l’impôt (devant laquelle les contribuables peuvent contester une cotisation) et la Cour fédérale (devant laquelle les contribuables peuvent demander la révision d’une décision discrétionnaire du ministre). La décision met également en lumière une conséquence potentiellement injuste en vertu de la LIR : même si un contribuable obtient gain de cause dans sa demande de révision d’une décision discrétionnaire du ministre de refuser un redressement à la baisse, le ministre peut alors se voir interdire par la loi de délivrer une nouvelle cotisation qui procurerait au contribuable le redressement approprié.

Contexte

Le ministre a fixé de nouveau l’impôt du contribuable afin d’effectuer un redressement à la hausse en vertu du paragraphe 247(2) de la LIR pour les années d’imposition 2008, 2010 et 2011. Vers la même période que les nouvelles cotisations, la société mère du contribuable a découvert qu’elle avait payé en trop pour certaines fournitures. Le contribuable a donc fait opposition aux avis de cotisation et a soutenu qu’il devrait plutôt y avoir redressement à la baisse.

Le ministre a annulé les redressements à la hausse, mais a refusé d’accorder au contribuable le redressement à la baisse conformément au paragraphe 247(10) de la LIR. Le contribuable a interjeté appel des nouvelles cotisations devant la Cour de l’impôt et a également introduit une demande parallèle de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

Le contribuable et la Couronne ont demandé conjointement que l’appel soit suspendu en attendant la décision Dow Chemical Canada ULC c. Canada[2]. Les parties ont convenu que si la Cour suprême du Canada (la « Cour suprême ») concluait que la Cour de l’impôt avait compétence pour entendre les appels visant des décisions rendues en vertu du paragraphe 247(10), le contribuable retirerait sa demande introduite devant la Cour fédérale. Si la Cour suprême concluait que la Cour de l’impôt n’avait pas une telle compétence, il retirerait l’appel devant la Cour de l’impôt.

Ce qu’il faut retenir de Dow Chemical et de Iris Technologies

Le 28 juin 2024, la Cour suprême a rendu ses décisions complémentaires Dow Chemical et Iris Technologies Inc. c. Canada[3]. La Cour suprême a conclu dans Dow Chemical que les décisions rendues en vertu du paragraphe 247(10) étaient discrétionnaires, de sorte qu’elles ne relevaient pas de la compétence de la Cour de l’impôt. Seule la Cour fédérale peut réviser le caractère raisonnable de ces décisions dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Dans Iris Technologies, la Cour suprême a conclu que la contestation du bien-fondé d’une cotisation fiscale, soit lorsque le différend repose sur l’exercice d’un pouvoir non discrétionnaire, relevait de la compétence de la Cour de l’impôt. Ces décisions confirment que les contribuables doivent tenir compte de la question de la compétence partagée entre la Cour fédérale et la Cour de l’impôt dans le cadre de leurs différends fiscaux les opposant au ministre.

La décision

Malgré les décisions rendues dans Dow Chemical et Iris Technologies, le contribuable n’a pas retiré sa demande d’appel devant la Cour de l’impôt. En réponse, la Couronne a déposé une requête pour casser l’appel du contribuable conformément à l’alinéa 53(3)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale). La Couronne a soutenu que la Cour de l’impôt n’avait pas le pouvoir de statuer sur l’exercice par le ministre de son pouvoir décisionnel discrétionnaire.

La Cour de l’impôt donné raison à la Couronne, concluant que la décision rendue dans Dow Chemical est claire : lorsque le ministre décide de refuser un redressement à la baisse, cette décision ne constitue pas une cotisation ou un élément d’une cotisation qui peut être porté en appel devant la Cour de l’impôt. Il s’agit plutôt d’une décision discrétionnaire du ministre qui ne peut être contestée qu’au moyen d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Peu importe que le ministre, à la différence de Dow Chemical, n’ait pas d’abord constaté un montant précis de redressement à la baisse en vertu du paragraphe 247(2) de la LIR avant de refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 247(10).

Étant donné que la Cour de l’impôt a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre l’appel, le contribuable a demandé l’autorisation de modifier son avis d’appel afin de pouvoir demander à la Cour de se prononcer au moins sur la bonne méthode de redressement à appliquer en vertu du paragraphe 247(2). Si, en l’absence de l’application du paragraphe 247(10), il en résultait un redressement à la baisse, le contribuable demandait à la Cour de renvoyer l’affaire au ministre pour réexamen. La Cour a rejeté cette demande, citant le libellé du sous-alinéa 171(1)b)(iii) de la LIR. La Cour a conclu qu’elle ne pouvait renvoyer les cotisations au ministre que dans la mesure où un réexamen et une nouvelle cotisation allaient nécessairement suivre, or, dans le cas d’un redressement conformément au paragraphe 247(10), la nouvelle cotisation serait laissée à l’appréciation du ministre. Par conséquent, la Cour a accueilli la requête de la Couronne visant à casser l’appel du contribuable, a rejeté la demande de modification de l’avis d’appel présentée par le contribuable et a accordé des dépens à la Couronne.

Points clés à retenir

MEGlobal Canada ULC confirme que la juridiction compétente à qui présenter une demande de redressement dépend de la question de savoir si la demande porte sur le bien-fondé d’une cotisation (dans ce cas, on doit s’adresser à la Cour de l’impôt) ou le caractère raisonnable d’une décision du ministre (dans ce cas, on doit s’adresser à la Cour fédérale). La compétence du tribunal dépend non de la façon dont le contribuable formule le différend, mais de sa véritable nature.

De plus, les contribuables doivent faire attention à la question des délais lorsqu’ils saisissent la Cour fédérale pour demander la révision d’une décision discrétionnaire du ministre. Le ministre ne peut, en l’absence d’une renonciation, établir une nouvelle cotisation pour le contribuable au-delà de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans (pour les particuliers et les sociétés privées sous contrôle canadien) ou de quatre ans (pour les autres sociétés et les fiducies). Si le processus de contrôle judiciaire de la Cour fédérale est suffisamment long (et que le contribuable ne dépose pas de renonciation proactive à la période normale de nouvelle cotisation), le contribuable peut donc se voir empêcher d’obtenir un redressement par voie de l’établissement d’une nouvelle cotisation même s’il obtient gain de cause dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre.


[1] MEGlobal Canada ULC v. The King, 2025 TCC 50 [MEGLobal Canada ULC].

[2] 2024 CSC 23 [Dow Chemical].

[3] 2024 CSC 24 [Iris Technologies].

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