Avis aux employeurs du secteur des transports : La Cour supérieure de l'Ontario statue sur une clause de congédiement en vertu du Code canadien du travail
Le Code canadien du travail (L.R.C., 1985, c. L-2, le « Code ») régit les activités des entreprises fédérales, y compris certaines entreprises de transport qui, en raison de la nature interprovinciale de leurs activités, relèvent de la compétence fédérale. D’ailleurs, les sociétés de transport de compétence fédérale essaient souvent de faire en sorte que les clauses de fin d’emploi qu’ils incluent dans leurs contrats de travail soient régis par le Code afin d’éviter l’application d’obligations plus exigeantes en vertu du droit provincial applicable, dont la common law.
En Ontario, il est rare qu’une cour de justice ait eu à statuer sur le caractère exécutoire d'une clause de congédiement en vertu du Code. La Cour supérieure de justice a néanmoins dû se poser la question récemment dans un jugement qui aura un impact certain sur les entreprises de compétence fédérale œuvrant dans le domaine du transport. Cette décision vient préciser les principes directeurs qui doivent guider les entreprises fédérales au moment de rédiger un contrat de travail afin de s’assurer du respect des exigences minimales prévues par le Code lors du congédiement d’un employé.
Les faits
Dans l'affaire Sager c. TFI International Inc.[1], le demandeur était le vice-président des ventes et du service à la clientèle de la défenderesse, une société de transport et de logistique internationale de juridiction fédérale. Son emploi était soumis à un contrat de travail qui limitait l’indemnité payable à titre de délai-congé qu’il recevrait en cas de congédiement sans motif valable. Cette clause limitait le montant de l’indemnité au plus élevé des deux montants suivants : (i) trois mois de salaire de base ou (ii) un mois de salaire de base par année de service accompli, jusqu'à un maximum de 12 mois. Le contrat de travail précisait également que le paiement de l’indemnité devait inclure toutes les exigences prévues par le Code, « payment shall be inclusive of any and all requirements […] under the [Code] »[2].
Le 31 juillet 2019, la défenderesse a mis fin à l'emploi du demandeur sans motif valable. Conformément aux termes du contrat de travail, la société a versé au demandeur une somme forfaitaire correspondant à trois mois de son salaire de base.
Suivant son congédiement, le demandeur a intenté une action devant la Cour supérieure de l'Ontario, alléguant entre autres que la clause de congédiement était inapplicable. Notons que le demandeur a probablement introduit sa demande devant la Cour supérieure de l'Ontario étant donné son statut de cadre. En effet, les employés qui occupent un poste de « directeur » n'ont pas accès à la procédure de réclamation simplifiée prévue à l’article 240 du Code, qui permet aux « non-directeurs » de porter leur réclamation pour congédiement injustifié devant un inspecteur nommé par le gouvernement fédéral plutôt que devant un tribunal.
La décision
Dans sa décision, le tribunal a réaffirmé la présomption de common law selon laquelle les employés doivent recevoir un préavis raisonnable en cas de congédiement sans motif. Le tribunal a ensuite noté que cette présomption peut être réfutée si le contrat de travail spécifie clairement une autre période de préavis, à condition bien entendu que le contrat respecte les exigences minimales prévues par les différentes lois et normes applicables en matière de droit du travail et de l’emploi.
Le tribunal a précisé que la question en litige dans cette affaire n'en était pas une visant à déterminer le montant de l’indemnité devant être versée à l’employé à titre de délai-congé en vertu du Code. En effet, compte tenu de la durée de service du demandeur d’environ trois ans, il était clair que le Code n’offrait pas de meilleures protections en matière d’indemnité que le trois mois prévu dans son contrat de travail. La question en litige qui se posait en l'espèce était plutôt de savoir si la clause de congédiement était conforme à l’alinéa 231(a) du Code notamment en raison du fait qu’elle ne prévoyait pas le maintien de toutes les conditions de travail du demandeur pendant la période du préavis.
Le Cour a jugé que la clause de congédiement était inapplicable en l’espèce parce qu'elle limitait l'obligation de la défenderesse au moment du congédiement à effectuer qu’un seul paiement forfaitaire incluant uniquement le salaire de base du demandeur. La Cour a considéré que cela équivalait à une modification des conditions d'emploi du demandeur pendant la période de préavis, ce qui était incompatible avec le principe prévu à l’alinéa 231(a) du Code.
Dans les motifs de son jugement, la Cour a notamment indiqué que la clause de congédiement, comme elle avait été rédigée, ne spécifiait pas que l’indemnité payée devait se limiter uniquement aux exigences minimales en matière de délai-congé. La clause prévoyait au contraire que le paiement de l’indemnité devait inclure toutes les exigences prévues par le Code. La clause de congédiement ne pouvait donc pas exclure tous les avantages auxquels le demandeur avait droit en vertu de son contrat de travail lorsqu’il était à l’embauche de la défenderesse, incluant notamment les cotisations à son régime de retraite, son allocation pour l’usage d’une voiture de service ainsi que son droit aux versements d’un bonus.
Compte tenu de l'inapplicabilité de la clause de congédiement, le tribunal a finalement décidé que neuf mois était la période de préavis appropriée en l’espèce. La Cour a également conclut que les « dommages » auxquels le demandeur aurait eu droit en vertu du principe de common law devaient comprendre son salaire de base ainsi que tous les autres avantages, c’est-à-dire l'allocation de voiture, ses boni et les cotisations à son REER.
Principaux points à retenir
Comme indiqué ci-dessus, cette décision est particulièrement importante pour les entreprises de compétence fédérale œuvrant dans l’industrie du transport car elle fournit les principes directeurs sur la manière de limiter adéquatement l’indemnité à laquelle a droit un employé au moment de son congédiement. Plus précisément, les employeurs doivent s'assurer que :
- Le contrat de travail soit rédigé dans un langage clair et sans ambiguïté;
- Les clauses relatives au congédiement ne prévoient pas des indemnités en-deçà de celles prévues par le Code;
- Les clauses relatives au congédiement maintiennent toutes les conditions d'emploi de l'employé pendant la période de préavis; et
- Les paiements forfaitaires reflètent l'intégralité du salaire de l'employé (c'est-à-dire qu'ils incluent le salaire ainsi que tout autre avantage auquel l’employé a droit en vertu de son contrat de travail).
Le groupe Transport et logistique de McCarthy Tétrault conseille régulièrement les employeurs sur l’applicabilité de leurs contrats de travail. Si vous avez des questions concernant l’impact de cette décision sur votre entreprise, ou si vous souhaitez faire réviser vos contrats de travail, veuillez contacter Tim Lawson ou Ben Aberant.
[1] 2020 ONSC 6608
[2] Id, au par. 2.