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Propositions de modifications à la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») par le Projet de loi no 176

Le 20 mars 2018, la ministre Dominique Vien a déposé la première version du Projet de loi no 176 à l’Assemblée nationale, la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail. Quoique le projet en soit uniquement à sa première ébauche et qu’il fera sans aucun doute l’objet de modifications et de débats, particulièrement quant à la réglementation des agences de placement, les dispositions concernant les disparités de traitement, les congés pour raisons familiales et congés rémunérés additionnels familiaux, nous anticipons déjà un impact substantiel sur les employeurs. Voici les faits saillants des modifications législatives proposées dans ce projet de loi, repartis en 8 grands thèmes :

  1. La conciliation travail-famille
  2. Les congés rémunérés
  3. Les absences fortuites
  4. Les disparités de traitement
  5. La prévention du harcèlement psychologique et harcèlement sexuel
  6. La réglementation des agences de placement
  7. La responsabilité de l’administrateur ou du dirigeant
  8. Autres modifications intéressantes proposées

I. La conciliation travail-famille

  • (NOUVEAU) Étalement des heures de travail : L’employeur et le salarié pourront convenir d’un étalement des heures de travail sur une base autre qu’une base hebdomadaire sans autorisation de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « Commission »), sous réserve des conditions suivantes : (1) l’accord est d’une durée maximale de 6 mois, constaté par écrit au moins 30 jours avant le début de la première période d’étalement, (2) les heures sont étalées sur une période maximale de 4 semaines, (3) une semaine de travail ne peut excéder plus de 10 heures la norme prévue par la loi et les règlements.
  • (MODIFICATION) Refus d’effectuer des heures additionnelles : Présentement, les salariés peuvent refuser d’effectuer plus de 4 heures au-delà de leurs heures habituelles quotidiennes de travail. Les modifications réduisent ce chiffre à 2 heures.

(NOUVEAU) Les modifications prévoient également que le salarié qui n’aura pas été avisé au moins 5 jours à l’avance qu’il sera requis de travailler peut refuser de le faire, sauf lorsque la nature de ses fonctions exige qu’il demeure en disponibilité ou que ses services sont requis dans les limites des heures additionnelles prévues à l’article 59.0.1(1o) de la LNT.

  • (MODIFICATION) Les 10 jours d’absence pour raisons familiales : Les 2 premières journées des 10 jours auxquels le salarié a droit annuellement pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé de certains membres de sa famille, seront dorénavant rémunérées.

Les membres de la famille comprendront dorénavant « un parent ou une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant, tel qu’attesté par un professionnel œuvrant dans le milieu de la santé et des services sociaux ».

Enfin, les modifications permettraient à l’employeur d’exiger de la part du salarié, si les circonstances le justifient, notamment en raison de la durée de l’absence, de fournir un document attestant des motifs de l’absence.

II. Les congés rémunérés

  • (NOUVEAU) Paiement ou congé compensatoire : Si l’un des jours fériés ne coïncide pas avec l’horaire habituel de travail du salarié, l’employeur devra lui verser l’indemnité prévue par l’article 62 de la LNT ou lui accorder un congé compensatoire d’une journée à une date convenue.
  • (MODIFICATION) Congé annuel : Présentement, le salarié doit avoir 5 années de service continu pour avoir droit à un congé annuel de 3 semaines continues. Les modifications proposent de réduire ce chiffre à 3 années.
  • (MODIFICATION) Versement de l’indemnité afférente au congé annuel : Présentement, l’employeur doit verser l’indemnité afférente au congé annuel en un seul versement avant le début du congé du salarié. Les modifications proposent que le versement se fasse avant le début du congé ou selon les modalités applicables pour le versement régulier du salaire du salarié.

Le travailleur agricole engagé sur une base journalière peut présentement voir cette indemnité ajoutée à son salaire. Les modifications proposent d’élargir l’exception au cas où la nature saisonnière ou autrement intermittente des activités de l’employeur le justifie (et donc pas seulement le travailleur agricole).

III. Les absences fortuites

  • (NOUVEAU) Absences pour cause de maladie : Les salariés victimes de violence conjugale auraient droit à l’absence de 26 semaines sur une période de 12 mois prévue à l’article 79.1 de la LNT.
  • (MODIFICATION) Prérequis pour l’absence pour cause de maladie : Présentement, le salarié doit justifier de 3 mois de service continu pour se prévaloir de l’article 79.1 de la LNT (26 semaines sur une période de 12 mois) et l’absence en entier est sans salaire. Les modifications proposent de supprimer l’exigence de 3 mois (donc tous les salariés y auraient accès) et proposent que les 2 premières journées soient rémunérées pour le salarié qui justifie de 3 mois de service continu, même s’il s’est absenté auparavant.
  • (MODIFICATION) Personnes visées par les congés pour raisons familiales : Présentement, les articles 79.7 à 79.8.1 ne visent que certains membres spécifiques de la famille du salarié. Les modifications proposent d’élargir la notion de « parent » pour inclure : « l’enfant, le père, la mère, le frère, la sœur et les grands-parents du salarié ou de son conjoint, ainsi que les conjoints de ces personnes, leurs enfants et les conjoints de leurs enfants. » Serait également considéré comme un parent (1) une personne ayant agi comme famille d’accueil pour le salarié ou son conjoint, (2) un enfant pour lequel le salarié ou son conjoint a agi ou agit comme famille d’accueil, (3) le tuteur, curateur ou la personne sous tutelle ou sous curatelle du salarié ou de son conjoint, (4) la personne inapte ayant désigné le salarié ou son conjoint comme mandataire, (5) toute autre personne à l’égard de laquelle le salarié a droit à des prestations en vertu d’une loi pour l’aide et les soins qu’il lui procure en raison de son état de santé.
  • (MODIFICATION) Absences en raison de circonstances graves : Plusieurs autres modifications sont proposées eu égard à la durée de l’absence pour des motifs familiaux (maladie ou accident, disparition de l’enfant mineur, décès de son enfant mineur, décès par suicide, décès par acte criminel) et portent généralement l’absence de 52 semaines (présentement) à 104 semaines (modifications proposées).
  • (MODIFICATION) Absence en raison d’un décès : Présentement, le salarié a droit à 1 journée payée et 4 journées supplémentaires non rémunérées à l’occasion du décès de certains membres de sa famille immédiate. Les modifications proposent qu’il ait droit à 2 journées payées et 3 journées non-rémunérées.
  • (MODIFICATION) Journées rémunérées pour la naissance : Présentement, le salarié justifiant 60 jours de service continu a droit à 2 journées rémunérées (et 3 non rémunérées) à l‘occasion de la naissance ou adoption de son enfant ou lorsque survient une interruption de grossesse à compter de la 20e semaine. Les modifications enlèvent l’exigence des 60 jours, donc tous les salariés y auraient droit.

IV. Les disparités de traitement

  • (NOUVEAU) Taux de salaire équivalent : Les employeurs ne pourront accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti à leurs salariés dans le même établissement uniquement en raison de son statut d’emploi, par exemple le fait qu’il provient d’un agence de placement ou qu’il travaille habituellement moins d’heures par semaine. L’exception prévue quant au salarié qui gagne un taux de plus de 2 fois le salaire minimum sera supprimée.
  • (NOUVEAU) Non-discrimination sur fondée sur une date d’embauche : Les modifications proposent d’interdire la distinction fondée sur une date d’embauche relativement à des régimes de retraite ou à d’autres avantages sociaux et qui affecte des salariés effectuant les mêmes tâches dans le même établissement.

Toutefois, les distinctions fondées sur une date d’embauche antérieure à la date d’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition ne seront pas assujetties à cette nouvelle disposition.

  • (NOUVEAU) Section portant sur des recours à l’encontre de certaines disparités de traitement (étapes principales)
    • Dépôt de la plainte du salarié dans les 90 jours de la connaissance de la distinction par le salarié,
    • Enquête par la Commission,
    • Si les parties concernées n’atteignent pas un règlement et que la Commission accepte de donner suite à la plainte, la plainte sera déférée au Tribunal administratif du travail (le « TAT »),
    • La Commission peut représenter un salarié devant le TAT.

V. La prévention du harcèlement psychologique et harcèlement sexuel

  • (MODIFICATION) Définition de harcèlement psychologique: Les modifications proposent d’ajouter à la définition de harcèlement psychologique de l’article 81.18 le harcèlement sexuel : « Pour plus de précision, le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu’elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel. »
  • (NOUVEAU) Politique de prévention et traitement des plaintes de harcèlement : Les modifications proposent d’exiger que tout employeur doive adopter et rendre disponible à ses salariés une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaines.
  • (NOUVEAU) Plainte pour harcèlement psychologique : Lorsque la plainte pour harcèlement psychologique en vertu de 123.6 concerne une conduite à caractère sexuel, la Commission avise sans délai la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

VI. La réglementation des agences de placement

  • (NOUVEAU) Section sur le Placement de personnel et les travailleurs étrangers temporaires (faits saillants)
    • Les agences de placement devront détenir un permis
    • Une entreprise cliente ne pourra retenir les services d’une agence de placement qui n’est pas titulaire d’un permis
    • Une série d’obligations et d’interdictions incomberont à l’employeur qui embauche un travailleur étranger temporaire
    • L’agence de placement et l’entreprise cliente seront solidairement responsables des obligations pécuniaires vis-à-vis le salarié
  • (NOUVEAU) Taux de salaire équivalent : une agence de placements ne pourra accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux salariés de l’entreprise cliente qui effectuent les mêmes taches dans le même établissement uniquement en raison de son statut d’emploi.
  • (NOUVEAU) Dispositions pénales concernant l’exploitation ou le recours à une agence de placement ne détenant pas de permis : Les modifications proposent d’introduire des pénalités de l’ordre de 600 $ à 6 000$ (première infraction) et 1 200$ à 12 000$ (récidive) à quiconque exploite ou à recours à une agence de placement ne détenant pas de permis.

VII. La responsabilité de l’administrateur ou du dirigeant

  • (MODIFICATION) Responsabilité des administrateurs et dirigeants : Les modifications proposent d’élargir la portée de la responsabilité des administrateurs et dirigeants dans le cadre de contraventions à la LNT en spécifiant que dès qu’une infraction est commise, il y a présomption que l’administrateur ou dirigeant l’a commise lui-même. Toutefois, l’article inclus expressément la défense de diligence raisonnable.

VIII. Autres modifications proposées intéressantes

  • (NOUVEAU) Exclusion de la LNT : Les athlètes dont l’appartenance à une équipe sportive est conditionnelle à la poursuite d’un programme de formation scolaire seront expressément exclus de l’application de la LNT
  • (MODIFICATION) Modalités de versement du salaire : Le paiement du salaire par virement bancaire ne requerra plus de convention écrite ou de décret.

Nous continuerons de suivre l’évolution de ce dossier de très près et nous vous invitons à communiquer avec un membre de notre équipe du droit du travail si vous avez des questions quant aux potentiels impacts de ces nouvelles dispositions sur vos activités et votre entreprise. Pour consulter la version intégrale du projet de loi, cliquez ici.  

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