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Acumen c. Ojanen : motif valable et frais potentiels d’un congédiement abusif

Acumen Law Corporation c. Ojanen, est une récente décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui clarifie : (1) le type d’inconduite adoptée par des employés qui ne constitue pas un motif valable de congédiement; et (2) les mesures, prises par un employeur dans le cadre d’un congédiement, qui peuvent mener à l’attribution de dommages-intérêts majorés contre l’employeur.

Acumen portait sur le congédiement de Melissa Ojanen (« Mme Ojanen »), une stagiaire à Acumen Law Corporation (« Acumen »), qui concentre sa pratique sur la défense de personnes accusées d’infractions criminelles et pénales liées à la conduite automobile. Mme Ojanen a travaillé à Acumen pendant trois mois avant de commencer le cours de formation professionnelle en droit (« CFPS ») pour satisfaire aux exigences en matière de permis pour exercer le droit. Acumen a congédié Mme Ojanen devant ses collègues de classe pendant le CFPS, et il lui a signifié des procédures alléguant violation de contrat, vol, utilisation illicite de matériel de marketing et intrusion. Mme Ojanen a déposé une demande reconventionnelle pour congédiement injustifié.

La Cour a finalement rejeté les allégations d’Acumen et a décidé en faveur de Mme Ojanen, lui accordant 18 934 $ en dommages et 50 000 $ en dommages-intérêts majorés.

Inconduite suffisante pour constituer une cause de congédiement

Pour défendre l’allégation de congédiement injustifié et la demande en dommages-intérêts punitifs, Acumen allègue que Mme Ojanen a adopté les s conduites répréhensibles suivantes : (1) intrusion; (2) vol; (3) déloyauté en essayant de lui faire concurrence; et (4) permettre à autrui accès à des renseignements protégés et confidentiels.

La Cour a rejeté l’argument d’Acumen selon lequel Mme Ojanen a commis une intrusion en entrant sans autorisation dans le bureau d’Acumen après les heures d’ouverture. Elle a conclu que le propriétaire d’Acumen, M. Doroshenko, savait que Mme Ojanen passerait au bureau en dehors des heures normales d’ouverture pour travailler et qu’il ne lui avait jamais interdit de le faire.

La Cour a également rejeté l’allégation d’Acumen selon laquelle Mme Ojanen s’était mal comportée en amenant des dossiers complets contenant des renseignements confidentiels et privilégiés à la maison sans autorisation. Acumen ne l’avait pas informée qu’il y avait une règle interdisant une telle pratique. En outre, Mme Ojanen a utilisé les dossiers comme outil d’apprentissage, ce qui ne constituait pas une fin inappropriée.

Acumen a également allégué que Mme Ojanen lui avait fait concurrence de façon inappropriée en créant un blogue juridique portant sur les interdictions routières. Acumen tient un blogue similaire pour commercialiser les services du cabinet. La Cour a conclu que le blogue ne visait pas à faire concurrence à Acumen. Le blogue recommandait plutôt aux lecteurs de demander des conseils juridiques professionnels à Acumen.

Finalement, la Cour a rejeté l’allégation d’Acumen selon laquelle la mauvaise conduite de Mme Ojanen était suffisante pour justifier un congédiement lorsqu’elle a permis à son conjoint de voir des renseignements privilégiés. En tant que stagiaire, Mme Ojanen avait l’obligation de préserver la confidentialité des dossiers des clients et d’informer son employeur de toute violation, ce qu’elle n’a pas fait. Toutefois, Mme Ojanen n’a pas commis d’acte malhonnête qui a compromis le fondement de la relation d’emploi. Elle était plutôt coupable d’une grave erreur de jugement qui ne constituait pas une violation fondamentale du contrat de travail.

Conduite nécessitant des dommages-intérêts majorés

La Cour a jugé que la conduite suivante d’Acumen était injuste et indûment insensible :

  1. Doroshenko a renvoyé Mme Ojanen sans lui donner la chance d’expliquer sa participation au blogue ou ses intentions. Il a simplement conclu qu’elle cherchait à faire concurrence à Acumen;
  2. La décision de signifier MmeOjanen devant ses collègues de classe n’était pas nécessaire et brutal sur le plan psychologique;
  3. Les accusations de malhonnêteté et de tromperie d’Acumen étaient injustifiées et non fondées;
  4. La poursuite et la plainte auprès du barreau avaient comme objectif d’empêcher MmeOjanen de poursuivre une carrière juridique jusqu’à ce que les allégations soient résolues;
  5. Acumen a perpétué des allégations non fondées contre MmeOjanen pendant trois ans.

La Cour a souligné que M. Doroshenko était un avocat reconnu alors que Mme Ojanen était une jeune femme sans contact dans le monde juridique. Par conséquent, il y avait un important déséquilibre des pouvoirs. Compte tenu de ce qui précède, les actions de M. Doroshenko étaient disproportionnées et constituaient de l’intimidation.

En conclusion, le congédiement de Mme Ojanen a causé à cette dernière un préjudice émotionnel profond qui va bien au-delà de la norme pour les employés congédiés. Elle a été humiliée lorsqu’elle a été congédiée devant sa classe; elle attribue son divorce à la poursuite; elle s’est sentie ostracisée du milieu juridique et en raison du fait qu’elle n’avait plus d’emploi, elle s’est retrouvée sans abri pendant des semaines. À cause de cette situation, elle a éprouvé de l’anxiété, elle a fait une dépression, elle n’était plus capable de se concentrer, elle est devenue irritable et elle a perdu l’appétit.

La Cour a accordé 50 000 $ en dommages-intérêts majorés puisque les actions d’Acumen étaient injustes, indûment insensibles et ont causé à Mme Ojanen des préjudices émotionnels qui dépassent la norme pour les employés congédiés.

La décision dans Acumen rappelle bien aux employeurs (i) de mener une enquête exhaustive et objective sur une mauvaise conduite perçue; (ii) d’éviter les réactions à une mauvaise conduite qui sont personnelles, vindicatives, non professionnelles ou qui constituent de l’intimidation ou du harcèlement; et (iii) d’éviter toute autre conduite injuste ou insensible dans le cadre de la fin d’une relation d’emploi. En fait, dans certains cas de mauvaise conduite hors Québec, il peut être plus prudent de congédier un employé sans motif si les obligations au titre des indemnités envers l’employé sont minimes.

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