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Heure de vérité : La Cour suprême du Canada rend une décision sur l’autorisation des recours collectifs en droit de la concurrence

Le 20 septembre dernier, la Cour suprême du Canada a publié sa décision très attendue dans le dossier Pioneer Corp. c. Godfrey, abordant plusieurs enjeux importants qui auront un impact sur comment les cours canadiennes approcheront l’autorisation des recours collectifs en droit de la concurrence (antitrust) à l’avenir.

Les 15 dernières années ont vu une hausse constante du nombre de recours collectifs alléguant des violations de la Loi sur la concurrence. Ces dossiers impliquent habituellement des allégations de truquage d’offres et de fixation des prix, qui peuvent entraîner une responsabilité civile et criminelle. En 2013, dans la décision ProSys Consultants Ltd. c. Microsoft Corporation [1], la Cour suprême du Canada a articulé les différents tests applicables afin de déterminer si un recours collectif devrait être autorisé. Dans les années qui ont suivi, plusieurs enjeux sont survenus dans le contexte de recours collectifs en droit de la concurrence qui ont mené à des approches inconsistantes à l’autorisation de ces actions. Le 20 septembre 2019, la Cour suprême du Canada a publié sa décision dans le dossier Pioneer Corp. c. Godfrey [2], décidant sur quatre enjeux clés relatifs à ces actions.

Plusieurs des recours collectifs en droit de la concurrence au Canada ont été suspendus en attendant cette décision. Celle-ci ayant été publiée, ces dossiers devraient maintenant reprendre leur cours. Dans les prochaines semaines, McCarthy Tétrault discutera en profondeur de la décision de la Cour suprême dans Godfrey par l’entremise d’une série spéciale de 5 articles, abordant chacun des quatre enjeux et leurs conséquences. Dans cette première partie de notre série, nous résumons la décision de la Cour sur chacun d’entre eux.

Godfrey – de quoi s’agit-il?

Le demandeur a entrepris un recours collectif alléguant que les entités défenderesses avaient participé à un complot de fixation des prix qui avait fait augmenter le prix payé par les résidents de la Colombie-Britannique pour les lecteurs de disques optiques et les produits contenant ces appareils entre 2004 et 2010. La définition du groupe proposé incluait les acheteurs directs, indirects ainsi que les personnes ayant acheté des produits qui n’ont pas été fabriqués ni distribués par les défendeurs, c.-à-d. des acheteurs sous parapluie. Le demandeur alléguait cinq causes d’action, incluant un recours pour violation de l’article 45 de la Loi sur la concurrence, le délit de complot civil, délit d’atteinte par un moyen illégal, enrichissement sans cause et renonciation au recours délictuel. Avec certaines exceptions, le juge de première instance a autorisé de façon conditionnelle le recours intenté comme recours collectif et a inclus les acheteurs sous parapluie dans le groupe. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté l’appel et confirmé la décision du juge de première instance.

Quelle est la décision de la Cour suprême?

Dans une décision rendue 8 à 1 (la juge Côté étant dissidente en partie), la Cour suprême du Canada a rejeté l’appel. Nous résumons ci-dessous les conclusions de la Cour suprême sur chacune des questions en litige.

Enjeu 1 – le délai de prescription prévu par l’article 36: La majorité a conclu que la règle de la possibilité de découvrir s’applique au délai de prescription contenu au recours statutaire prévu à l’article 36 de la Loi sur la concurrence. De l’avis de la majorité, « la règle de la possibilité de découvrir s’applique au délai de prescription du sous‑al. 36(4)a)(i), de sorte que ce délai n’a commencé à courir qu’à la date à laquelle [le demandeur] a découvert les faits importants sur lesquels repose sa demande ou encore à la date à laquelle il les aurait découverts s’il avait fait preuve de diligence raisonnable. » La juge Côté est dissidente sur cette question.

Enjeu 2 – acheteurs sous parapluie: La majorité a conclu que les principes de perte trop éloignée et de responsabilité indéterminée n’empêchent pas les acheteurs sous parapluie de réclamer des dommages dans le cadre de recours collectifs en fixation des prix. Bien que la majorité note que les recours des acheteurs sous parapluie puissent être complexes et difficiles à prouver, la Cour a conclu qu’il n’était pas « évident et manifeste » qu’un recours d’acheteur sous parapluie ne pourrait pas réussir. Ainsi, leur recours peut être autorisé de façon à procéder à procès. La juge Côté est dissidente sur cette question.

Enjeu 3 – code complet: La Cour suprême a conclu que l’adoption de la disposition du paragraphe 36(1) de la Loi sur la concurrence et du recours statutaire qu’il prévoit n’a pas écarté les recours de common law et d’equity de façon expresse ou par déduction nécessaire.  Elle a conclu que « [l]e par. 36(1)  ne fait pas double emploi avec le délit de complot civil et il ne prévoit pas non plus de « nouvelle façon […] supérieure » de remédier à un manquement. » Finalement, le paragraphe 36(1) n’est pas non plus un code complet et exclusif régissant les actions pour comportement ou complot anticoncurrentiel.

Enjeu 4 – la perte subie en tant que question commune: La majorité a conclu que, afin que les questions relatives à la perte soient autorisées en tant que questions communes, « la méthode de l’expert du demandeur n’a qu’à être suffisamment fiable ou acceptable pour établir que l’acheteur du niveau requis a subi une perte. » La majorité a toutefois ajouté qu’au procès, seuls les membres du groupe qui ont réellement souffert une perte seraient en mesure d’être compensés. La juge Côté est dissidente sur cette question.

Quelles sont les implications de cette décision pour le futur?

Pour une analyse en profondeur de chacun de ces enjeux et de leurs conséquences sur les recours collectifs en droit de la concurrence et recours collectifs en général, ne manquez pas les quatre prochaines parties de cette série, qui seront publiées dans les prochaines semaines.

 

[1] 2013 CSC 57

[2] 2019 SCC 42

 

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