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Une récente décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario soutient la possibilité de couverture d’assurance pour les pertes d’exploitation liées à la COVID-19

La Cour supérieure de justice de l’Ontario vient tout juste de rendre une décision majeure qui augmente considérablement la possibilité de couverture des pertes d’exploitation découlant de la COVID-19.

Alors que le coronavirus cause des ravages financiers dans la vaste majorité des secteurs économiques, la question que se posent plusieurs assurés est celle de savoir si les pertes d’exploitation découlant de la COVID-19 seront couvertes par leur police d’assurance. Tel que discuté dans une publication antérieure, pour qu’un assuré ait accès à une couverture d’assurance dans le contexte de la COVID-19, l’enjeu principal sera de déterminer si le coronavirus a causé un dommage « matériel » au sens de la police d’assurance. Cette question a déjà engendré des litiges qui seront résolus dans les années à venir. Cependant, d’un trait de plume, la Cour supérieure de justice de l’Ontario vient tout juste d’adopter une interprétation large de la notion de dommage « matériel » qui suggère fortement qu’il y ait couverture pour les pertes d’exploitation liées à la COVID-19 selon les polices d’assurance de biens, particulièrement lorsque la présence du virus peut être démontrée.

Une des questions centrales sur laquelle la Cour devait se pencher dans MDS Inc. v. Factory Mutual Insurance Company (FM Global), 2020 ONSC 1924 était celle de déterminer ce qui constitue un dommage « matériel » dans le contexte d’une police d’assurance de biens « tous risques ». Ce type de police est celui qui sera le plus pertinent pour la plupart des assurés en cas de pertes d’exploitation liées à la COVID-19. La compagnie d’assurance dans l’affaire MDS plaidait que la simple perte d’usage des lieux ne donnait pas lieu à un dommage « matériel ». Elle plaidait qu’il devait plutôt exister un atteinte « tangible » aux biens de l’assuré. Bien que soulevé dans un contexte différent dans l’affaire MDS (la fermeture proactive, pour des raisons de sécurité, d’une installation nucléaire qui n’avait pas été endommagée à proprement parler), l’industrie de l’assurance semble s’appuyer sur le même argument pour nier couverture pour les pertes d’exploitation liées à la COVID-19. Les assureurs ont en effet avancé que la fermeture des locaux des assurés (même suivant des ordonnances gouvernementales) due à la présence ou la menace du coronavirus ne donnait pas lieu à des dommages « matériels », mais constituait plutôt une « perte d’usage » non-couverte.

Toutefois, la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire MDS a rejeté en termes clairs cet argument et a, par le fait même, retiré un obstacle potentiel majeur à la couverture d’assurance des pertes d’exploitation liées à la COVID-19. La Cour a noté que la notion de dommage matériel n’était pas définie dans la Police et que les dictionnaires ne donnaient pas beaucoup d’indications sur cette notion. La Cour a indiqué qu’« il n’y a pas de jugement décisif qui définit la notion de dommage matériel dans les polices « tous risques » au Canada. » (notre traduction). Notant qu’il existe « des lignes de jurisprudence contradictoires sur la manière d’interpréter l’expression » (notre traduction), la Cour a examiné les quelques décisions canadiennes sur le sujet, et a passé en revue les décisions américaines pertinentes.

À cet égard, la Cour a traité favorablement d’une décision canadienne antérieure dans laquelle la présence de fumées provenant d’un déversement de pétrole à proximité constituait un dommage « matériel » au sens de la police d’assurance de biens. Similairement, la Cour a adopté le raisonnement d’une décision américaine dans laquelle la présence de vapeurs (d’essence) constituait un dommage « matériel ». La Cour a expressément rejeté les interprétations « restrictives » de ce que constitue un dommage « matériel », en favorisant plutôt une interprétation « large » permettant de traiter les pertes de fonction et d’usage des lieux (par exemple lorsque ceux-ci sont rendus temporairement inhabitables dû à la présence de substances étrangères dans l’air) comme un dommage « matériel ». En statuant autrement, la Cour a estimé qu’elle en viendrait à un résultat « pervers » (notre traduction).

La Cour a ainsi conclu :

Cette interprétation est conforme à l’objectif de l’assurance de biens « tous risques », qui est d’offrir une large couverture. Interpréter les dommages matériels comme le suggère l’assureur priverait l’assuré d’un volet important de la couverture à laquelle il a souscrit, ce qui conduirait à un résultat inéquitable et contraire au but commercial des couvertures d’assurance « tous risques ». (notre traduction)

En conséquence, les assurés devraient sérieusement envisager la possibilité d’envoyer un avis à leur assureur de biens pour les pertes d’exploitation résultant de fermetures temporaires dues à la COVID-19. Par contre, comme le souligne la Cour, le libellé spécifique de chaque police devra être considéré. Les assurés devraient s’adresser à leurs gestionnaires de risques, leurs courtiers, leurs comptables et leurs conseillers juridiques pour déterminer l’étendue potentielle de leur couverture d’assurance dans le contexte, notamment à la lumière de cette récente décision.

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