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Une cour américaine déclare LimeWire responsable d’incitation à des infractions au droit d’auteur

L’industrie du disque a remporté récemment une grande victoire dans sa poursuite en piratage de droit d’auteur contre LimeWire, l’un des plus populaires services restants de partage de fichiers musicaux de poste à poste aux États-Unis. Une cour de district américaine a rendu un jugement sommaire en faveur de plusieurs maisons de disque qui ont intenté des actions contre LimeWire pour incitation à des infractions au droit d’auteur, en contrefaçon du droit d’auteur en common law et en concurrence déloyale.

La preuve présentée dans l’affaire a établi que 93 % des fichiers dans un échantillonnage au hasard de fichiers offerts par LimeWire étaient protégés ou fortement susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur et n’était donc pas autorisés à être distribués gratuitement par l’entremise de LimeWire. En extrapolant à partir de ces résultats, l’expert des demanderesses a estimé que 98,8 % des fichiers demandés en téléchargement par l’entremise de LimeWire étaient protégés par le droit d’auteur ou fortement susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur.

En accordant le jugement sommaire dans l’action pour incitation, la cour a souligné qu’il existait [Traduction] « une preuve accablante selon laquelle [LimeWire] se livrait volontairement à une conduite qui encourageait la contrefaçon ». Selon la cour, la preuve indiquait que LimeWire [Traduction] « s’est livrée volontairement à une conduite qui encourageait la contrefaçon, avec l’intention d’encourager cette contrefaçon ». La cour a conclu que LimeWire distribuait son logiciel et :

  • savait que les utilisateurs de LimeWire commettaient une quantité considérable d’infractions au droit d’auteur;
  • commercialisait LimeWire auprès d’utilisateurs prédisposés à commettre des infractions;
  • avait veillé à ce que les caractéristiques de LimeWire permettent des infractions et aidé des utilisateurs à commettre des infractions;
  • avait compté sur le fait que LimeWire facilite la commission d’infractions pour assurer le succès de son entreprise; et
  • n’avait pas pris de mesures significatives pour réduire les infractions.

La preuve a démontré que LimeWire a tiré d’importants produits d’exploitation des infractions qu’elle encourageait. De 2004 à 2006, les produits d’exploitation annuels de LimeWire [Traduction] « sont passés de près de 6 millions de dollars à environ 20 millions de dollars ». Cette croissance [Traduction] « était fortement tributaire de la capacité des utilisateurs de LimeWire de commettre des infractions par l’entremise de LimeWire ». LimeWire a affirmé qu’en 2003, près de 2 millions d’utilisateurs accédaient au programme chaque mois.

La preuve a révélé que LimeWire [Traduction] « n’avait pas mis en œuvre de façon significative quelque obstacle technologique ou choix de conception offert pour diminuer les infractions par l’entremise de programmes de partage de fichiers, comme le filtrage à base d’empreintes numériques, les empreintes acoustiques, le filtrage reposant sur d’autres métadonnées numériques et l’éducation dynamique des utilisateurs ». La cour a conclu, conformément à la décision de la Cour suprême des États-Unis dans Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. v. Grokster, Ltd., que [Traduction] « l’omission d’utiliser la technologie existante pour créer des obstacles significatifs à la contrefaçon est un bon indice de l’intention d’encourager les infractions ». La cour a poursuivi en citant la décision de renvoi de la cour de district dans Grokster : même si une défenderesse [Traduction] « n’est pas tenue d’empêcher tout le préjudice qui est facilité par la technologie, elle doit au moins tenter de bonne foi de réduire les infractions massives que facilite sa technologie ».

La cour a accueilli la requête des maisons de disque en jugement sommaire sur les actions en contrefaçon de droit d’auteur en common law, puisque la preuve a établi que les utilisateurs de LimeWire avaient directement violé les droits d’auteur des maisons de disque et que LimeWire s’était volontairement livrée à une conduite destinée à encourager cette violation. La cour a également accordé un jugement sommaire en faveur des maisons de disque quant à l’action en concurrence déloyale, faisant observer que la distribution non autorisée et gratuite d’enregistrements protégés par le droit d’auteur par l’entremise de LimeWire entrait en concurrence avec les ventes des maisons de disque.

La cour a également déclaré l’ex-chef de la direction et unique administrateur de LimeWire responsable de l’incitation à la contrefaçon par LimeWire, mais a rejeté la requête sommaire des maisons de disque quant à l’action en complicité de contrefaçon du droit d’auteur. Pour être coupable de complicité de contrefaçon de droit d’auteur, un défendeur doit avoir contribué de façon importante aux infractions commises par des tiers. La cour a conclu qu’un procès était nécessaire pour établir si LimeWire était capable d’une utilisation substantielle sans contrefaçon, afin qu’elle puisse éviter la responsabilité aux termes de cette action.

LimeWire a demandé une requête pour jugement sommaire sur les actions en contrefaçon du droit d’auteur du fait d’autrui introduite par les maisons de disque, que la cour a refusé. La cour a conclu que LimeWire [Traduction] « 1) avait le droit et la capacité de superviser et de contrôler les activités de contrefaçon des utilisateurs de LimeWire et 2) possédait un intérêt financier direct dans l’activité de contrefaçon ».

Les maisons de disque cherchent maintenant à obtenir une mesure injonctive, y compris une ordonnance de blocage. Depuis cette décision, huit éditeurs de musique, sous l’égide de la National Music Publishers' Association, auraient poursuivi LimeWire en contrefaçon du droit d’auteur.

Remarques de McCarthy Tétrault 

L’affaire est importante pour de nombreuses raisons :

  1. LimeWire est l’un des plus grands réseaux restant de poste à poste encore actif aux États-Unis. D’autres ont soit fermé après contentieux ou, comme BearShare et eDonkey, ont cessé leurs activités après avoir conclu des ententes avec les détenteurs des droits d’auteur.
  2. L’affaire démontre l’efficacité de la loi américaine quant à la capacité de fermer des sites et des services qui servent avant tout à des fins de contrefaçon. L’affaire suit d’autres décisions américaines semblables, notamment les décisions dans les affaires Napster, Aimster, Grokster, Usenet.com et Isohunt.
  3. La décision de la cour quant aux besoins pour les sites de partage de fichiers de prendre des mesures significatives pour réduire la contrefaçon que facilite la technologie montre que les tribunaux évoluent par échelons avec de nombreux gouvernements pour pousser les fournisseurs de services en ligne à collaborer et agir de bonne foi afin de réduire les infractions que facilitent leurs sites, leurs services ou leurs technologies.
  4. En perçant le voile de la personnalité juridique et en déclarant l’ex-chef de la direction et administrateur de LimeWire responsable d’incitation à la contrefaçon du droit d’auteur, la cour a envoyé un bon message aux administrateurs et dirigeants : s’ils profitent d’activités de contrefaçon sur leurs sites Web et omettent de prendre des mesures pour réduire cette activité, ils pourraient être tenus personnellement responsables.

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