Projet de loi 76 – Un nouveau cadre de pratique pour les entrepreneurs et constructeurs-propriétaires
Le 2 octobre dernier, le ministre du Travail, Jean Boulet, a déposé un projet de loi d’intérêt pour le domaine de la construction. Son titre, Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public[1], ne laisse place à au doute quant à l’intention de son auteur. En conférence de presse à pareille date, le Ministre a identifié quatre objectifs sous-tendant ce projet de loi, soit[2] :
- Améliorer la qualité de la construction;
- Accroître la protection des Québécois;
- S’assurer de la qualification des entrepreneurs; et
- Augmenter la productivité dans le secteur de la construction.
Le dépôt du projet de loi fait notamment suite aux données récentes de la Régie du bâtiment (la « Régie ») qui ont fait état d’une augmentation du nombre de non-conformités détectées par inspection[3]. Ce constat fait écho à l’obligation projetée aux termes du projet de loi, pour l’entrepreneur ou pour le constructeur propriétaire, de procéder à une inspection à au moins trois étapes charnières de la construction, à être déterminé en fonction d’un plan de surveillance du chantier, et à l’obtention à la fin des travaux d’une attestation de conformité des travaux au Code de construction[4].
Dans cette optique, le projet de loi prévoit de nombreuses modifications à la Loi sur le bâtiment[5] ainsi qu’à d’autres textes législatifs concordants[6].
Principaux changements à la Loi sur le bâtiment
Parmi les principaux changements qui sont introduits par le projet de loi, mentionnons l’élargissement des pouvoirs du ministre du Travail qui pourra, par arrêté, permettre l’utilisation alternative d’une méthode de conception, d’un procédé de construction, d’un matériau ou d’un équipement, et ce, nonobstant toute disposition d’un code ou règlement adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment[7] à l’effet contraire, ainsi que l’instauration d’un régime de sanctions administratives[8].
L’adoption du projet de loi aura aussi pour effet d’étendre le champ d’application de la Loi sur le bâtiment aux installations de systèmes destinées à produire ou accumuler de l’énergie, incluant de l’énergie renouvelable[9].
Advenant la sanction de ce projet de loi, tout entrepreneur ou constructeur-propriétaire se verra également assujetti aux nouvelles obligations suivantes, soit :
- L’obligation d’obtenir une attestation de conformité des travaux au Code de construction et, le cas échéant, aux normes de construction adoptées par la municipalité concernée[10]; et
- L’obligation de conclure, avant d’entreprendre les travaux de construction et pour toute la durée de ceux-ci, un contrat avec un ingénieur, un architecte ou une autre personne reconnue par la Régie pour la réalisation des inspections, l’élaboration du plan de surveillance et la production de ladite attestation[11].
Licences et permis
L’introduction de multiples dispositions relativement à la délivrance et au maintien d’une licence d’entrepreneur ou de constructeur-propriétaire ou d’un permis aura pour effet d’élever les exigences relatives à leur formation et à leur qualification, le tout dans l’objectif d’améliorer la fiabilité et la probité des entrepreneurs et constructeur-propriétaire[12].
La Régie se verra accorder le pouvoir d’assortir la délivrance d’une licence, d’un certificat, d’un permis ou d’une reconnaissance à toute condition qu’elle estime appropriée (par exemple, des mesures correctives, de surveillance, d’accompagnement, etc.)[13]. De plus, le projet de loi introduit une nouvelle condition à la délivrance d’un permis, à savoir que l’entrepreneur ou constructeur-propriétaire qui en fait la demande ne doit pas avoir été déclaré coupable d’une infraction ou d’un acte criminel dans les cinq années précédant la demande[14].
Sanctions
Le projet de loi introduit également un régime de sanctions administratives pécuniaires dont le cadre général d’application devra être élaboré et rendu public par la Régie[15]. Ces sanctions peuvent s’étendre entre 500 $ et 5 000 $ pour une personne physique et entre 1 500 $ et 10 000 $ dans les autres cas. Plus encore, la sanction prévue pour quiconque agirait à titre de prête-nom relativement à l’émission ou au maintien d’un permis varie de 6 427 $ à 32 128 $ pour une personne physique et de 19 279 $ à 96 386 $ dans les autres cas[16].
D’autres sanctions pourraient s’assortir à l’imposition d’amendes pécuniaires, notamment :
- L’imposition d’une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles de toute personne qui se verrait imposer une telle sanction, pour en garantir le paiement[17]; et
- Une présomption légale de faute du dirigeant de toute société ou personne morale, lorsque cette société, personne morale ou ses agents, employés ou mandataires a commis une infraction à la Loi sur le bâtiment ou à l’un de ces règlements, à moins d’établir sa diligence raisonnable[18].
Le texte prévoit néanmoins qu’il ne pourra y avoir cumul de sanctions administratives pécuniaires pour la violation d’une même disposition, à une même date et fondée sur les mêmes faits; il en reviendrait alors à la Régie, si plusieurs sanctions peuvent s’appliquer, de déterminer laquelle serait la plus appropriée[19].
Autres modifications prévues
Enfin, en marge des changements apportés à la Loi sur le bâtiment, des adaptations sont prévues à d’autres lois précitées à des fins de concordance avec ce nouveau régime.
Notamment, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme sera modifiée afin d’y consacrer l’obligation d’obtenir une attestation de conformité et de conclure un contrat avec une personne reconnue apte à la produire pour l’obtention d’un permis de construction ou d’un certificat d’autorisation[20] et l’exemption prévue dans le Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires au bénéfice du répondant en exécution de travaux de construction relativement aux obligations de formation continue sera abrogée[21].
[1] P.L. 76, Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public, 1ère session, 43e législature, Québec, 2024 (ci-après le « P.L. 76 »).
[2] Assemblée nationale du Québec, Conférence de presse de M. Jean Boulet, ministre du Travail, 2 octobre 2024, en ligne : https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-95751.html.
[3] Idem. En 2023-2024, la moyenne de non-conformité relevée par inspection était de 1,66, comparativement à 1,07 en 2019-2020.
[4] P.L. 76, art. 2 et Code de construction (RLRQ, c. B-1.1, r.2).
[5] RLRQ, c. B-1.1.
[6] Diverses modifications seraient aussi apportées à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (RLRQ, c. A-19.1), la Loi sur les maîtres électriciens (RLRQ, c. M-3), la Loi sur les maîtres mécaniciens en tuyauterie (RLRQ, c. M-4), la Loi instituant le Tribunal administratif du travail (RLRQ, c. T-15.1) et au Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires (RLRQ, c. B-1.1, r. 9).
[7] P.L. 76, art. 22.
[8] P.L. 76, voir notamment les art. 27 et ss.
[9] P.L. 76, art. 1.
[10] P.L. 76, voir notamment les art. 2 et 33.
[11] P.L. 76, art. 2.
[12] Les dispositions projetées à ce sujet introduisent notamment une obligation de formation initiale et élargissent les pouvoirs de la Régie en matière de surveillance, de suspension et de refus de délivrance d’une licence ou d’un permis.
[13] P.L. 76, art. 18.
[14] P.L. 76, art. 23.
[15] P.L. 76, art. 29.
[16] P.L. 76, art. 38.
[17] P.L. 76, art. 29.
[18] P.L. 76, art. 39.
[19] P.L. 76, art. 29.
[20] P.L. 76, art. 42.
[21] P.L. 76, art. 52 et ss.