Marche accélérée : une importante réforme du droit de la concurrence à surveiller au Canada
Après plus de deux ans de discussions sur la réforme du droit de la concurrence au Canada, mais des changements législatifs limités, le 28 novembre 2023, le gouvernement canadien a entrepris la mise en œuvre de modifications considérables à la Loi sur la concurrence (la « Loi »). Si celles-ci sont adoptées, elles élargiront considérablement la portée de certaines dispositions de la Loi, notamment en ce qui concerne la disposition civile sur les collaborations anti-concurrentielles (en ne s’appliquant plus seulement aux accords entre concurrents) et l’abus de position dominante, et modifieront le paysage du droit de la concurrence au Canada, en introduisant, entre autres, des litiges privés élargis, des dispositions plus strictes en matière de comportement civil et un régime d’avis de fusion pré-clôture plus étendu.
Les nouveaux amendements proposés font partie d’un projet de loi omnibus (projet de loi C-59) présenté par la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, afin de mettre en œuvre un large éventail de mesures annoncées en novembre dans l’Énoncé économique fédéral de l’automne.
Le projet de loi C-59 fait suite à un ensemble plus restreint d’amendements à la Loi proposés par le gouvernement en septembre 2023 par le biais du projet de loi C-56 (Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable), qui est toujours en attente d’examen par le Parlement. Bien que le projet de loi C-56 progresse selon un calendrier accéléré et semble prêt à entrer en vigueur avant le projet de loi C-59, les deux séries de modifications interagissent l’une avec l’autre et, ensemble, représentent la première réforme globale de la Loi depuis 2009.
Notre bulletin présente les principaux amendements proposés aux projets de loi C-56 et C-59 qui sont susceptibles d’avoir l’effet le plus important sur le milieu d’affaires au Canada. Les modifications proposées ont une portée étendue et une incidence importante. Au cours des prochaines semaines, nous publierons une série d’autres bulletins Web qui analyseront plus en profondeur certains des dispositions précises visées par les modifications. Abonnez-vous pour recevoir ces mises à jour en temps utile directement dans votre boîte de réception de la part de notre groupe du droit de la concurrence/antitrust et de l’investissement étranger et restez à l’affût de nos prochains articles.
Des litiges privés élargis
Historiquement, les parties privées n’ont eu qu’un accès limité aux dispositions civiles (c’est-à-dire non criminelles) de la Loi. Avant 2022, des demandes d’ordonnance par des parties privées ne pouvaient être introduites que pour la conduite de refus de vendre (article 75), de maintien des prix (article 76) et d’exclusivité, ventes liées et limitation du marché (article 77). Aucune de ces dispositions ne permettait aux parties privées de recouvrer leurs pertes – les recours étaient limités à des ordonnances de comportement correctif.
Après un élargissement modeste à l’accès privé par le biais des modifications de 2022 (qui ont créé un accès privé pour les demandes d’ordonnance pour abus de position dominante), le projet de loi C-59 ouvre bien plus grand la voie aux mesures d’application de la Loi par des parties privées. Ces amendements marquent un changement dans la politique d’application de la Loi, en créant des incitatifs pour une participation à la mise en application de la Loi par des parties privées relativement à des dispositions clées de la Loi, ce qui représente une évolution vers des litiges privés plus semblable au style antitrust américain :
- Nouveaux droits d’action : Le projet de loi C-59 étend les droits d’accès privé aux recours en vertu des articles 90.1 (collaborations civiles) et 74.1 (pratiques commerciales trompeuses). La seule disposition civile importante pour laquelle l’accès privé demeure inaccessible est l’examen des fusions, bien qu’elle pourrait également être couverte par inadvertance par l’amendement proposé qui accorde l’accès privé aux dispositions relatives à la collaboration civile.
- Critère d’autorisation assoupli. Les demandes d’ordonnance par des parties privées auprès du Tribunal de la concurrence (le « Tribunal») demeureront assujetties à un critère d’autorisation en vertu de l’article 103.1 de la Loi. Auparavant, l’autorisation était généralement refusée à moins que l’ensemble de l’entreprise du demandeur ne soit touché par le comportement de la société cible. Le projet de loi C-59 allège ce fardeau pour les demandeurs éventuels :
- En ce qui concerne le refus de vendre (article 75), le maintien des prix (article 76), l’exclusivité, les ventes liées et la limitation du marché (article 77), l’abus de position dominante (article 79) et les collaborations civiles (article 90.1), une autorisation peut être accordée même si seule une partie de l’entreprise du demandeur est touchée ou si le Tribunal estime qu’il est dans l’« intérêt public » d’accorder une autorisation.
- Pour les pratiques commerciales trompeuses (article 74.1), une autorisation peut être accordée si le Tribunal est convaincu qu’il en va de l’intérêt public.
- Indemnités pécuniaires. Le projet de loi C-59 prévoit des indemnités pécuniaires pour les parties privées, à concurrence de la valeur de l’avantage tiré du comportement visé, à répartir entre le demandeur et toute autre personne touchée par le comportement en vertu des articles 75, 76, 77, 79 et 90.1 (mais pas en ce qui concerne les demandes liées à des pratiques commerciales trompeuses en vertu de l’article 74.1). Il s’agit d’un changement considérable visant à inciter les parties privées à présenter des demandes d’ordonnance devant le Tribunal.
Abus de position dominante
En plus d’élargir la possibilité pour les parties privées d’intenter une action pour abus de position dominante, les amendements assouplissent également le critère de fond qui s’applique aux affaires d’abus de position dominante :
- Norme moins exigeante. Actuellement, l’intention (de se livrer à un agissement anticoncurrentiel) et l’effet (empêchement ou diminution substantielle de la concurrence) sont nécessaires pour établir un abus de position dominante en vertu de la Loi; le projet de loi C-56 assouplit cette exigence. En vertu du projet de loi C-56, pour que le Tribunal puisse rendre une ordonnance d’interdiction, il suffira qu’il constate qu’une entreprise dominante (i) s’est livrée à une pratique d’agissements anticoncurrentiels ou (ii) s’est livrée à un comportement qui réduit sensiblement ou empêche la concurrence.
La capacité du Tribunal à ordonner à une partie (i) de prendre toute mesure, y compris un désinvestissement ou (ii) de payer une sanction administrative pécuniaire (« SAP ») restera limitée aux cas où l’intention et l’effet anticoncurrentiels sont établis. Toutefois, en vertu du projet de loi C-59, lorsque des parties privées obtiennent une ordonnance du Tribunal (y compris une ordonnance d’interdiction), le Tribunal peut également ordonner une indemnité pour un montant allant jusqu’à la valeur de l’avantage tiré du comportement contesté.
- Prix de vente excessifs et injustes. L’article 78 de la Loi fournit une liste non exhaustive d’agissements anticoncurrentiels pouvant constituer un abus de position dominante. Le projet de loi C-56 propose d’ajouter à cette liste « l’imposition directe ou indirecte de prix de vente excessifs et injustes ». Cela constitue un changement notable à deux égards :
- Jusqu’à présent, la jurisprudence canadienne a limité les actes abusifs aux pratiques ayant un « effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas » à l’égard des concurrents d’une entreprise dominante. En reconnaissant explicitement une pratique assimilable à de l’exploitation comme agissement anticoncurrentiel, l’ajout de « prix de vente excessifs et injustes » pourrait ouvrir la voie à l’application du régime de l’abus de position dominante à un éventail plus large de comportements assimilables à de l’exploitation.
- La référence à l’imposition « indirecte » de prix excessifs et injustes peut exposer la conduite de maintien des prix de revente – qui relève de l’article 76 de la Loi – à des sanctions administratives pécuniaires en vertu du régime de l’abus de position dominante. En vertu de l’article 76, le maintien des prix n’est soumis qu’à des ordonnances d’interdiction et, si les modifications proposées par le projet de loi C-59 sont adoptées, il sera possible d’obtenir des indemnités pécuniaires pour les parties privées et les autres personnes touchées par le comportement visé.
Collaborations anticoncurrentielles
Les projets de loi C-56 et C-59 élargissent considérablement la portée des comportements visés par les dispositions civiles de la Loi relatives aux collaborations anticoncurrentielles et les recours disponibles. Notamment, comme indiqué ci-dessus, ce régime élargi sera également accessible aux parties privées avec l’autorisation du Tribunal de la concurrence.
- Collaborations entre parties non-concurrentes.Actuellement, l’article 90.1 ne s’applique qu’aux accords anticoncurrentiels entre concurrents, mais le projet de loi C-56 propose d’étendre le champ d’application de ce régime aux accords entre non-concurrents, lorsque « l’un des objets importants de l’accord ou de l’arrangement est d’empêcher ou de diminuer la concurrence dans un marché ». Cette modification aura pour effet d’inclure les accords verticaux, tels que ceux conclus entre les fournisseurs et leurs clients, dans le champ d’application de cette disposition.
- Abrogation de l’exception dans les cas de gains en efficience. Comme dans le cas de l’examen des fusions, le projet de loi C-56 éliminera la défense fondée sur l’exception dans les cas de gains en efficience de l’article 90.1 qui protège actuellement un accord ou un arrangement d’une ordonnance du Tribunal s’il est susceptible d’entraîner des gains en efficience supérieurs à ses effets anticoncurrentiels et de les neutraliser.
- Comportement antérieur. Alors que l’article 90.1 ne s’applique actuellement qu’aux accords ou arrangements « conclus ou proposés », en vertu du projet de loi C-59, le Tribunal aura le pouvoir de rendre des ordonnances également à l’égard d’accords ou d’arrangements passés, à condition qu’ils n’aient pas été résiliés depuis plus de trois ans.
- Des mesures correctives plus larges. À l’heure actuelle, la seule mesure corrective disponible dans le cadre de l’article 90.1 est une ordonnance d’interdiction. En vertu du projet de loi C-59, le Tribunal sera également habilité à rendre des ordonnances liées au comportement (y compris à exiger des désinvestissements) et à imposer des sanctions administratives pécuniaires importantes. En outre, comme indiqué plus haut, les parties privées pourront obtenir des indemnités pécuniaires.
Fusions
Les modifications proposées aux dispositions de la Loi relatives aux fusions feront augmenter le nombre de transactions soumises à un examen obligatoire des fusions et réajuste le cadre de l’examen substantiel de la fusion proposée :
- Abrogation de l’exception dans les cas de gains en efficience. Comme c’est le cas pour les dispositions civiles relatives aux collaborations anticoncurrentielles, le projet de loi C-56 éliminera la défense fondée sur l’exception dans les cas de gains en efficience du régime d’examen des fusions – qui interdit actuellement au Tribunal de rendre une ordonnance contre une fusion lorsque celle-ci entraine des gains en efficience qui sont supérieurs aux effets anticoncurrentiels qui en résultent et qui les neutralisent, et que ces gains en efficience seraient perdus si le Tribunal rendait une ordonnance.
- Présomptions structurelles. Bien que les modifications n’aillent pas jusqu’à établir des présomptions structurelles fondées sur les parts de marché, le projet de loi C-59 propose d’abroger le paragraphe 92(2) de la Loi, qui prévoit que le Tribunal ne doit pas conclure qu’une fusion est anticoncurrentielle en se fondant uniquement sur des preuves de concentration ou de parts de marché. Le retrait du paragraphe 92(2) est susceptible de renforcer la capacité du Bureau à s’appuyer sur les données relatives aux parts de marché pour contester les fusions.
- Nouveaux facteurs d’évaluation. Le projet de loi C-59 propose de modifier les articles 92 et 93 de la Loi afin d’établir explicitement l’incidence d’une transaction sur les marchés du travail et d’ajouter la prise en compte des preuves de concentration ou de parts de marché et du potentiel de coordination tacite comme facteurs pertinents pour déterminer si une fusion soulève des préoccupations sur le plan de la concurrence. Les articles 92 et 93 de la Loi n’étant de toute façon pas exhaustifs, les conséquences pratiques de ces changements sont probablement limitées.
- Régime de notification pré-clôture élargi. Le projet de loi C-59 propose des modifications aux règles de préavis de fusion qui risquent de faire augmenter le nombre de transactions qui déclenchent un examen obligatoire des fusions avant la clôture. En particulier, autant pour les transactions d’achat d’actifs ou d’achat d’actions, les revenus de la cible provenant des ventes à destination du Canada seront pris en compte dans le calcul du seuil financier relatif à la taille de la transaction (en plus des ventes au Canada et à partir du Canada, auxquelles le seuil est actuellement limité). Cela dit, dans sa version actuelle, le nouveau critère de seuil exigera toujours que la cible ait une présence au Canada (appelée « entreprise en exploitation ») ou qu’elle contrôle directement ou indirectement une entité ayant une présence au Canada (autrement dit, il ne couvrira pas les transactions purement entre entités étrangères).
- Prolongation du délai de prescription. Si seules les transactions qui dépassent les seuils prescrits doivent faire l’objet d’un avis de fusion obligatoire, toutes les fusions peuvent être soumises à un examen approfondi. Pour les transactions pour lesquelles les parties ne déposent pas volontairement de demande de certificat de décision préalable ou de préavis de fusion prescrit (lorsque les seuils pertinents sont dépassés), le projet de loi C-59 prolonge le délai de prescription au cours duquel le Bureau peut contester une transaction d’un an après la clôture à trois ans après la clôture (le délai de prescription reste d’un an pour les transactions pour lesquelles un préavis est déposé auprès du Bureau).
- Mesures provisoires. Le projet de loi C-59 renforcera la capacité du Bureau à empêcher la clôture pendant qu’il examine ou conteste une fusion. En vertu du projet de loi C-59, lorsque le Bureau demande une ordonnance provisoire pour interdire la clôture (en vertu de l’article 100 ou 104 de la Loi), il sera interdit de procéder à la clôture jusqu’à ce que l’injonction du Bureau ait été entendue et tranchée par le Tribunal. Ainsi, dans les faits, le Bureau pourra suspendre la clôture d’une transaction simplement en déposant une demande en vertu de l’article 100 ou 104.
Autres amendements importants
Les modifications proposées aux projets de loi C-56 et 59 ont une large portée et touchent quasiment tous les aspects importants de la Loi. Outre les éléments mentionnés plus haut, les amendements notables suivants sont proposés :
- Droit à la réparation.Le projet de loi C-59 crée un droit exprès à la réparation en empêchant les fabricants de refuser de fournir à des tiers les « moyens de diagnostic et de réparation » (à condition que cela n’exige pas la divulgation de secrets commerciaux).
- Écoblanchiment. Le projet de loi C-59 introduit une disposition sur l’écoblanchiment, en vertu de laquelle constitue une pratique commerciale trompeuse toute déclaration ou garantie visant les avantages d’un produit pour la protection de l’environnement ou l’atténuation des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques, qui ne se fonde pas sur une épreuve suffisante et appropriée.
- Collaborations environnementales. Le projet de loi C-59 crée un mécanisme permettant d’exempter certains accords relatifs à l’environnement des dispositions de la Loi relatives à la collaboration avec des concurrents (à la fois les infractions criminelles en matière de complots et de truquage des offres, ainsi que les dispositions civiles relatives à la collaboration avec les concurrents). Les parties privées pourront demander au Commissaire un certificat qui autorise la collaboration proposée (ce certificat peut avoir une durée de dix ans, sous réserve de prolongations par le Commissaire). Pour accorder une telle exemption, le Commissaire doit être convaincu que 1) l’accord est conclu dans le but de protéger l’environnement et que 2) il n’est pas susceptible d’empêcher ou de réduire la concurrence de manière sensible.
- Études de marché. Le projet de loi C-56 introduit un pouvoir officiel de conduire des études de marché. Dans sa version initiale, le projet de loi C-56 n’autorisait que le Ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique à lancer une étude de marché (après consultation auprès du Commissaire). Toutefois, suite à la deuxième lecture, le projet de loi prévoit désormais que 1) le Commissaire peut lancer une étude de marché après avoir consulté le Ministre ou 2) le Ministre peut ordonner au Commissaire de le faire. Une fois l’étude lancée, le Bureau serait habilité à demander une ordonnance d’un tribunal pour obliger les intervenants du marché à fournir des informations nécessaires pour faciliter l’étude. Le Bureau disposera d’un délai de 18 mois pour réaliser l’étude, sous réserve d’une éventuelle prolongation de trois mois à la discrétion du Ministre, à l’issue de laquelle les conclusions devront être rendues publiques. Il s’agissait d’un pouvoir que le commissaire souhaitait vivement obtenir, et l’on s’attend à ce que cela accroisse considérablement son utilisation des pouvoirs d’assignation de l’article 11 pour contraindre les parties à fournir des documents et des données, ainsi qu’à répondre à des questions sous serment.
- Représailles. Le projet de loi C-59 introduit un régime civil pour protéger les personnes qui aident le Commissaire contre les représailles visant à les « pénaliser, punir, discipliner, harceler ou désavantager » en raison de leur collaboration. Cette disposition vise à encourager les parties concernées à se manifester ou à collaborer avec le Bureau dans le cadre de ses enquêtes, sans crainte de représailles. Le Commissaire ou une personne dont l’entreprise est substantiellement et directement touchée (en tout ou en partie) par une action de représailles peut déposer une requête auprès de la Cour fédérale (ou des cours supérieures provinciales) en vue d’obtenir une ordonnance d’interdiction ou une sanction administrative pécuniaire, bien qu’aucun dommage-intérêt ne puisse être accordé aux parties privées.
Conclusion
Compte tenu du processus de réforme législative à deux voies en cours dans le cadre des projets de loi C-56 et C-59, on peut s’attendre à ce que la Loi soit amendée de façon progressivement, les modifications plus limitées au projet de loi C-56 étant susceptibles d’être adoptées relativement rapidement, tandis que le débat sur les réformes plus importantes prévues par le projet de loi C-59 se poursuivront probablement au cours de l’année prochaine.
Bien que le projet de loi C-59 puisse encore évoluer au cours de son examen par le Parlement, il apparait clairement que le gouvernement a l’intention de mettre en œuvre une réforme importante de la Loi et le paysage du droit de la concurrence au Canada, au cours de l’année à venir, en sortira remodelé. Ces réformes créeront de nouveaux risques pour les entreprises, mais aussi de nouvelles possibilités de recours et de redressement. Les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs devraient évaluer les conséquences de ces amendements sur leurs activités, tant en ce qui concerne les opérations quotidiennes que les initiatives stratégiques, telles que les fusions et les coentreprises.
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