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Les Autorités de réglementation en valeurs mobilières proposent de nouvelles règles pour les régimes de droits des actionnaires

Publié le groupe des fusions et acquisitions de sociétés ouvertes

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié pour consultation un projet de modification de la réglementation des régimes de droits des actionnaires (projet de règlement). Le projet de règlement modifiera sensiblement le rapport de force dans le cadre d’une offre hostile au profit du conseil de la société visée et au détriment de l’initiateur hostile, la décision finale de vendre ou non la société visée revenant toujours à ses propriétaires, les actionnaires. En effet, il est proposé que le conseil d’une société visée serait autorisé à maintenir un régime de droits et à bloquer ainsi une offre hostile si une majorité de ses actionnaires ont approuvé le régime de droits à l’occasion d’une assemblée annuelle antérieure ou en réaction à l’offre (à l’occasion d’une assemblée convoquée dans les 90 jours qui suivent le lancement de l’offre). Aux termes du projet de règlement, les actionnaires ont aussi le droit de suspendre l’application du régime de droits à tout moment par un vote majoritaire.

Lorsque le conseil d’administration d’une société canadienne fait l’objet d’une offre publique d’achat non sollicitée et vraisemblablement inopportune, les administrateurs n’ont que très peu de moyens de défense. Les ACVM travaillent actuellement à un vaste examen global des moyens de défense, mais ont initialement proposé de nouvelles règles visant expressément les régimes de droits. De plus, l’Autorité des marchés financiers a publié un document de consultation intitulé Un regard différent sur l’intervention des autorités en valeurs mobilières dans les mesures de défense (proposition de l’AMF), qui fera l’objet d’une publication distincte de McCarthy Tétrault. La proposition de l’AMF se veut plus générale et a une portée plus large en ce sens qu’elle s’applique non seulement aux régimes de droits, mais aussi à toutes les mesures défensives qu’un conseil peut adopter pour contrer une offre hostile, et qu’elle n’envisage aucune exigence d’approbation ou de ratification par les actionnaires. La proposition de l’AMF rendrait notamment le régime canadien similaire quant aux mesures défensives avec le régime américain (Delaware), où les conseils peuvent en général « simplement dire non » à une offre hostile en mettant en œuvre des mesures défensives, notamment un régime de droits. La période de consultation pour les deux propositions se termine le 12 juin 2013.

Actuellement, lorsqu’une offre hostile est lancée au Canada, le conseil de la société visée peut mettre en œuvre un régime de droits et s’accorder ainsi un délai supplémentaire, au-delà de la période de dépôt minimale de 35 jours pour une offre publique d’achat, pour solliciter des « chevaliers blancs » ou rechercher d’autres solutions de rechange propres à maximiser la valeur pour les actionnaires. En utilisant la protection d’un régime de droits, la société visée peut en général porter la période de 35 jours à 45 à 55 jours; toutefois, les commissions de valeurs mobilières au Canada ont à ce jour clairement indiqué que le régime de droits ne peut pas s’appliquer indéfiniment.

Un conseil canadien ne pouvait donc pas « simplement dire non » à un initiateur hostile même s’il a mis en œuvre un régime de droits.

Comment fonctionne un régime de droits?

Dans le cadre d’un régime de droits canadien (qui est différent d’un régime de droits aux États-Unis), un droit est émis pour chaque action en circulation qui permet aux porteurs de ces droits, sauf un initiateur hostile qui franchit un seuil déterminé de participation (habituellement 20 %), d’acquérir de nouvelles actions directement de la société à fort escompte par rapport à leur cours si l’initiateur hostile persiste à franchir ce seuil. Le régime de droits empêche dans les faits l’initiateur hostile de franchir le seuil, à moins et jusqu’à temps que le conseil de la société visée ne renonce à l’application du régime ou qu’une commission des valeurs mobilières ou un tribunal n’en ordonne la révocation.

Dans les régimes de droits canadiens, la notion d’« offre autorisée » permet même à un initiateur hostile de donner suite à son offre sans l’approbation du conseil si les conditions suivantes sont réunies :

  1. les actionnaires peuvent accepter l’offre pendant une période minimale plus longue que la période minimale de 35 jours prévue par la règlementation (souvent 60 à 90 jours);
  2. au moins une majorité des actions en circulation de la société visée sont déposées en réponse à l’offre;
  3. une fois la majorité des actions déposées en réponse à l’offre, l’offre est prolongée d’au moins dix jours afin de permettre aux autres actionnaires de déposer leurs actions.

Une modification est-elle nécessaire?

D’après de nombreux commentaires récents au Canada, nos règles seraient un peu trop favorables aux initiateurs hostiles au détriment des sociétés visées, de leur conseil d’administration et de leurs actionnaires. Tout le monde convient que les offres hostiles ont un rôle légitime dans une économie de marché pour une répartition optimale des ressources économiques; toutefois, faute de solides moyens de défense, une fois l’offre hostile lancée, la vente devient en général inévitable. Le régime actuel, qui donne au conseil de la société visée un délai d’à peine 45 à 55 jours pour examiner des transactions de rechange après l’annonce surprise d’une offre hostile, crée selon bon nombre d’observateurs un environnement trop favorable à l’initiateur.

Comment les régimes de droits sont-ils actuellement appliqués?

La transaction récente visant la vente de Primaris Retail Real Estate Investment Trust constitue un excellent exemple de la manière dont les régimes de droits sont appliqués et de leurs limites. Primaris est une fiducie de placement immobilier inscrite à la cote de la TSX qui possède 43 centres commerciaux au Canada et a une capitalisation boursière globale d’environ 3,8 milliards de dollars.

En fin de soirée le 4 décembre 2012, le chef de la direction de Kingsett Capital a rencontré le chef de la direction de Primaris pour l’informer que Kingsett annoncerait publiquement une offre non sollicitée visant Primaris le lendemain matin, sans avis ni négociation, comme c’est souvent le cas pour des offres hostiles.

Primaris avait un régime de droits en place, approuvé précédemment par ses porteurs de parts, et a diffusé en réponse à l’annonce de Kingsett un communiqué de presse selon lequel le conseil estimait que l’offre initiale à 26,00 $ sous-évaluait Primaris, le conseil avait l’intention d’examiner des solutions de rechange et les porteurs de parts n’avaient pas à se presser pour prendre une décision de déposer ou non leurs parts parce que Primaris avait un régime de droits qui lui accordait au moins un délai supplémentaire au-delà de la période de 35 jours de l’offre de Kingsett. Personne ne savait exactement à quel moment les autorités de réglementation enjoindraient à Primaris de renoncer à l’application du régime de droits. Il va sans dire qu’une offre hostile annoncée en décembre pose de réels problèmes pour le conseil d’une société visée dont les éléments d’actif sont largement dispersés et les tierces parties potentiellement intéressées se trouvent dans différents fuseaux horaires dans le monde.

Même si Primaris a retenu les services de conseillers financiers, les a pressés d’agir rapidement, a mis sur pied une salle de données et dressé une liste de tierces parties potentiellement intéressées, Kingsett, à bon droit de son point de vue, pressait la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario de fixer au plus tôt une date d’audition visant à établir si la CVMO devait ou non rendre une ordonnance d’interdiction d’opérations à l’égard du régime de droits de Primaris. La position initiale de Kingsett était que Primaris n’avait pas besoin d’un délai supplémentaire et que le régime de droits devrait prendre fin à l’expiration de la période d’offre de 35 jours prévue par la législation. Autrement dit, le régime de droits n’aurait, dans les faits, aucun effet et la capacité de Primaris de trouver d’autres acheteurs afin de maximiser la valeur pour ses porteurs de parts serait sérieusement limitée. Certaines parties potentiellement intéressées ont refusé d’examiner sérieusement l’offre visant Primaris en raison du moment de l’année (la période des Fêtes) et du délai relativement serré.

À l’issue de quelques discussions, il a été convenu que la CVMO entendrait l’affaire le 30 janvier 2013 (51 jours après le lancement de l’offre de Kingsett, le 10 décembre). Avant cette date, Primaris a conclu une entente avec un « chevalier blanc », H&R Real Estate Investment Trust, à 27,00 $ la part, l’audition de la CVMO devenant ainsi inutile et Primaris a volontairement renoncé à l’application du régime de droits. N’eût été de ce développement, la CVMO aurait vraisemblablement rendu une ordonnance d’interdiction d’opérations à l’égard du régime de droits à la date d’audition ou dans les jours suivants (étant donné que 51 jours se seraient alors écoulés depuis le lancement de l’offre de Kingsett) et, faute d’une solution de rechange, les porteurs de parts auraient sans doute vendu leurs parts de Primaris à 26,00 $. Au final, H&R et Kingsett ont uni leurs forces et l’offre a été bonifiée à 28,00 $ par part de Primaris. Dans ces circonstances, le régime de droits a joué son rôle, mais les porteurs de parts de Primaris peuvent s’estimer chanceux que H&R ait accepté de s’engager aussi rapidement dans le processus d’enchères pendant la période des Fêtes. Même si Primaris était convaincue qu’elle n’aurait pas pu trouver une meilleure offre, malgré un délai supplémentaire, les conseils estiment souvent qu’un délai de 45 à 55 jours est insuffisant pour mener à bien un processus de maximisation de la valeur.

Comment s’appliquera le nouveau projet de règlement?

Les éléments fondamentaux du projet de règlement sont les suivants :

  1. un régime de droits sera valide lorsqu’il est adopté par le conseil d’administration, mais il devra être approuvé par les porteurs de titres dans un délai de 90 jours suivant la date d’adoption ou, s’il est adopté après le lancement d’une offre publique d’achat, dans un délai de 90 jours suivant la date de lancement;
  2. un régime de droits doit être approuvé annuellement à la majorité des voix exprimées par les porteurs de titres pour demeurer valide;
  3. les porteurs de titres peuvent en tout temps mettre fin à tout régime de droits à la majorité des voix exprimées;
  4. l’initiateur ne peut exercer les droits de vote rattachés aux titres qu’il détient à l’occasion d’un vote tenu en vue d’adopter, de maintenir ou de modifier un régime de droits;
  5. les modifications importantes d’un régime de droits doivent être approuvées par les porteurs de titres dans un délai de 90 jours suivant la date d’adoption;
  6. un régime de droits ne peut être utilisé que pour contrecarrer une offre publique d’achat ou l’acquisition par une personne de titres de l’émetteur (autrement dit, il ne peut être déclenché par une course aux procurations visant à modifier la composition du conseil d’administration ou quelque autre vote des porteurs de titres);
  7. un régime de droits ne peut être utilisé pour établir une distinction entre des offres publiques d’achat : si le conseil y renonce ou le modifie à l'égard d’une offre, il doit y renoncer ou le modifier à l’égard de toutes les autres.

Qu’est-ce qui changera?

Aux termes de ce projet de règlement, nous prévoyons que le conseil d’administration de la société visée aura plus de temps pour rechercher un « chevalier blanc » ou examiner d’éventuelles opérations de rechange propres à maximiser la valeur pour les actionnaires. Au lieu de travailler dans un délai de 45 à 55 jours, le conseil d’une société visée disposera d’au moins 90 jours pour rechercher des solutions de rechange. Potentiellement, si les actionnaires y consentent, le conseil pourrait désormais « simplement dire non » et bloquer indéfiniment un initiateur hostile.

Aux termes du projet de règlement, si la société visée n’a pas adopté un régime de droits qui a été approuvé à la dernière assemblée générale annuelle, sa première réaction vis-à-vis d’une offre hostile sera vraisemblablement d’adopter un régime de droits et de convoquer une assemblée des actionnaires dans les 90 jours qui suivent le lancement de l’offre (et non pas l’annonce de l’offre). Les ACVM déclarent qu’à moins de circonstances extraordinaires, les commissions de valeurs mobilières provinciales s’abstiendront d’intervenir et de rendre une ordonnance d’interdiction d’opérations à l'égard du régime de droits. Si la société visée trouve une solution de rechange propre à maximiser la valeur pour les actionnaires dans le délai de 90 jours, elle pourrait annuler l’assemblée des actionnaires et renoncer à l’application du régime de droits, le régime de droits ayant ainsi joué son rôle. Sinon, la société visée s’engagera dans une course aux procurations avec l’initiateur hostile pour l’approbation ou la résiliation du régime de droits et le régime de droits sera soit maintenu, soit rejeté à l’assemblée des actionnaires. La société cible pourrait par ailleurs conclure qu’un délai de 90 jours est suffisant pour rechercher des solutions de rechange et ne pas convoquer l’assemblée des actionnaires ou s’engager dans une course aux procurations. Le cas échéant, si aucune opération de rechange n’est trouvée, les actionnaires indiqueront qu’ils appuient ou rejettent l’offre hostile en déposant ou non leurs actions en réponse à l’offre.

Les sociétés ouvertes qui ont déjà adopté un régime de droits pourraient dans la foulée de la mise en œuvre du projet de règlement vouloir modifier la définition d’« offre autorisée » dans leurs régimes de droits. Il sera intéressant de voir si les sociétés canadiennes s’inspireront des régimes de droits américains et supprimeront carrément la notion d’« offre autorisée », ou porteront plutôt à 90 jours ou plus le délai de 60 jours d’une offre autorisée.

Rien ne nous permet d’affirmer à ce moment que les sociétés ouvertes canadiennes soumettront systématiquement un régime de droits à l’approbation de leurs actionnaires à chaque assemblée générale annuelle. Il pourrait être plus facile d’adopter un régime de droits « tactique » plus contraignant au début d’une offre hostile et de ne pas avoir à se soucier des lignes directrices restrictives des services consultatifs sur les questions relatives aux actionnaires pour l’obtention de l’approbation préalable des actionnaires. L’obtention de l’approbation préalable des actionnaires n’est toutefois pas sans avantage, puisque le conseil de la société visée disposerait potentiellement, pourvu que les actionnaires approuvent le régime de droits, de plus de 90 jours pour contrer une offre hostile. L’assemblée générale annuelle de bon nombre de sociétés ouvertes a lieu en mars. Un initiateur hostile qui lance une offre en avril pourrait devoir attendre jusqu’à 11 mois ou plus avant que les actionnaires n’aient l’occasion de rejeter le régime de droits et de déposer leurs actions en réponse à l’offre.

Un initiateur hostile pourra acheter des actions de la société visée (en général au moins 5 %) et demander la convocation d’une assemblée des actionnaires aux fins de voter sur la résiliation du régime de droits. L’initiateur hostile qui offre une prime importante par rapport au cours aurait de bonnes chances de remporter ce vote. Bien que la législation sur les sociétés oblige la société visée à convoquer cette assemblée, elle ne précise pas quand l’assemblée doit être convoquée. Vous pouvez être certain que dans le contexte d’une offre hostile, le conseil de la société visée qui est à la recherche de solutions de rechange ne sera pas pressé de convoquer une assemblée des actionnaires aux fins de voter de nouveau pour un régime de droits déjà approuvé par les actionnaires. On peut s’attendre à une augmentation du nombre de litiges sur le moment de la convocation d’une assemblée des actionnaires.

Si les émetteurs décident de soumettre un régime de droits à l’approbation de leurs actionnaires à une assemblée annuelle, ils peuvent obtenir ou ne pas obtenir cette approbation. Nous pouvons imaginer que certains actionnaires institutionnels, et certains petits actionnaires, estiment qu’un régime de droits tactique de 90 jours est suffisant pour le conseil d’administration, et qu’un régime de droits pouvant s’étirer sur plus de 12 mois représente un vaste pouvoir qu’ils ne sont pas disposés à accorder aux administrateurs. Nous verrons.

Les ACVM ont indiqué que si une société met un régime de droits aux voix de ses actionnaires à son assemblée générale annuelle, et que les actionnaires votent « contre », la société peut toujours adopter un régime de droits après l’annonce d’une offre publique d’achat hostile pourvu qu’une autre assemblée des actionnaires soit convoquée dans les 90 jours. Il ne serait donc pas utile de demander aux actionnaires d’approuver un régime de droits à chaque assemblée générale annuelle. Si les actionnaires n’approuvent pas le régime de droits, le conseil peut toujours disposer d’un délai de 90 jours pour rechercher des solutions de rechange en adoptant un régime de droits tactique après l’annonce d’une offre hostile.

Conclusion

L’avis de consultation des ACVM est daté du 14 mars 2013 et peut être consulté ici (disponible en anglais seulement). La période de consultation se termine le 12 juin 2013.

Pour plus d’information, veuillez communiquer avec les personnes suivantes :

LONDRES

Robert J. Brant
+44 (0)20 7786 5701
[email protected]

MONTRÉAL

Patrick Boucher
514-397-4237
[email protected]

Frederic Cotnoir
514-397-4407
[email protected]

Clemens Mayr
514-397-4258
[email protected]

QUÉBEC

Philippe Leclerc
418-521-3011
[email protected]

CALGARY

Gregory G. Turnbull
403-206-5555
[email protected]

Sony Gill
403-206-5529
[email protected]

TORONTO

Garth M. Girvan
416-601-7574
[email protected]

Graham P.C. Gow
416-601-7677
[email protected]

Jonathan Grant
416-601-7604
[email protected]

Ian C. Michael
416-601-8023
[email protected]

David B. Tennant
416-601-7777
[email protected]

David E. Woollcombe
416-601-7555
[email protected]

VANCOUVER

Richard Balfour
604-643-7915
[email protected]

Cameron Belsher
604-643-7985
[email protected]