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Le Bureau de la concurrence explique son processus d’études de marché

Le 19 septembre 2018, le Bureau de la concurrence a publié son Bulletin d’information sur les études de marché, cinq mois après avoir publié une ébauche aux fins de consultation publique. Le Bulletin décrit les différentes étapes suivies par le Bureau lorsqu’il effectue des études de marché, de la sélection d’un secteur économique jusqu’au suivi des recommandations. Malgré le fait qu’il ne dispose pas officiellement du pouvoir d’effectuer de telles études, le Bureau a mené quatre études de marché depuis 2007, dont une étude sur la technologie financière du Canada (voir notre article précédent), et mène actuellement une étude de marché sur le secteur des services à large bande du Canada. Le Bulletin a été publié afin d’offrir une prévisibilité aux participants et aux intervenants aux études de marché, notamment en ce qui concerne le traitement des renseignements confidentiels.

I. Choix d’un secteur économique

Il faut différencier les études de marché des mesures d’application de la loi dirigées par le Bureau, comme les examens de fusions ou les enquêtes sur les cartels. Comme le mentionne le Bulletin, les études de marché sont généralement menées à des fins exploratoires, pour répondre à des préoccupations d’ordre réglementaire, influencer les intervenants du secteur ou examiner les questions de concurrence suscitées par de nouvelles tendances du marché. Les études de marché sont généralement lancées en l’absence de violation manifeste de la Loi sur la concurrence, mais lorsqu’une loi, un règlement, une politique, un obstacle structurel ou d’autres facteurs semblent entraver la concurrence dans un secteur.

Avant d’entreprendre une étude de marché, le Bureau détermine les secteurs économiques susceptibles de bénéficier de ses ressources. Le Bureau indique qu’il examine généralement les secteurs pour lesquels des renseignements ou des plaintes reçus des intervenants soulèvent des préoccupations au sujet de la concurrence et de l’efficience. L’activité réglementaire, les débats publics, les demandes d’organismes gouvernementaux et les renseignements provenant d’autres autorités de la concurrence sont également examinés.

Le Bureau effectue dans un premier temps une évaluation préliminaire du secteur économique envisagé, dont la disponibilité des renseignements, les ressources nécessaires et l’effet d’une telle étude sur l’économie canadienne. Comme l’explique le Bulletin, dans la plupart des cas, le Bureau évite d’effectuer une étude de marché qui chevauche ses enquêtes et initiatives d’application de la loi déjà en cours. Les intervenants peuvent être contactés à ce stade préliminaire afin de confirmer que l’approche adoptée par le Bureau est pertinente et que les besoins du secteur sont convenablement pris en considération. Après avoir sélectionné un secteur, le Bureau établit la portée de l’étude de marché pour faire en sorte que les principaux aspects des préoccupations en matière de concurrence soient abordés.

II. Méthodologie suivie dans le cadre des études de marché

  • Avis

Le Bureau publie habituellement au début du processus un avis exposant en détail l’objectif et la portée de l’étude de marché. L’avis indique également les activités antérieures du Bureau dans le secteur choisi, la participation d’autres organismes gouvernementaux, les dates importantes et les façons de participer au processus.

  • Collecte de renseignements et questions de confidentialité

À ce stade, le Bureau cherche à obtenir des renseignements sur les entraves à la concurrence à l’égard du secteur économique choisi, notamment le cadre juridique pertinent, la dynamique du marché, les barrières à l’entrée et la structure de la chaîne d’approvisionnement. Le Bureau ne peut pas forcer les intervenants à lui fournir des renseignements pour ses études de marché, de sorte qu’il se fonde principalement sur les renseignements communiqués volontairement par les participants, les entrevues avec les intervenants, l’information publique, la collaboration avec les autres organismes gouvernementaux (au Canada et à l’étranger) et l’information recueillie lors d’enquêtes antérieures.

Les renseignements confidentiels ou sensibles sur le plan commercial transmis au Bureau lors d’une étude de marché sont protégés par l’article 29 de la Loi sur la concurrence. Les intervenants doivent mentionner le caractère confidentiel ou sensible de tels renseignements lorsqu’ils communiquent avec le Bureau afin d’éviter leur publication dans le cadre du rapport final de l’étude. Néanmoins, le Bureau souligne qu’il dispose du pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements confidentiels obtenus dans le cadre des études de marché dans certains cas, notamment aux fins de communication à un organisme canadien d’application de la loi. Encore plus important, le Bulletin énonce clairement que le Bureau peut utiliser les renseignements obtenus dans le cadre d’une étude de marché pour débuter ou poursuivre des enquêtes et mesures formelles d’application de la loi.

  • Analyse de la concurrence

Au moyen des données empiriques recueillies, le Bureau évalue la dynamique du secteur économique afin d’y identifier des obstacles à la concurrence. Selon le Bulletin, l’information quantitative est traitée et analysée au moyen de techniques économétriques et est examinée à la lumière de l’information qualitative obtenue par le Bureau. Après avoir déterminé les causes probables des obstacles à la concurrence dans le secteur, le Bureau formule des recommandations à l’intention des organismes de réglementation, des décideurs, des associations sectorielles ou d’autres intervenants, incluant la proposition de mesures réglementaires alternatives.

Le Bureau peut décider de mettre fin à une étude de marché, ou d’en réorienter la portée, si l’information recueillie indique que la dynamique concurrentielle du secteur est moins problématique que prévu, si la structure du marché est modifiée, si des modifications réglementaires sont introduites ou si des enquêtes ou mesures d’application de la loi sont entreprises. À la suite de son analyse, le Bureau lance des consultations avant la publication de son rapport auprès des intervenants pour valider l’exactitude de ses recommandations.

  • Rapport et recommandations

Une fois le processus de consultation terminé, le Bureau publie en ligne son rapport final, de même qu’un communiqué. Selon la complexité de l’étude, le Bureau indique qu’un rapport est généralement publié dans les 12 à 18 mois suivant l’avis initial. Le rapport expose la dynamique concurrentielle et le cadre réglementaire du secteur, les recommandations du Bureau et la méthodologie de l’étude. Les rapports d’étude de marché du Bureau visent à proposer des solutions utiles et pragmatiques afin de promouvoir l’innovation et la concurrence au Canada, tout en portant particulièrement attention aux autres objectifs d’ordre public pertinents dans le secteur étudié.

  • Suivi des résultats

Le Bureau indique qu’après avoir rendu son rapport public, il en examinera les effets sur le cadre règlementaire du secteur. Le Bulletin explique que le Bureau peut collaborer avec  les décideurs et les organismes de réglementation pour faciliter l’utilisation du rapport ou afin de fournir des renseignements supplémentaires aux intervenants. En outre, dans les années qui suivent la publication d’un rapport, le Bureau peut produire une évaluation de suivi du secteur et formuler des recommandations mises à jour.

Commentaires de McCarthy Tétrault

Selon le Bulletin, les études de marché n’ont pas pour objectif de mener à des pénalités ou à des sanctions devant les tribunaux. Néanmoins, le Bureau mentionne que ses études peuvent déclencher des enquêtes et des mesures d’application de la loi. Bien que les renseignements confidentiels obtenus lors d’une étude de marché soient confidentiels en vertu de l’article 29 de la Loi sur la concurrence, cette disposition permet l’utilisation de l’information transmise à des fins d’application et de contrôle d’application de la loi, ainsi que sa communication à un organisme canadien d’application de la loi. De plus, compte tenu de la compétence ambiguë du Bureau pour effectuer des études de marché, les renseignements obtenus dans le cadre d’une étude pourraient échapper à la portée de l’article 29, qui se limite à l’information recueillie « dans le cadre de l’application ou du contrôle d’application » de la Loi sur la concurrence. Lorsqu’ils participent à une étude de marché, les intervenants doivent donc être conscients de l’utilisation potentielle de l’information fournie au Bureau à des fins d’enquête, et prendre des mesures proactives afin de garantir la protection de leurs renseignements sensibles sur le plan commercial.

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