Passer au contenu directement.

La Cour d’appel fédérale accueille l’appel du commissaire dans l’affaire du Toronto Real Estate Board

Le 3 février 2014, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision du Tribunal de la concurrence (Tribunal) qui avait rejeté la demande d’ordonnance d’interdiction pour abus de position dominante présentée par le commissaire de la concurrence (commissaire) contre le Toronto Real Estate Board (Chambre d’immeuble). La Cour a conclu que le Tribunal a mal interprété sa décision de 2006 dans l’affaire Canada (Commissaire de la concurrence) c. Tuyauteries Canada Ltée et, partant, a erré sur l’application des dispositions sur l’abus de position dominante de la Loi sur la concurrence (Loi). Par conséquent, la Cour a renvoyé la demande du commissaire devant le Tribunal.

Contexte

Le commissaire a présenté contre la Chambre d’immeuble, une association professionnelle, une demande d’ordonnance d’interdiction pour abus de position dominante en vertu du paragraphe 79 (1) de la Loi, alléguant que la Chambre d’immeuble restreint la façon dont ses membres, des agents d’immeuble, peuvent communiquer à leurs clients les renseignements contenus dans le système Multiple Listing Service (système MLS) qu’elle contrôle. Plus précisément, le commissaire allègue que les agents membres ne peuvent afficher en ligne les données du système MLS, ce qui aurait pour effet de diminuer sensiblement la concurrence.

Le 15 avril 2013, le Tribunal a rejeté la demande du commissaire, sans se prononcer sur le fond, au motif que le paragraphe 79 (1) de la Loi ne peut s’appliquer à la Chambre d’immeuble puisque celle-ci ne fait pas concurrence à ses membres. Le Tribunal a conclu que, parce que la Chambre d’immeuble ne fait pas concurrence à ses membres, les règles adoptées par la Chambre d’immeuble ne peuvent avoir pour but de causer un préjudice à un « concurrent », condition requise par la décision Tuyauteries Canada.

Pour plus d’information sur la décision initiale du Tribunal dans ce dossier, voir notre article précédent (en anglais seulement).

Décision

La Cour rejette l’interprétation de la décision Tuyauteries Canada que fait le Tribunal, c’est-à-dire que la pratique anti-concurrentielle mentionnée au paragraphe 79 (1) b) de la Loi doit viser un concurrent de la personne qui est la cible de la demande du commissaire. La Cour affirme que compte tenu des faits de la cause, la décision Tuyauteries Canada n’avait pas pour but d’empêcher qu’une personne qui contrôle un marché « autrement qu’en qualité de concurrent » fasse l’objet d’une ordonnance pour abus de position dominante.

À titre d’exemple, la Cour cite le commissaire qui plaide qu’une personne qui ne livre pas concurrence dans un marché peut néanmoins contrôler ce marché en contrôlant un intrant important pour les concurrents sur le marché, ou en adoptant des règles qui, dans les faits, contrôlent la conduite des affaires de ces concurrents.

Sans se prononcer sur les faits allégués par le commissaire et la Chambre d’immeuble (parce que le Tribunal s’est prononcé sur une question de droit, et non sur les faits), la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

Conclusion

Cette décision de la Cour d’appel crée un doute quant aux personnes qui peuvent être visées par une demande en vertu de l’article 79 de la Loi. À tout le moins, on peut s’attendre à ce que des associations professionnelles soient poursuivies pour abus de position dominante. L’incertitude que laisse planer cette décision est inquiétante, étant donné qu’une condamnation pour abus de position dominante peut donner lieu à une sanction administrative pécuniaire allant jusqu’à 10 millions de dollars. Il est à souhaiter que le Tribunal se prononce sur cette question dans la décision qu’il rendra sur le fond.

Auteurs