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Le point sur le droit minier : Le projet de loi C-300

Le projet de loi C-300, projet de loi d’initiative parlementaire qu’a présenté le député libéral ontarien John McKay, est censé promouvoir la responsabilité sociale des entreprises (RSE) quant aux activités dans des pays d’accueil de l’industrie minière canadienne. Cependant, le projet de loi C-300 pourrait avoir comme résultat pervers de pousser les sociétés minières vers des pays ayant moins d’engagement envers la RSE, ce qui pourrait finalement empirer les choses pour les pays d’accueil.

L’essentiel du projet de loi, intitulé Loi sur la responsabilisation des sociétés à l’égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement, est contenu dans deux exigences : premièrement, que le gouvernement fédéral établisse des lignes directrices en matière de RSE qui respectent les exigences du projet de loi dans les 12 mois suivant son entrée en vigueur, et deuxièmement, que les ministres des Affaires étrangères et du Commerce international fassent enquête sur toute plainte concernant une société minière canadienne que formule un citoyen ou un résident du Canada ou d’un pays en développement où cette société exerce ses activités.

Selon le régime envisagé, les ministres ne seraient en mesure de refuser de faire enquête que si une plainte était frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi. Toutefois, pour en venir à cette conclusion, il serait à tout le moins nécessaire de faire un minimum d’enquête. Selon ce régime, aucune société minière ne pourrait donc éviter d’être la cible de telles enquêtes, peu importe à quel point ses politiques et pratiques en matière de RSE sont solides.

Les sociétés minières canadiennes exercent déjà leurs activités dans l’un des secteurs les plus réglementés du monde, fait dont ne tient pas compte le projet de loi C-300. Par ailleurs, d’autres dispositions législatives d’ordre plus général réglementent également toutes les sociétés canadiennes qui exercent des activités internationales. Par exemple, la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers prévoit que commet un crime toute entité canadienne qui fait un paiement illicite, tente de faire un paiement illicite, aide quelqu’un à faire un paiement illicite ou conseille à quelqu’un de faire un paiement illicite à un agent public étranger. Cette infraction est passible au Canada d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans, d’une amende illimitée ou de ces deux peines.

Par ailleurs, les sociétés minières canadiennes sont fortement tributaires de l’accès au financement institutionnel. La plupart des banques internationales, y compris toutes les grandes banques canadiennes, ont souscrit aux principes d’Équateur, lesquels représentent la norme de l’industrie sur les questions environnementales et sociales liées au financement de projets dans le monde. Si les sociétés minières canadiennes ne veillent pas à ce que leurs projets soient mis en valeur d’une façon socialement et environnementalement responsable, elles ne seront pas en mesure d’obtenir un financement par emprunts à l’égard de ces projets.

En plus du cadre réglementaire existant et des efforts continus en matière de RSE des sociétés minières canadiennes, le projet de loi C-300 ne tient pas compte des Tables rondes nationales sur la responsabilité sociale des entreprises et les industries extractives canadiennes dans les pays en développement du gouvernement fédéral. Cet effort mené par le gouvernement fédéral pendant un an a fait intervenir de multiples parties intéressées, notamment des sociétés minières, pétrolières et gazières, des organisations syndicales, des organisations non gouvernementales canadiennes et internationales et d’autres organismes. Le rapport final des Tables rondes soulignait que les sociétés extractives canadiennes « ont été reconnues sur le plan national et international pour leur leadership à l’égard de ces questions [de RSE] ».

À la suite de ses efforts consultatifs, le gouvernement fédéral a lancé sa stratégie en matière de RSE en mars 2009, Renforcer l’avantage canadien : Stratégie de responsabilité sociale des entreprises (RSE) pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger. La stratégie comporte :

  • un nouveau conseiller en RSE de l’industrie extractive pour aider à résoudre les problèmes sociaux et environnementaux reliés aux sociétés extractives canadiennes actives à l’étranger;
  • un appui et une assistance continus, par l’entremise de l’Agence canadienne de développement international, destinés aux gouvernements étrangers pour la mise en valeur et la gestion de leurs propres ressources naturelles de façon durable; et
  • la promotion de lignes directrices volontaires internationalement reconnues en matière de RSE.

Le 13 janvier 2010, le gouvernement fédéral a, conjointement avec l’Institut canadien des mines, de la métallurgie et du pétrole, lancé un nouveau site Web (www.cim.org/csr/) (disponible en anglais seulement) destiné à aider les sociétés minières, pétrolières et gazières canadiennes à respecter et à dépasser leurs responsabilités environnementales et sociales lorsqu’elles mènent des activités à l’étranger. Le nouveau site Web :

  • proposera une liste d’experts, de contacts, d’activités, de documents de référence, de politiques et de réglementations, de profils de pays ainsi que des outils canadiens et internationaux pour aider les entreprises à élaborer des politiques rigoureuses en matière de RSE;
  • servira de forum par l’entremise duquel les praticiens et les intervenants de la RSE au Canada et à l’étranger pourront mettre en commun leurs expériences et leurs pratiques exemplaires en matière de RSE au moyen de scénarios, de cas concrets et de conseils; et
  • facilitera l’élaboration de programmes éducatifs à l’intention de l’industrie et des intervenants.

Ce leadership en matière de RSE pourrait être ébranlé par le projet de loi C-300, lequel pourrait pousser les sociétés minières à se déplacer vers des territoires ayant des régimes réglementaires moins exigeants. En encourageant un tel exode, le projet de loi C-300 créerait non seulement un creux au sein de l’industrie minière canadienne, mais encouragerait aussi les sociétés minières à se déplacer vers des territoires moins réglementés et sans engagement envers les efforts de RSE.

Le projet de loi C-300 repose sur la théorie sans fondement que l’industrie minière canadienne est intrinsèquement abusive des pays d’accueil en développement où elle mène ses activités et que l’industrie doit être assujettie à un processus arbitraire, déséquilibré et punitif visant à embarrasser les sociétés minières canadiennes pour qu’elles deviennent de meilleures entreprises citoyennes. Même si cette croyance peut avoir été partiellement fondée par le passé, elle ne correspond plus à l’industrie minière canadienne moderne et aux réalités complexes des activités dans les pays en développement. Le projet de loi C-300 ne tient pas compte du rôle de premier plan du Canada dans l’industrie minière en général ainsi qu’en matière de RSE en particulier.

Dans le cadre de sa position de leader, l’industrie minière canadienne a encouragé et continuera d’encourager l’élaboration de normes et de pratiques en matière de RSE dans ses pays d’accueil. Plutôt que d’imposer une nouvelle réglementation lourde et présomptueuse aux sociétés canadiennes, ayant peu ou aucun effet positif, le Canada aurait avantage à continuer d’aider les pays d’accueil en développement à établir les ressources nécessaires pour surveiller elles-mêmes efficacement la conduite des entreprises. Ces efforts, qui constituent un élément clé de la stratégie continue du gouvernement en matière de RSE, permettraient de veiller à ce que les normes de RSE soient respectées par toutes les sociétés minières, et pas seulement par celles du Canada.

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