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La Cour suprême du Canada clarifie l’obligation contractuelle d’exécution honnête

Le 18 décembre 2020, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement dans l’affaire C.M. Callow Inc. c. Zollinger[1]. Cet arrêt contient d’importantes recommandations sur l’obligation des parties à un contrat de se conduire de bonne foi dans l’exécution et la résiliation de leur contrat.

Ce qu’il faut savoir

Dans l’arrêt Callow, la Cour suprême du Canada a statué comme suit :

  1. Les parties à un contrat ont l’obligation d’exécuter leurs obligations contractuelles de manière honnête, comme la Cour l’a reconnu pour la première fois dans l’arrêt Bhasin c. Hrynew[2]. Cette obligation « s’applique à l’exécution de tous les contrats et, par extension, à toutes les obligations et à tous les droits contractuels »[3]. En outre, les parties « n’ont pas la faculté [...] [d’]exclure » cette obligation complètement, même si elles ont « convenu d’une condition qui prévoit un droit apparemment absolu de résilier le contrat pour raison de commodité »[4].
  2. L’obligation d’exécution honnête signifie que « les parties ne doivent pas se mentir ni autrement s’induire intentionnellement en erreur au sujet de questions directement liées à l’exécution du contrat »[5]. Cela interdit non seulement les mensonges manifestes, mais aussi « des demi-vérités, des omissions et même du silence, selon les circonstances »,[6] sur « l’exercice d’un droit en particulier prévu dans un contrat en particulier »[7].
  3. En l’espèce, les défendeurs ont violé le devoir d’honnêteté dans l’exercice de leur droit de résiliation sans motif, car i) ils ont amené le demandeur à inférer raisonnablement que le contrat en cause ne serait pas résilié prématurément, en communiquant activement que le contrat serait renouvelé à son expiration, ii) ils savaient que le demandeur agissait en croyant à tort que le contrat ne serait pas résilié prématurément, et iii) ils ont délibérément omis de « corriger la méprise »[8].
  4. Vu le manquement des défendeurs à l’obligation d’honnêteté en matière d’exécution contractuelle, le demandeur a droit à des « dommages-intérêts fondés sur l’attente », c’est-à-dire à des dommages-intérêts qui placent le demandeur « dans la situation où [il] se serait [trouvé] s’il avait été satisfait à l’obligation »[9]. En l’espèce, « le mode d’exécution le moins onéreux [...] aurait consisté à corriger la méprise dès que [le défendeur] a su que [le demandeur] avait tiré une déduction erronée. [S’il] l’avait fait, [le demandeur] aurait eu l’occasion de conclure un autre contrat »[10]. Par conséquent, le demandeur a obtenu des dommages-intérêts représentant : i) les profits qu’il aurait pu réaliser sur d’autres contrats, s’il n’avait pas renoncé à présenter des soumissions en vue de les obtenir, en se fondant sur sa croyance erronée que le contrat existant avec les défendeurs ne serait pas résilié, ii) les dépenses qu’il a engagées en raison de sa croyance erronée que le contrat existant resterait en vigueur[11].

Principaux points à retenir

Voici les trois principaux points que nous retenons de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Callow :

  • Le strict respect d’une clause de résiliation contractuelle ne suffit pas pour se dégager d’une responsabilité. Dans Callow, personne ne conteste que les défendeurs avaient donné au demandeur le préavis de 10 jours requis en vertu de la clause de résiliation du contrat. Toutefois, la responsabilité des défendeurs est engagée parce qu’ils ont agi de manière malhonnête dans l’exercice de leur droit de résilier le contrat : ils savaient que le demandeur avait été induit en erreur par leurs propres gestes et avaient délibérément choisi de ne pas corriger la croyance erronée.
  • Dans les litiges concernant l’obligation d’exécution honnête d’un contrat, les faits sont importants. Dans Callow, la Cour a souligné que la question de savoir si une partie à un contrat a « sciemment induit [une autre partie] en erreur » est déterminée « selon les circonstances ». Un élément de preuve important dans Callow était un courriel entre deux membres du conseil d’administration des défendeurs, qui confirmait que i) les défendeurs savaient que le demandeur croyait à tort que le contrat ne serait pas résilié, même s’ils avaient déjà décidé de le résilier, et que ii) les défendeurs ont pris la décision délibérée de ne pas corriger la croyance erronée du demandeur. La Cour a également statué que la conclusion de la juge de première instance quant à la question de savoir s’il y avait eu malhonnêteté est susceptible de révision en appel seulement en cas d’« erreur manifeste et déterminante ».
  • Le bijuridisme est une considération importante dans les pourvois en droit privé. Dans Callow, les juges majoritaires ont invoqué le droit civil québécois, plus particulièrement sur la doctrine de l’abus de droit, pour comprendre la portée de l’obligation d’exécution honnête d’un contrat en common law. Cela témoigne de l’importance de l’analyse comparative dans les pourvois en droit privé, surtout devant la Cour suprême du Canada.

McCarthy Tétrault peut vous aider. Notre Groupe national d’appel a représenté avec succès les appelants dans les affaires Bhasin et Callow devant la Cour suprême du Canada. Si vous avez des questions sur la décision Callow, la bonne foi ou notre pratique du litige en appel, communiquez avec Brandon Kain ou Adam Goldenberg.

Brandon Kain est un associé au sein du groupe de litige de McCarthy Tétrault et cofondateur du Groupe national d’appel du cabinet. Adam Goldenberg est sociétaire au sein du groupe de litige de McCarthy Tétrault et membre du Groupe national d’appel du cabinet. Ils ont tous deux représenté C.M. Callow Inc. avec succès lors de son appel devant la Cour suprême du Canada. Me Kain a représenté avec succès Harish Bhasin lors de son appel devant la Cour suprême du Canada.

[1]C.M. Callow Inc. c. Zollinger, 2020 CSC 45 [Callow].

[2]Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71 [Bhasin].

[3]Callow, au par. 53.

[4]Callow, au par. 84, citant Bhasin, au par. 75.

[5]Callow, au par. 3, citant Bhasin, au par. 73.

[6]Callow, au par. 91 (je souligne).

[7]Callow, au par. 68.

[8]Callow, au par. 99.

[9]Callow, aux par. 107-109.

[10]Callow, au par. 114.

[11]Callow, aux par. 116-119.

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