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Un litige portant sur des produits d’écran solaire rappelle aux demandeurs de recours collectifs éventuels qu’ils doivent déployer des efforts en vue de satisfaire aux exigences de certification

Lorsqu’une société est nommée à titre de défenderesse dans le cadre d’un recours collectif, l’affaire doit absolument être prise au sérieux dès le départ et être défendue avec vigueur à chaque étape. Dans le même ordre d’idée, l’avocat responsable d’un recours collectif éventuel doit se démener afin de veiller à ce que l’affaire satisfasse aux exigences législatives et procédurables relatives à la certification de l’instance à titre de recours collectif. Le fait de ne pas déployer tous les efforts nécessaires pourrait entraîner d’importantes conséquences en ce qui a trait aux coûts.

Ces principes ont été soulignés dans une décision rendue récemment par le juge Strathy de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Singer v. Schering-Plough Canada Inc. (disponible en anglais seulement). Dans le cadre de cette affaire, le juge a rejeté deux requêtes en vue de faire certifier le recours collectif visant des produits d’écran solaire fabriqués par Schering-Plough Canada Inc. et Playtex Limited sous les noms de marque Coppertone® et Banana Boat®. Le représentant proposé des demandeurs, M. Brian Singer, demandait 20 millions de dollars en dommages-intérêts. Il a fait valoir que Schering-Plough et Playtex avaient fait de fausses déclarations quant à l’efficacité de leurs produits d’écran solaire, notamment, en affirmant que leurs produits contenaient une « protection UVA/UVB » et induisait prétendument en erreur les consommateurs en leur faisant croire que les produits fournissaient une protection égale contre les rayons UVA et UVB.

En rejetant les requêtes, le juge Strathy a conclu que le demandeur ne satisfaisait à aucune des cinq exigences aux fins de certification prévues à l’article 5 de la Loi de 1992 sur les recours collectifs. Le demandeur a plaidé des causes d’action dont il ne pouvait se prévaloir et a plaidé de façon inappropriée des causes d’action ne pouvant faire l’objet d’une certification à titre de recours collectif. Il n’y avait aucune preuve qu’il existait un groupe identifiable partageant l’intérêt exprimé par le demandeur dans une affaire qui, selon le juge Strathy, [Traduction] « semble avoir été conçue par des avocats ». De plus, le lien entre les questions communes et les causes d’action plaidées n’était pas suffisant et il n’y avait aucune preuve ni aucun fondement en fait pour appuyer les questions communes proposées. En l’espèce, un recours collectif ne constituait pas la procédure préférable étant donné qu’il ne serait pas gérable et efficace, qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve à l’appui d’une plainte réelle (et dans tous les cas, une action pouvait être instituée devant la Cour des petites créances ou à titre de cause type) et qu’il existait un régime réglementaire et législatif approprié permettant de présenter les plaintes. Le juge Strathy a également conclu que le représentant proposé par les demandeurs n’était pas apte à jouer ce rôle dans le cadre de la présente affaire.

Le juge Strathy a notamment critiqué l’insuffisance évidente des recherches effectuées par le demandeur en ce qui a trait au régime réglementaire canadien ainsi que le manque d’efforts investis par le demandeur et a affirmé ce qui suit :

[Traduction] Je dois dire que la déclaration dans la présente action semble avoir été tirée d’une plaidoirie américaine sans avoir fait l’objet d’une recherche adéquate du régime de réglementation canadien… Ces circonstances m’amènent à me demander si des efforts suffisants ont été fournis et si une recherche adéquate a été réalisée afin de préparer ces deux actions qui visent à représenter des millions de consommateurs.

Le juge Strathy a conclu ses motifs de la façon suivante :

[Traduction] La certification de ces actions ne répondrait à aucun des objectifs de la [Loi sur les recours collectifs] et elle ne donnerait pas accès à la justice car il n’y a pas de groupe de personnes ayant subi des dommages et cherchant à obtenir une réparation. Loin de favoriser des économies de coûts judiciaires, cela ferait en sorte que la Cour serait aux prises avec deux importants recours collectifs improvisés à partir d’éléments de preuve et de fondements juridiques insuffisants. Cela ne modifierait pas le comportement étant donné qu’il existe un système de réglementation sophistiqué appuyé par des preuves scientifiques servant à cette fin. À mon avis, le public sera, à juste titre, désabusé et l’administration de la justice sera discréditée si le processus de recours collectif est utilisé afin d’engager des poursuites relatives à des infractions théoriques et peu importantes, entraînant ainsi des litiges de grande importance et extrêmement coûteux, et n’offrant aucune réparation pour les préjudices réels subis par de réelles personnes.

Remarques de McCarthy Tétrault

À la suite du rejet des requêtes pour certifier le recours collectif, le juge Strathy a ordonné au demandeur de payer des dépens de 200 000 $ à Schering-Plough et à Playtex. Le juge Strathy a confirmé le principe selon lequel les « frais suivent l’issue de l’instance ». La présente décision devrait rappeler aux demandeurs éventuels et à leurs avocats que le fait de présenter une réclamation mal fondée peut comporter d’importants coûts. Le juge Strathy a indiqué [Traduction] « que ne pas tenir les parties responsables des frais du litige ne fera qu’encourager les réclamations spéculatives et non valables en droit ».

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