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Transformer votre entreprise en société ouverte — Partie I

Au cours des quatre derniers mois, le marché nord-américain des premiers appels publics à l’épargne (PAPE) dans le secteur des technologies a montré certains signes de relance. Compte tenu de l’anticipation de cette reprise, cet article et les suivants s’intéresseront particulièrement au fonctionnement juridique des PAPE, ainsi qu’à certains autres aspects légaux de l’exploitation d’une société après l’inscription de ses actions en Bourse.

Bien que l’accent soit principalement placé sur les entreprises d’affaires, une grande partie de cette analyse s’applique également à tout type d’entreprise qui veut se transformer en société ouverte. Avant d’approfondir les aspects juridiques, il convient de s’attarder sur quelques réflexions concernant la décision capitale que prennent les actionnaires majoritaires de transformer leur société en société ouverte.

Pourquoi s’inscrire en Bourse?

Lorsqu’une société s’inscrit à la Bourse au moyen d’un PAPE, elle se trouve à vendre une partie de ses actions à des investisseurs particuliers et institutionnels, ces actions se retrouvant invariablement inscrites dans une Bourse publique, leur cours monte ou descend en fonction d’un éventail de facteurs liés tant au rendement financier de la société qu’à la conjoncture des marchés financiers (et de l’ensemble de l’économie). Pour s’inscrire en Bourse, la société doit suivre un processus rigoureux de divulgation de l’information axé sur la préparation d’un prospectus détaillé. Une fois transformée en société ouverte, la société doit respecter un ensemble de règles portant sur une déclaration ponctuelle d’information juridique et financière. Pourquoi un propriétaire d’entreprise chercherait-t-il à franchir toutes ces étapes?

Eh bien, bon nombre ne le font pas! En effet, notamment dans le secteur canadien de la technologie, un grand nombre de propriétaires et de gestionnaires de sociétés d’affaires décident, après avoir évalué les coûts et avantages d’une transformation en société ouverte, de ne pas faire le saut. Aux États-Unis par exemple, il existe d’importantes sociétés de technologie fermées, comme SAS.

De plus, les propriétaires de sociétés fermées cherchant à réunir des fonds (c’est-à-dire, qui souhaitent transformer en liquidité les actions qu’ils détiennent dans leur société fermée) peuvent toujours vendre la totalité de la société à un acheteur intéressé plutôt que d’en vendre une partie à des investisseurs publics. Et c’est d’ailleurs ainsi que procèdent la plupart du temps les actionnaires des sociétés de technologie canadiennes fermées qui désirent obtenir des fonds. Ces actionnaires procèdent donc habituellement en vendant leur société à des sociétés de technologie ouvertes étrangères de plus grande envergure, comme IBM (heureusement, des sociétés canadiennes comme Constellation Software et Aastra Technologies sont maintenant aussi des acquéreurs). Il n’y a en fait aucune honte à procéder ainsi, surtout que l’entrepreneur fondateur de la société vendue et souvent plusieurs membres de la haute direction seront amenés à réinvestir une grande partie du produit de la vente dans de nouvelles entreprises (c’est ainsi que le cycle vertueux de la création, de l’expansion, de la croissance et de la vente de sociétés recommencera).

Accès au capital de croissance

Quoi qu’il en soit, plusieurs entrepreneurs canadiens ne souhaitent pas vendre leur société mais cherchent plutôt à continuer à les développer et à en favoriser l’expansion. Ils désirent encourager la croissance de leur société, soit en engageant du personnel supplémentaire pour favoriser le développement ou la vente de nouveaux produits et services, soit en acquérant d’autres sociétés dont les produits sont complémentaires ou connexes à leur société actuelle (dans le secteur des technologies, par exemple, les modèles Constellation et Aastra Technologies).

Pour qu’une société d’affaires augmente sa production ou acquière un concurrent, elle doit disposer d’importants fonds d’investissement. C’est possiblement là que réside le principal motif pour lequel une société s’inscrit en Bourse : elle désire accroître son accès aux capitaux. Dans un sondage effectué en 2007 auprès de chefs de la direction et de chefs des finances de sociétés américaines (du secteur de la technologie et d’autres secteurs) qui s’étaient récemment inscrites en Bourse, plus des deux-tiers (69 %) ont affirmé que l’accès aux capitaux était le principal motif de leur PAPE (supposément les taux étaient plus avantageux de cette manière).

Frapper votre propre monnaie

Dans ce sondage, 15 % des répondants ont également indiqué que la principale raison de leur inscription en Bourse était de pouvoir utiliser les actions émises comme « monnaie » pour effectuer des acquisitions. Cela signifie qu’en tant que société ouverte, vous pouvez acheter d’autres sociétés non seulement au comptant, mais également en échangeant des actions de votre société contre des actions de la société que vous tenter d’acquérir (il est aussi possible d’utiliser à la fois des actions et des liquidités pour effectuer de telles acquisitions).

Par conséquent, si vous regroupez ces deux catégories de répondants, 84 % des sociétés qui se s’étaient récemment inscrites en Bourse en 2007 au États-Unis, l’ont fait pour des raisons financières et dans un souci d’expansion de leurs affaires. La même dynamique devrait être valable au Canada (et actuellement peut-être même davantage si l’on se fie à la récente crise du crédit qui a eu pour effet de limiter l’accès au capitaux).

Un « jour de paye » retardé

Il y a plusieurs autres bonnes raisons pour lesquelles les sociétés s’inscrivent à la Bourse. Le sondage mentionné plus haut a permis de constater que 31 % des hauts dirigeants avaient pris cette décision afin de s’assurer qu’ils pourraient, avec d’autres dirigeants détenant des actions et des actionnaires principaux, réaliser un profit en vendant une partie (mais non la totalité) de leurs actions au moment ou peu de temps après le PAPE.

Il n’y a là rien d’étonnant si on considère que la plus grande partie de la valeur nette du fondateur d’une société peut se trouver dans les actions de sa société. Comme la société est fermée, il n’y a aucun marché immédiat pour ses actions. Tel qu’indiqué plus haut, ce fondateur pourrait vendre immédiatement toute la société. Par contre, il est possible que celui-ci estime que sa société est injustement sous-évaluée compte tenu de sa création récente et/ou de son potentiel non réalisé. Dans ce cas, il serait bien avisé de sa part de ne pas vendre toutes ses actions à un stade aussi précoce.

C’est à ce moment qu’un PAPE pourrait se révéler le choix à faire. Au moment du PAPE, le fondateur vendrait seulement quelques actions ou n’en vendrait aucune, attendant plutôt qu’une demande se crée véritablement pour les actions de la société nouvellement ouverte. On peut présumer que l’évaluation de la société augmente à mesure que se réalise le véritable potentiel de celle-ci. Puis, de temps à autre, le fondateur peut vendre une partie de ses actions tout en ne ménageant aucun effort pour accroître la valeur de ses actions restantes. (Il est à noter que le propriétaire peut être sujet à des restrictions de vente de ses actions de la part de ses banquiers ou de certains régulateurs de marché qui voudront l’encourager à matérialiser le potentiel et la valeur de sa société ouverte.)

Dans le même ordre d’idées, d’autres employés de la société ouverte pourront commencer à liquider une partie de leurs actions dans la société une fois celle-ci inscrite en Bourse et lorsqu’il existera un marché liquide pour les actions. De même, dans l’hypothèse où elle dispose d’un plan de rémunération où d’un régime de retraite permettant aux employés d’acquérir, à des conditions avantageuses, des actions de la société ouverte, elle pourra plus facilement recruter du personnel.

Des sociétés ouvertes prestigieuses

La publicité et le prestige sont perçus comme des motifs très importants pour transformer une société fermée en une société ouverte. L’idée selon laquelle les gens préfèrent travailler pour une société de technologie ouverte de grande réputation plutôt que pour une société fermée relativement petite est très répandue. Dans le sondage mentionné plus haut, seulement 9 % des répondants ont indiqué la publicité et le prestige comme des principales motivations pour leur transformation en société ouverte. C’est un point de vue intéressant (s’il est effectivement exact) qui nous indique que bien peu de fondateurs et d’autres actionnaires sont motivés principalement par l’opinion du public lorsque vient le temps de prendre la décision très importante de procéder ou non à un PAPE. Il semble plutôt que ce soit le désir pressant d’asseoir leurs sociétés par l’expansion qui soit le principal motif de transformation des entreprises de technologie (et autres) en société ouverte.

Puisque vous êtes maintenant prêts à procéder à un PAPE (pour les bonnes raisons), nous entreprendrons, dans le prochain numéro du trimestriel du droit de la technologie, l’examen du processus juridique de transformation en société ouverte.