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Réaction à la « surprise d’Halloween » : conversion des fiducies de revenu en sociétés par actions par voie de plans d’arrangement

Dans la soirée du 31 octobre 2006, la « surprise d’Halloween » du gouvernement fédéral a mis fin au traitement fiscal favorable dont bénéficiaient les fiducies de revenu. Les nouvelles règles fiscales prendront effet en 2011; bon nombre de fiducies de revenu procèdent actuellement à leur conversion en sociétés par actions avant la date limite.

Un grand nombre de ces conversions ont été effectuées par voie de plans d’arrangement en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) ou de la législation provinciale équivalente. Les dispositions relatives aux arrangements offrant une certaine souplesse, elles conviennent particulièrement aux conversions, des opérations qui sont souvent extrêmement complexes.

Cette façon de procéder n’a toutefois pas fait l’unanimité : pouvait-on vraiment utiliser une loi applicable aux sociétés par actions pour modifier fondamentalement le statut d’une fiducie?

Le doute est maintenant dissipé. Dans l’affaire Re Acadian Timber Income Fund, 2009 CanLII 72057, Madame la juge Sarah Pepall de la Cour supérieure de justice de l’Ontario (rôle commercial) a abordé la question de savoir si l’article 192 de la LCSA (la « disposition en matière de plan d’arrangement ») pouvait être utilisé en vue d’un échange de titres visant une fiducie de revenu. Elle a clairement répondu par l’affirmative.

Madame la juge Pepall a indiqué que le mot « arrangement » dans l’article 192 « doit être interprété dans son sens le plus large, limité seulement par les propres règlements administratifs de la société ou la législation d’application générale » et que « le but d’un arrangement est d’offrir un mécanisme flexible pouvant être adapté aux besoins d’un cas particulier ». Elle a cité son ancien collègue, M. le juge James Farley (que nous avons l’honneur de compter parmi nos collègues au cabinet depuis sa retraite de la magistrature). M. le juge Farley a écrit dans l’affaire Re Fairmont Hotels & Resorts, 2006 CanLII 57092 : « Il serait erroné d’oublier que la flexibilité même des dispositions en matière d’arrangement visait à permettre la résolution de situations difficiles et problématiques ».

Constatant que tous les demandeurs étaient des sociétés par actions régies par la LCSA, Madame la juge Pepall a conclu que tous les demandeurs pouvaient se prévaloir des dispositions en matière d’arrangement. « Il me semble que le problème actuel des fiducies de revenu est de la nature de la situation exceptionnelle visée par la déclaration dans l’affaire Fairmont. En supposant que les dispositions de l’acte de fiducie ont été respectées (un fait qui devrait être examiné lors de l’audition d’approbation), personne ne subit un préjudice apparent. »

La décision de Madame la juge Pepall est, comme elle l’a fait remarquer, compatible avec une pratique bien établie qui consiste à utiliser les dispositions en matière d’arrangement pour la conversion de fiducies de revenu, les tribunaux d’au moins quatre provinces (Colombie-Britannique, Alberta, Ontario et Québec) ayant fait droit à ces arrangements. Bien peu de tribunaux ont toutefois examiné expressément le bien-fondé de la pratique comme dans l’affaire Acadian Timber. Il s’agit donc d’un sceau d’approbation judiciaire fort apprécié des praticiens.

Remarques de McCarthy Tétrault 

La pratique qui consiste à utiliser les dispositions en matière de plan d’arrangement pour la conversion de fiducies de revenu en sociétés par actions — largement suivie, mais jusqu’à maintenant rarement commentée dans la jurisprudence — est désormais pleinement reconnue par les tribunaux. Il ne subsiste plus aucun doute quant au bien-fondé de la pratique, la seule restriction étant qu’au moins un des demandeurs dans la procédure soit une société par actions constituée sous le régime de la loi en question. Compte tenu de la souplesse de la procédure d’arrangement, et du fait qu’elle convienne si bien à ce genre de conversion complexe, nous accueillons avec soulagement ce développement.

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