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Principales nouveautés en matière de sanctions économiques et de contrôle des exportations au Canada en 2012

En ce début de nouvelle année, il est opportun de passer en revue et d’examiner les programmes et procédures de conformité internes pour s’assurer qu’ils sont bien à jour et abordent convenablement les risques importants découlant des lois et politiques en matière de sanctions économiques et de contrôle des exportations. À cet égard, 2012 a été une autre année marquée par de nombreuses nouveautés sur le plan juridique. Les changements les plus importants visaient des modifications apportées à la Liste des marchandises d’exportation contrôlée, d’autres de mesures de libéralisation du contrôle des exportation en matière de sécurité de l’information et de transfert de technologie, des changements visant les contrôles de marchandises et technologies nucléaires, des mesures imposant des sanctions additionnelles contre la Syrie et l’Iran, et l’allégement des sanctions contre la Birmanie.

1. Modifications apportées à la Liste des marchandises d’exportation contrôlée

Bien qu’elles n’aient été officiellement publiées qu’en janvier 2012, la Direction des contrôles à l’exportation d’Affaires étrangères et Commerce international Canada (DCE) a annoncé, le 19 décembre 2011, un certain nombre de modifications à la Liste des marchandises d’exportation contrôlée (LMEC) qui était déjà entrée en vigueur le 16 décembre 2011. Cela a causé bien des inquiétudes à divers exportateurs. La liste la plus récente des biens et de la technologie contrôlés figure actuellement dans un nouveau Guide des contrôles à l’exportation du Canada (2010)1. Par conséquent, Le Guide des contrôles à l’exportation du Canada (2007) n’est plus en vigueur. Ces modifications ont été apportées pour mettre à jour les contrôles du Canada conformément à ses engagements datant de 2010 en vertu de divers régimes multilatéraux de contrôle des exportations, y compris l’Accord de Wassenaar sur les contrôles à l’exportation des armes conventionnelles et des produits et technologies à double usage (accord de Wassenaar).

Ces modifications à la LMEC comprennent l’ajout de diverses marchandises et technologies qui exigent désormais une licence d’exportation pour leur transfert depuis le Canada. Les modifications comprennent également la suppression du contrôle de divers articles ainsi que des précisions apportées à l’égard d’articles actuellement contrôlés. Les marchandises et technologies qui sont touchées par ces modifications comprennent des articles du Groupe 1 (articles à double usage), du Groupe 2 (liste de matériel de guerre), du Groupe 5 (marchandises et technologies diverses), du Groupe 6 (technologie des missiles) et du Groupe 7 (armes chimiques et biologiques) de la LMEC2.

Étant donné les inquiétudes soulevées au moment de la publication et de l’entrée en vigueur de ces modifications, la DCE a indiqué que le prochain ensemble de modifications (pour mettre la LMEC à jour avec les dernières modifications en vertu de l’accord de Wassenaar) n’entreront en vigueur que 30 jours après leur annonce. Il est actuellement prévu que cela devrait survenir à un moment donné au début de 2013.

2. Une certaine libéralisation du contrôle des exportations de chiffrement et de transfert de technologie

Parmi les modifications susmentionnées à la LMEC se trouvait la mise en œuvre longtemps attendue de la note sur la suppression des mesures de contrôle de la « cryptologie accessoire ». La note 4 du Groupe 1 de la catégorie 5 – partie 2 de la LMEC : « Sécurité de l’information » prévoit la suppression du contrôle à l’exportation des articles de cryptologie dont la fonction première ou ensemble de fonctions ne sont pas ce qui suit ou ne sont pas destinés à ce qui suit : sécurité de l’information, ordinateurs (y compris les systèmes d’exploitation, les pièces et les composantes), envoi, réception et stockage d’informations ou réseautage. De plus, la fonctionnalité cryptographique de l’article doit être limitée au soutien de sa fonction première ou de son ensemble de fonctions et, en cas de nécessité, les détails de l’article doivent être accessibles et fournis sur demande afin de certifier la conformité aux conditions décrites dans la note relative à la suppression des contrôles à l’exportation.

Le 31 juillet 2012, la Licence générale d’exportation no 45 – Cryptographie pour le développement ou la production d’un produit (LGE 45) a été délivrée. Cette nouvelle LGE permet l’exportation d’articles de cryptographie contrôlés, sous réserve de certaines exceptions, aux fins du développement ou de la production d’un produit sans avoir à demander une licence d’exportation individuelle. Le transfert peut être fait i) à une entité non affilée à un gouvernement située dans n’importe quel des 29 pays désignés ou ii) à une entité non affiliée à un gouvernement située dans n’importe quel pays (autre qu’un pays sanctionné ou un pays figurant dans la Liste des pays visés (LPV)) pour autant que l’entité soit contrôlée par un résident du Canada ou par une entité non affiliée à un gouvernement située dans l’un des 29 pays désignés. L’exportateur doit aviser la DCE avant le premier transfert au cours de chaque année civile et ensuite faire rapport sur les transferts effectués au cours de l’année civile précédente avant le 31 janvier. Les exportateurs doivent répondre aux demandes d’information de la DCE dans un délai de 15 jours. Dans le cas des exportations matérielles, les termes « LGE 45 » doivent être indiqués dans le rapport d’exportation déposé auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)3.

La DCE a proposé une autre licence générale d’exportation – LGE no 46 – qui permettra le transfert de produits finis renfermant des articles de cryptographie contrôlée à des membres du même groupe. Cela permettrait les transferts à des consignataires qui sont une « société affiliée » de la société exportatrice ou cédante et qui ont une société mère dont le siège social se trouve au Canada, aux États-Unis ou dans l’un des 29 pays désignés. Elle comporterait également des exigences semblables en matière d’avis et de présentation d’information à celles de la LGE 45. D’après la DCE, le tout devrait entrer en vigueur à un moment donné au début de 2013.

3. Modifications aux contrôles des exportations de produits nucléaires

Le 3 mai 2012, deux nouvelles LGE ont été délivrées à l’égard de marchandises et technologies dans le secteur nucléaire permettant le transfert de ces articles sans d’abord obtenir une licence d’exportation individuelle pour autant que certaines conditions soient respectées. Ces deux nouvelles LGE remplacent la LGE no 27 – Marchandises à double usage dans le secteur nucléaire.

La LGE no 43 – Marchandises et technologies nucléaires exportées vers certaines destinations s’applique à l’exportation des marchandises et technologies admissibles dont il est fait mention dans la LMEC. La LGE no 44 – Marchandises et technologies à double usage dans le secteur nucléaire exportées vers certaines destinations s’applique à l’exportation de marchandises et technologies admissibles du Groupe 4 de la LMEC. Certains articles des Groupes 3 et 4 ne sont pas admissibles à ces LGE4.

Ces LGE ne peuvent être utilisées que pour faire des transferts vers l’un de 29 pays admissibles et comportent certaines exigences en matière d’avis et de conservation de dossiers. Bien qu’ils soient vantés comme une libéralisation des contrôles dans le secteur nucléaire, certains ont déjà remarqué que, selon le produit et la destination, ces changements donnent lieu à des contrôles plus restrictifs.

4. Mesures de sanctions additionnelles contre la Syrie

À compter du 5 mars 2012, le Canada a durci ses sanctions économiques contre la Syrie en imposant une interdiction de services financiers. Il est interdit à toute personne au Canada ou à tout Canadien à l’étranger de fournir des services financiers ou des services connexes à la Syrie ou à toute personne qui s’y trouve, pour leur profit ou en exécution d’une directive ou d’un ordre qu’elles ont donné, ou d’acquérir de tels services auprès de celles-ci. L’interdiction comporte certaines dispenses, notamment :

  1. le remboursement à toute personne au Canada ou à tout Canadien à l’étranger d’emprunts contractés avant le 5 mars 2012, la réalisation des sûretés relatives à de tels emprunts ou les paiements effectués par leurs garants;
  2. les services financiers qui doivent être fournis ou acquis en vertu d’un contrat conclu avant le 5 mars 2012;
  3. les services financiers relatifs à l’envoi d’argent de nature non commerciale de 40 000 $ ou moins à la Syrie ou à toute personne qui s’y trouve ou en provenance de la Syrie ou de toute personne qui s’y trouve, pourvu que la personne qui fournit les services financiers tienne un dossier sur la transaction.

Le 18 mai 2012, le Canada a imposé l’interdiction d’exporter, de vendre, de fournir ou d’envoyer des articles de luxe à la Syrie ou à toute personne qui s’y trouve. Par articles de luxe on entend notamment des « articles tels que les bijoux, les pierres et métaux précieux, les montres, les cigarettes, les boissons alcoolisées, le parfum, les vêtements et accessoires griffés, les fourrures, les articles de sport, les aéronefs personnels, les aliments et produits entrant dans la composition de mets fins, le homard, les ordinateurs, les téléviseurs et autres appareils électroniques ».

Les sanctions ont été une nouvelle fois durcies le 6 juillet 2012 avec l’imposition de l’interdiction d’exporter, de vendre, de fournir ou d’envoyer à la Syrie des articles qui pourraient servir à la répression du peuple syrien ou à la fabrication d’armes chimiques et biologiques.

De plus, pendant toute l’année, des douzaines de sociétés, d’organismes gouvernementaux et de particuliers ont été inscrits à titre de « personnes désignées » aux termes des mesures des sanctions canadiennes contre la Syrie. Il est interdit aux sociétés et particuliers canadiens d’effectuer une vaste gamme d’opérations avec des personnes désignées conformément au régime de sanctions du Canada. Les Canadiens font aussi l’objet d’obligations d’information à l'égard des biens qui sont en la possession ou sous le contrôle de personnes désignées et d’opérations réelles ou projetées mettant en cause de tels biens.

Les institutions financières, y compris les banques sous réglementation fédérale ainsi que les courtiers en valeurs et sociétés de fiducie et de prêt provinciaux, sont tenues de surveiller et de vérifier de façon continue l’existence de biens qui sont en leur possession ou sous leur contrôle et qui appartiennent à toute personne désignée ou sont contrôlés par elle ou en son nom.

5. Mesures de sanctions additionnelles contre l’Iran

D’importants changements ont aussi été apportés aux sanctions canadiennes contre l’Iran en 2012. Le 31 janvier, trois personnes et cinq sociétés ont été ajoutées à la liste des personnes désignées. Le 11 décembre, une personne et 98 sociétés supplémentaires ont été ajoutées à la liste.

À compter du 11 décembre, de nouvelles mesures ont été mises en œuvre pour interdire de fournir divers articles à l’Iran, ainsi que des services financiers et données techniques s’y rattachant, notamment :

  1. de l’équipement ou des machines conçus pour la construction, l’entretien ou le radoub des navires;
  2. des navires conçus pour le transport ou l’entreposage d’hydrocarbures, de produits pétroliers ou de produits pétrochimiques;
  3. des marchandises destinées au forage, au relevé et à l’exploration des ressources minérales et équipement spécialisé utilisé dans l’industrie minière;
  4. des marchandises utilisées dans la prestation de services de radiodiffusion et de télécommunications et de services par satellite à l’Iran ou à toute entité agissant au nom ou sur les instructions du pays;
  5. des devises totalisant 40 000 $ CA ou plus en valeur.

Il y a aussi de nouvelles interdictions contre l’importation du gaz naturel, du pétrole, ainsi que des produits pétroliers et pétrochimiques de l’Iran, la fourniture de services de commercialisation, de services financiers ou de tout autre service connexe touchant certaines marchandises interdites, la fourniture de services d’immatriculation ou de classification à des navires pétroliers ou à des navires de charge iraniens, et la fourniture d’assurance ou de réassurance à l’Iran ou à toute entité qui s’y trouve.

Il est intéressant de souligner que les modifications du 11 décembre comportaient également deux nouvelles exceptions à l’interdiction existante de fournir des services financiers à l’Iran. La première de ces exceptions permet la fourniture de services financiers à l’égard de virements de 40 000 $ CA ou moins entre les membres d’une même famille au Canada et en Iran. (Cela s’ajoute à l’exception existante pour l’envoi d’argent de nature non commerciale de moins de 40 000 $ CA à l’Iran ou en provenance de l’Iran.) La seconde exception vise les services financiers dont une personne a besoin en Iran pour obtenir des services juridiques relativement à l’application de mesures de sanctions.

6. Suspension des sanctions contre la Birmanie, mais prudence de mise

Le 24 avril 2012, la plupart des sanctions économiques du Canada contre la Birmanie ont été abolies. Adoptés en 2007 et vantés comme étant parmi les plus énergiques au monde, les contrôles à l’exportation et sanctions du Canada interdisaient la plupart des activités avec la Birmanie, notamment les investissements, les exportations et les importations, la fourniture de services financiers et les données techniques, le passage de navires et d’aéronefs et les opérations avec des personnes désignées. L’abolition de ces sanctions se traduira par de nouvelles occasions en matière de commerce et d’investissement pour les entreprises canadiennes, mais ces dernières devraient se montrer prudentes puisque certaines restrictions importantes demeurent en vigueur.

La Birmanie était de plus inscrite à la LPVdu Canada depuis 1997. Grâce à ces changements, la Birmanie a maintenant été retirée de la LPV de sorte que les exportations et transferts de marchandises ou de technologies depuis le Canada vers la Birmanie ne sont plus interdits.

Certaines sanctions importantes demeurent en vigueur. Il est interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger de faire des opérations avec des personnes désignées figurant dans la liste du règlement. La liste des personnes désignées comprend actuellement 44 sociétés et 38 particuliers.

De plus, il y a un embargo sur le commerce des armes avec la Birmanie. Il est interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger d’effectuer toute opération, notamment la fourniture ou le transport, portant sur des armes ou du matériel connexe qui sont destinés à la Birmanie ou à une personne qui s’y trouve. Ces interdictions s’appliquent également à la fourniture des services financiers liés à des activités militaires ou à des opérations portant sur des armes et du matériel connexe.

7. Destinations « sensibles » à l’heure actuelle selon le Canada

L’utilisation et la mise en œuvre croissantes de sanctions économiques par le Canada et ses partenaires commerciaux, y compris les États-Unis et l’Union européenne, augmentent considérablement l’exposition à des risques financiers, opérationnels et d’atteinte à la réputation. Toute entreprise faisant affaire à l’échelle internationale se doit d’avoir adopté des mesures détaillées de contrôle interne pour se conformer aux contrôles à l’exportation et aux sanctions économiques.

En plus de la Syrie, de l’Iran et de la Birmanie dont il est question ci-dessus, le Canada impose des mesures de contrôle du commerce à divers degrés portant sur les activités visant les pays suivants (et dans bien des cas, les personnes et entités qui y sont associées) : le Belarus, la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo, Cuba, l’Égypte, l’Érythrée, la Guinée-Bissau, l’Iraq, le Liban, le Libéria, la Libye, la Corée du Nord, le Pakistan, la Sierra Leone, la Somalie, le Soudan, la Tunisie et le Zimbabwe. Toute participation de ces pays ou d’une « personne désignée » à des opérations ou à d’autres activités envisagées devrait déclencher un signal d’alerte indiquant qu’il y a lieu d’enquêter davantage pour veiller à la conformité avec les sanctions économiques.

Le groupe du droit du commerce et de l’investissement international de McCarthy Tétrault dispose d’une vaste expérience de la gestion des mesures de sanctions économiques et de contrôles à l’exportation et peut donner des conseils au sujet des questions de planification stratégique, d’application de la loi et de conformité qui s’y rapportent.

 


 

1 Voir le Guide des contrôles à l'exportation du Canada.2 Ces changements sont décrits plus en détail au http://www.international.gc.ca/controls-controles/about-a_propos/expor/guide.aspx?lang=fra&view=d.
3 Pour de plus amples renseignements, voir Avis aux exportateurs no 182 : Licence générale d'exportation – cryptographie pour le développement ou la production d’un produit (août 2012).
4 Pour de plus amples renseignements, voir Avis aux exportateurs n° 181 : Licences générales d’exportation visant les exportations de certaines marchandises et technologies nucléaires et de certaines marchandises et technologies à double usage dans le secteur nucléaire vers certaines destinations (mai 2012).

 

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