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Nouveaux développements en ce qui concerne les obligations relatives à la retenue d’impôt canadienne — De nouveaux formulaires marquent la fin de la « règle de l’adresse »

Plus tôt cette année, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a produit de nouveaux formulaires qui peuvent être utilisés par les personnes qui paient des montants à des non-résidents qui font l’objet de retenues d’impôt canadiennes. L’utilisation des formulaires n’est pas obligatoire et, si les récents changements ne consistaient qu’en la publication des formulaires, il y aurait peu à dire sur le sujet. Toutefois, l’ARC a aussi indiqué qu’à compter du 31 décembre 2011, les payeurs canadiens ne pourraient plus utiliser la « règle de l’adresse » au moment de déterminer leurs obligations quant aux retenues d’impôt, en plus d’annoncer la mise en place de nouvelles exigences en matière de diligence. Le présent document porte sur le régime de retenues d’impôt existant au Canada, les changements proposés et les difficultés auxquelles les payeurs canadiens feront face en se conformant à ces règles.

La Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (LIR) impose un impôt de 25 % sur certains paiements effectués par les résidents canadiens à des non-résidents, notamment le versement d’intérêts, de dividendes, de redevances et de loyers (désignés par « impôt de la partie XIII »). De plus, un non-résident qui vend des « biens canadiens imposables » est assujetti à l’impôt en vertu de la LIR sur tout revenu ou gain résultant de la disposition et peut être tenu d’obtenir un certificat de décharge de l’ARC en vertu de l’article 116 de la LIR (certificat 116) en payant un montant au titre de l'obligation fiscale d'un non-résident. Des modifications récentes apportées à la LIR ont restreint la portée des paiements assujettis à l’impôt de la partie XIII en excluant les intérêts versés à une personne sans lien de dépendance, lorsque les intérêts ne constituent pas des « intérêts sur des créances participatives ». Par ailleurs, la définition de « biens canadiens imposables » a elle aussi été restreinte afin d’exclure les actions d’une société privée canadienne, sauf si plus de 50 % de la juste valeur de marché des actions provenait, directement ou non, de biens immobiliers, d’avoir minier ou d’avoir forestier canadiens à quelque moment que ce soit au cours des 60 mois précédents.

Comme ces impôts visent des non-résidents, le Canada prévoit une obligation de retenue d’impôt. Dans l’éventualité où une personne paie un montant assujetti à l’impôt de la partie XIII, le payeur est tenu de retenir l’impôt et de le remettre au receveur général. Si un mandataire du non-résident reçoit un montant pour lequel un montant d’impôt de la partie XIII aurait dû être retenu et ne l’a pas été, le mandataire est responsable d’effectuer la retenue et le versement des sommes. Une personne qui n’a pas procédé à la retenue de l’impôt de la partie XIII comme il est prescrit est responsable de payer, en tant qu’impôt au titre du non-résident, le montant qui aurait dû être retenu (et peut ensuite le réclamer au non-résident). Une obligation de déclaration est imposée aux personnes qui paient des montants assujettis à l’impôt de la partie XIII. Dans le cas d’un bien canadien imposable, si un certificat 116 n’est pas délivré au moment prescrit, l’acquéreur des biens devient redevable d’une somme correspondant à 25 % du prix d’acquisition au titre de l’obligation fiscale du vendeur non résident (et peut ensuite le réclamer au vendeur) à moins que l’acheteur, après enquête sérieuse, n’ait eu aucune raison de croire que le vendeur n’était pas résident du Canada. Il est important de mentionner qu’une « défense de diligence raisonnable » reposant sur une enquête sérieuse est expressément prévue en ce qui concerne un certificat visé par l'article 116, mais non en ce qui a trait à l’impôt de la partie XIII. Dans le présent document, il est présumé qu’une défense reposant sur une enquête sérieuse n’est pas disponible pour ce qui est de l’impôt de la partie XIII, mais ce point n’a pas encore fait l'objet d'une décision définitive des tribunaux.

Des pénalités peuvent être imposées à un payeur si le montant n’est pas retenu tel que requis, et les intérêts sont payables à un taux prescrit à compter de la date à laquelle le montant aurait dû être retenu et jusqu’à la date de réception du paiement par le receveur général.

La LIR contient certaines « dispositions d’équité » en vertu desquelles le ministre du Revenu national peut décider de renoncer à une pénalité ou à des intérêts à payer, en tout ou en partie, mais non à un montant payable à titre d’impôt.

Les dispositions d’une convention fiscale bilatérale entre le Canada et un autre pays peuvent limiter la capacité du Canada d’imposer une personne qui est résidente de cet autre pays dans le cadre de la convention. La convention pourrait stipuler, à titre d’allègement, que le bénéficiaire doit être le « propriétaire réel » du paiement (en cas de versement d’intérêts, de dividendes et de redevances) et, s’il s’agit de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, qu’il doit satisfaire aux restrictions apportées aux avantages. La pratique administrative actuelle du Canada consiste à permettre les allégements fiscaux à la source sur les paiements autrement assujettis à l’impôt de 25 % de la partie XIII afin que le payeur puisse appliquer un taux de retenue inférieur. Toutefois, si un non-résident dispose de biens canadiens imposables pour lesquels un certificat visé par l'article 116 est requis, le non-résident doit normalement demander le certificat même si le gain est exempté d’impôt en vertu de la convention, et l’ARC peut délivrer le certificat sans exiger de paiement conformément à l’exemption qu’offre la convention.

Selon les dispositions précédentes, il est évident qu’une personne qui effectue un paiement pouvant être assujetti à l’impôt de la partie XIII doit déterminer si le bénéficiaire est un non-résident et, si tel est le cas, s’il peut tirer parti des avantages de la convention. Traditionnellement, l’ARC s’en est remis à la soi-disant « règle de l’adresse » selon laquelle le payeur peut accepter le nom et l’adresse du bénéficiaire comme étant ceux du propriétaire réel, sauf s’il a des motifs raisonnables d’en douter. L’ARC a fourni une liste non exhaustive de circonstances qui devraient constituer un motif raisonnable pour mettre en doute le fait que le bénéficiaire est le propriétaire réel : le bénéficiaire est reconnu pour agir, même occasionnellement, en qualité d’agent ou de nominataire; le nom du bénéficiaire figure à côté de la mention « aux soins de » ou « en fiducie »; ou l’adresse postale pour le paiement des intérêts ou des dividendes diffère de l’adresse enregistrée du propriétaire. L’ARC permettait qu’un intermédiaire financier situé dans un pays étranger puisse bénéficier des conventions fiscales entre le Canada et les pays de résidence des propriétaires réels sur une base de gestion commune si l’intermédiaire étranger certifiait la propriété réelle et le pays de résidence à l’ARC. Il est intéressant de noter que des règles spéciales s’appliquent aux paiements faits à des nominataires en Suisse — le taux de la Convention entre le Canada et la Suisse peut être retenu par un payeur canadien parce que, si le propriétaire réel est un résident d’un pays tiers, le nominataire effectue la retenue supplémentaire qui est ensuite payée au Canada au moyen d’un arrangement avec le gouvernement de la Suisse. Ces politiques ont été décrites dans la circulaire d’information IC76-12R6, « Taux applicable de l'impôt de la partie XIII sur les sommes payées ou créditées aux personnes résidant dans des pays ayant conclu une convention fiscale avec le Canada ». Cependant, l’ARC n’a pas exonéré le payeur qui a suivi la procédure exposée dans la circulaire s’il n’a pas retenu le montant adéquat. La circulaire indique plutôt que le payeur est responsable de toute insuffisance en ce qui concerne le montant d’impôt qui aurait dû être retenu, des pénalités et des intérêts.

L’ARC a publié, plus tôt cette année, trois nouveaux formulaires qui peuvent être utilisés pour établir l’identité du propriétaire réel d’un paiement. Le formulaire de base est le formulaire NR301 – « Déclaration d'admissibilité aux avantages en vertu d'une convention ». Les autres formulaires sont le formulaire NR302 – « Déclaration d'admissibilité aux avantages en vertu d'une convention » et le formulaire NR303 – « Déclaration d'admissibilité aux avantages en vertu d'une convention fiscale pour une entité hybride ». Les formulaires NR302 et NR303 sont destinés à une utilisation par une société de personnes ou une entité hybride (ils ne sont pertinents actuellement qu’en ce qui concerne la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis) afin de demander un allègement quant à une partie ou la totalité d’un paiement à venir en fonction de l’admissibilité de ses associés ou de ses membres aux avantages en vertu de la convention, admissibilité devant être établie au moyen de la soumission du formulaire NR301 par chacun de ces associés ou de ces membres.

Le bénéficiaire qui remplit le formulaire NR301 doit fournir des renseignements tels que son statut juridique, son pays de résidence et la nature des paiements qu’il doit recevoir. Le bénéficiaire doit certifier que les renseignements sont véridiques et exacts, que le bénéficiaire est le propriétaire réel du paiement en question et que, à sa connaissance et selon les faits donnés, il a droit aux avantages prévus par la convention fiscale pertinente en ce qui a trait aux revenus en question (qui tient compte de manière implicite de la règle sur les restrictions apportées aux avantages de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis dans le cas d’un résident des États-Unis). Un formulaire rempli ne sera plus valide à la plus rapprochée des dates suivantes : la date où l'admissibilité aux avantages prévus par la convention change, ou trois ans après que ce formulaire a été signé et daté. Le formulaire est remis au payeur dans l’éventualité d’un paiement assujetti à l’impôt de la partie XIII. Dans le cas d’une demande de certificat visé par l'article 116, le formulaire serait acheminé à l’ARC avec la demande. S’il s’agissait d’une société de personnes ou d’une entité hybride, les formulaires NR302 ou NR303 seraient aussi utilisés, le cas échéant, au moment de faire la demande de dispense de l'application de l'article 105 du règlement de la LIR en ce qui a trait à la retenue dans le cas de frais, de commissions et d’autres montants relatifs aux services offerts par un non-résident au Canada.

Si les récents changements ne consistaient qu’en la publication de nouveaux formulaires, il y aurait peu à dire sur le sujet.

Toutefois, l’ARC a aussi publié des lignes directrices supplémentaires en ce qui concerne les formulaires dans les « Renseignements supplémentaires sur les formulaires NR301, NR302 et NR303 » (19 avril 2011) et « Mises à jour en cours à IC76-12 […] concernant les formulaires NR301, NR302 et NR303 » (6 mai 2011). Dans ce dernier document, l’ARC a annoncé un changement fondamental à sa politique antérieure et la fin de la « règle de l’adresse » à compter de la fin de 2011. L’ARC a déclaré :

Le payeur doit posséder des renseignements récents et suffisants pour établir l'identité du propriétaire réel afin d'appliquer les avantages de la convention, à savoir s'il réside dans un pays particulier avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale et s'il a droit aux avantages de la convention fiscale pour le revenu payé.

Bien que les formulaires NR301, NR302 et NR303 ne soient pas des formulaires prescrits, les renseignements qu'on y demande sont importants afin de déterminer si un taux peut être appliqué en vertu d'une convention fiscale. Des renseignements équivalents peuvent être acceptés.

Cette nouvelle position diffère de l'ancienne position de l'ARC qui acceptait généralement le nom et l'adresse du bénéficiaire afin d'établir si elle devait appliquer les avantages en vertu de la convention. La période de transition durera jusqu'au 31 décembre 2011, afin de permettre aux payeurs d'obtenir tout renseignement supplémentaire requis.

Par ailleurs, dans les « Renseignements supplémentaires sur les formulaires NR301, NR302 et NR303 », l’ARC établit une exigence en ce qui a trait à la diligence raisonnable :

Le payeur devrait examiner l’information fournie par un non-résident sur le formulaire NR301, NR302 ou NR303, ou sous une autre forme, afin de s’assurer qu’il dispose de renseignements suffisants pour appuyer le fait que le non-résident est admissible aux avantages prévus par la convention fiscale sur le revenu qui lui est versé.

Pour établir le taux de retenue d’impôt, le payeur devrait remettre en question l’information fournie et examiner d’autres renseignements reçus ou connus du non-résident, si le payeur sait ou a des raisons de croire que les renseignements sur le formulaire :

  • sont incorrects ou trompeurs;
  • contredisent les renseignements qui se trouvent dans les dossiers du payeur;
  • sont fournis sans connaître ou sans tenir compte des faits de la situation.

Les lecteurs remarqueront des similitudes avec les règles applicables à un « intermédiaire qualifié » en ce qui concerne l’impôt américain.

Il est probable que diverses organisations de l’industrie critiquent la date de mise en œuvre du 1er janvier 2012, qui est trop rapprochée. Même si un payeur choisissait de ne pas obtenir de nouveaux formulaires des bénéficiaires du paiement, il devrait tout de même s’assurer qu’il dispose de l’information suffisante pour soutenir qu’un bénéficiaire non-résident est admissible aux avantages de la convention. Il n’est pas évident de comprendre comment un payeur doit satisfaire les exigences selon lesquelles l’information donnée ne doit pas entrer en contradiction avec d’autres renseignements qui se trouvent dans ses dossiers – est-ce que la mention au sujet des dossiers désigne tous les dossiers, y compris les dossiers papiers, ou se limite-t-elle aux dossiers pouvant être consultés par voie électronique? De plus, des payeurs tels que les intermédiaires financiers devront mettre en place de nouvelles méthodes d’ouverture de compte afin d’obtenir les renseignements nécessaires de la part des bénéficiaires à l’avenir.

Dans ses propositions, l’industrie soulèvera fort probablement le fait que les nouvelles lignes directrices de l’ARC n’indiquent pas expressément qu’un allégement serait accordé en vertu des « dispositions d’équité » quant à l’imposition d’une pénalité et d’intérêts dans l’éventualité où un payeur ne procédait pas à la retenue du montant correct, mais qu’il avait toutefois obtenu le formulaire nécessaire et fait preuve de diligence raisonnable.

Il existe un certain nombre d’exceptions en ce qui a trait aux changements proposés, notamment :

  1. Les paiements versés à CDS Services de dépôt et de compensation (CDS) sur des titres enregistrés au nom de Cede & Co. doivent être versés sans retenue d'impôt puisque CDS retiendra l'impôt en fonction des renseignements reçus de la Depository Trust Company (DTC) et l'impôt sera récupéré par les participants à la DTC.
  2. Un taux réduit de retenue d'impôt peut être appliqué par un payeur sans qu’il ait obtenu les formulaires ou les renseignements requis concernant le propriétaire réel, le pays de résidence et l'admissibilité aux avantages en vertu de la convention fiscale si tous les énoncés suivants s'appliquent :
    1. Le payeur sait que le bénéficiaire est un particulier ou une succession dont l'adresse du fiduciaire est située aux États-Unis.
    2. Le payeur a une adresse permanente complète dans ses dossiers qui n'est pas une case postale ou une adresse « aux soins de ».
    3. Le payeur n'a pas de renseignements contradictoires.
    4. Le payeur n’a aucune raison de soupçonner que les renseignements sont inexacts ou trompeurs.
    5. Le payeur dispose de procédures en vigueur de sorte que les changements apportés aux renseignements du bénéficiaire (p. ex. un changement d'adresse ou de coordonnées qui inclut un changement de pays ou courrier retourné) donneront lieu à un examen du taux de retenue d'impôt.
  3. Les arrangements convenus avec les nominataires en Suisse dont il est question ci-dessus sont maintenus.

Par ailleurs, des intermédiaires étrangers peuvent continuer de demander un allègement sur une base de gestion commune en certifiant que le revenu des biens particuliers enregistrés à leur nom est et continuera d'être uniquement la propriété réelle de personnes résidentes et qui ont le droit de demander les avantages en vertu d'une convention fiscale qui offre un taux de retenue d'impôt canadien précis sur les montants payés ou crédités relativement à une telle propriété.

En résumé, l’ARC s’attend à ce que les payeurs de montants assujettis à la retenue d’impôt canadienne fassent davantage pour déterminer le pays de résidence et l’admissibilité des bénéficiaires aux avantages d’une convention. Ces changements sont destinés principalement aux payeurs canadiens afin de s’assurer que les avantages des conventions fiscales canadiennes soient accordés uniquement à des non-résidents qui y ont droit. Les nouveaux formulaires visent à aider les payeurs à cet égard; toutefois, les payeurs doivent demeurer vigilants puisqu’un formulaire rempli n’offre aucune protection s’il est inexact. Il est probable qu’il sera nécessaire d’apporter des changements considérables aux procédures et aux systèmes des institutions financières afin de se conformer à ces changements.

Ces changements ne sont pas exceptionnels; ils font partie d’une tendance générale visant à accroître les exigences relatives à la retenue d’impôt et aux déclarations.

Le projet Treaty Relief and Compliance Enhancement (TRACE) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), par exemple, examine un système au sein duquel les intermédiaires financiers concluront des accords avec les États sources afin de devenir des « intermédiaires autorisés ». Un intermédiaire autorisé obtiendra des investisseurs une « auto-déclaration de l’investisseur » normalisée portant sur le lieu de résidence des investisseurs et leurs droits à des avantages en vertu d’une convention. L’intermédiaire autorisé sera tenu de faire preuve d’une certaine diligence raisonnable afin de pouvoir s’en remettre à l’auto-déclaration d’un investisseur. Les intermédiaires autorisés déclareront leurs paiements et leurs retenues à l’État source approprié. Les propositions du projet TRACE examinent la possibilité qu’un État source puisse échanger de l’information avec les pays de résidence conformément aux dispositions relatives à l’échange de renseignements contenues dans les conventions fiscales afin de garantir que les montants soient déclarés par les investisseurs dans leur pays de résidence.

Le régime de la Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) qui sera mis en œuvre aux États-Unis aborde la question d’une manière quelque peu différente puisque, selon cette loi, les « institutions financières étrangères » sont tenues de faire rapport au gouvernement des États-Unis en ce qui concerne les titulaires de comptes qui sont des citoyens américains et d’imposer une retenue de l’ordre de 30 % pour ce qui est des comptes des investisseurs « récalcitrants » (c’est-à-dire, si l’institution ne peut déterminer si l’investisseur est un citoyen américain ou non). Pour plus de détails, consultez le numéro de mars de la publication Le point sur la fiscalité.

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