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Modifications à venir touchant les placements des régimes de retraite sous réglementation de l’Ontario – une introduction

Le 25 mars 2015, le gouvernement fédéral a publié des modifications au Règlement de 1985 sur les normes de prestation de pension (Canada) (le RNPP), d’abord présentées sous forme de projet le 19 septembre 2014 (voir nos commentaires précédents). Ces modifications auront manifestement une incidence sur les régimes de retraite sous réglementation fédérale, mais un élément important de celles‑ci – concernant les règles de placement des régimes de retraite – aura des répercussions sur de nombreux autres régimes de retraite partout au pays, y compris sur les régimes sous réglementation de l’Ontario. Cela découle de l’intégration par renvoi par plusieurs provinces et territoires, à l’exception notable du Québec, des restrictions sur les placements de régimes de retraite imposées par le RNPP. On mettra l’accent dans le présent article sur ces modifications visant les placements (les modifications liées aux placements).

Les administrateurs de régimes sous réglementation de l’Ontario se rappelleront que certaines dispositions du règlement fédéral sur les placements (le RFP), figurant au RNPP, sont intégrées par renvoi dans les lois sur les normes de prestation de pension de l’Ontario[1]. Pour plus de clarté, le « RFP » ne s’entend dans le présent article que des parties du RNPP qui sont intégrées par renvoi en Ontario. Il s’agit d’une distinction pertinente pour les régimes sous réglementation de l’Ontario, qui ne l’est pas toutefois pour les régimes sous réglementation fédérale.

Moment de l’entrée en vigueur
La plupart des modifications liées aux placements entreront en vigueur le 1er juillet 2016; quelques modifications, notamment d’ordre administratif, entreront toutefois en vigueur plus tôt, soit le 1er avril 2015.

Conseil pratique pour les régimes sous réglementation de l’Ontario
Comme les administrateurs de la plupart des régimes de retraite sous règlementation de l’Ontario réviseront en 2015 leurs énoncés des politiques et des procédures de placement (ÉPPP) – pour respecter l’obligation imposée par l’Ontario de modifier les ÉPPP afin d’y préciser comment, le cas échéant, l’on tient compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les décisions de placement, et préparer les ÉPPP en vue de leur dépôt auprès du surintendant des services financiers avant l’échéance du 1er mars 2016[2] –, il pourrait aussi être judicieux de se conformer, en procédant à cette révision, aux exigences découlant des modifications liées aux placements, décrites plus loin, et d’ainsi éviter de devoir modifier les ÉPPP et les déposer une deuxième fois, plus tard en 2016.

Modifications liées aux placements
Compte tenu de ce qui précède, on peut considérer que les modifications liées aux placements relèvent de deux catégories générales : (i) celles qui toucheront les régimes à cotisations déterminées « accompagnés de choix » (ou des composantes de ces régimes), dans le cadre desquels les participants décident de placements dans leurs comptes (les régimes accompagnés de choix ou RAC), et (ii) celles qui toucheront tous les autres régimes.

Approche nouvelle à l’égard des RAC à compter du 1er avril 2015
À compter du 1er avril 2015, des ÉPPP ne seront plus requis pour les RAC (ou les composantes RAC de régimes plus généraux). (Voir l’article 7.1 modifié du RFP.) Les administrateurs de RAC devront plutôt remettre un nouveau type de relevé annuel sur les options de placement du régime donnant des précisions sur chacun des fonds disponibles, notamment sur la nature des objectifs de placement, le profil de risques, les 10 placements les plus importants, le rendement antérieur, l’indice de référence, les frais et les cibles de répartition des actifs. (Voir le nouvel article 7.3 du RNPP.) Les gestionnaires de fonds fournissent habituellement la plupart de ces renseignements sous forme de feuilles de renseignements, et on ne peut donc pas savoir clairement de quoi aura l’air précisément le nouveau relevé.

L’application de cette exigence aux régimes sous réglementation de l’Ontario sera d’intérêt particulier. L’Ontario ayant intégré le RFP par renvoi « dans ses versions successives », l’élimination par le gouvernement fédéral de l’exigence de production d’ÉPPP à compter du 1er avril 2015 s’appliquera automatiquement aux régimes sous réglementation de l’Ontario à cette date, à moins que la province ne modifie le RRRO en conséquence. Par ailleurs, puisque le nouvel article 7.3 du RNPP (qui prescrit la teneur du relevé annuel sur les options de placement dans le cas de RAC) n’est pas intégré pour sa part au RRRO, l’exigence de divulgation d’éléments additionnels pour les RAC ne s’appliquera pas de manière automatique en Ontario. Faute de modifications apportées au RRRO, il reste à espérer qu’à tout le moins, soit la Commission des services financiers soit le ministère des Finances de l’Ontario, formulera bientôt des orientations publiques permettant de combler cette lacune.

Autres modifications liées aux placements entrant en vigueur le 1er avril 2015
Certaines modifications d’ordre administratif visent à moderniser la terminologie du RFP. Cela comprend l’ajout d’un terme défini nouveau, « fonds de placement », de portée plus large que « fonds mutuel » et « fonds commun » qu’il remplace, et d’un nouveau terme défini, le « marché »[3], destiné à remplacer le terme défini « bourse » devenu désuet (il renvoie à des bourses américaines maintenant disparues tout en passant sous silence des centres mondiaux majeurs, comme les bourses de Tokyo et de Hong Kong ainsi que la Deutsche Börse), de même que, bien sûr, du nouveau terme défini « compte accompagné de choix ».

Modifications liées aux placements entrant en vigueur le 1er juillet 2016
Les autres modifications liées aux placements entreront en vigueur le 1er juillet 2016. Le motif du report est probablement que la série de modifications en cause, on le verra, touchent davantage au fond. On semble reconnaître que les administrateurs auront besoin de plus de temps, en fonction du style d’investissement, pour évaluer les répercussions des modifications sur leur régime et élaborer des stratégies réfléchies et adéquates en conséquence. Parmi ces modifications, mentionnons les suivantes :

  • Règle du 10 % pour les régimes autres que les RAC
    La règle de diversification de base, la règle du 10 %, est modifiée pour la première fois depuis son adoption en 1994, l’évaluation devant être fondée non plus sur la valeur comptable, mais bien désormais sur la valeur marchande. L’exigence générale est qu’on ne peut placer plus de 10 % de l’actif d’un régime auprès d’une seule personne, de personnes morales ou de personnes associées faisant partie du même groupe, ni leur prêter plus de 10 % de cet actif[4]. On peut résumer les modifications en cause comme suit :
    • Les administrateurs n’auront pas à modifier leur mode d’application de l’actuelle règle du 10 % avant le 1er juillet 2016, la date d’entrée en vigueur, bien qu’en certaines circonstances, comme on le verra, il puisse être judicieux de mettre fin à des programmes de réinvestissement automatique des dividendes (PRAD).
    • À compter du 1re juillet 2016, il faudra s’assurer que si de nouveaux prêts sont consentis ou de nouveaux titres acquis, l’actif total détenu par la suite respecte le plafond prescrit. Ainsi, l’évaluation n’est à faire que si de nouveaux placements (y compris des placements additionnels dans des « entités » existantes) sont effectués. Par conséquent, des règles transitoires ne sont pas requises et il n’y a aucun risque qu’une baisse de valeur de certains placements détenus fasse augmenter la valeur relative d’autres actifs et rende un rééquilibrage nécessaire pour assurer le respect continu de la règle du 10 %. Ces précisions, par rapport aux propositions du 19 septembre 2014 du gouvernement, sont fort appréciées.
    • Si cela n’est pas expressément mentionné, il semble toutefois que la prise de contrôle d’une entité par une autre, ou un autre événement semblable rendant des entités – auparavant sans lien – des personnes morales ou des personnes associées faisant partie du même groupe, ne constitue une violation de la règle du 10 %, puisqu’il ne s’agit pas alors d’un nouveau placement effectué par une caisse de retraite ou pour son compte.
    • Les exceptions historiques à la règle du 10 % – pour les placements garantis par la Société d’assurance‑dépôts du Canada ou la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes (sous la désignation actualisée d’ « Assuris »), les sociétés de placement, les fonds de placement qui satisfont eux‑mêmes aux exigences du RFP, les actifs détenus dans le fonds général d’une société d’assurance‑vie, les valeurs mobilières émises ou garanties par un gouvernement au Canada ainsi que les fonds indiciels – sont maintenues, et une autre exception est ajoutée, qui vise les produits dérivés lorsque l’actif de référence est un fonds indiciel. Il convient aussi de noter que les dispositions d’exemption de l’article 18 du RFP (s’appliquant à certaines réorganisations, fusions et opérations semblables, ainsi qu’aux placements acquis par effet de la réalisation de sûretés détenues par un régime) demeurent inchangées et peuvent également permettre l’exemption dans ces circonstances précises.
    • Mesures à envisager par les administrateurs
      Certains administrateurs ou leurs fournisseurs de services suivent déjà tant la valeur comptable que la valeur marchande; ceux qui font actuellement abstraction de la valeur marchande devraient s’assurer, de concert notamment avec les fiduciaires et les gestionnaires, du caractère raisonnable et uniforme du mode de calcul de cette valeur. Quant aux administrateurs qui recourent à des PRAD, comme l’acquisition d’actions additionnelles d’une société ou d’une autre entité au moyen d’un tel programme constituera vraisemblablement un nouveau placement aux fins du critère de la valeur marchande, il leur faudra envisager, lorsqu’un actif détenu s’approche de 10 % de la valeur marchande, ou dépasse ce pourcentage, une « interruption » de PRAD pour éviter un dépassement de plafond.
  • Règle du 10 % pour les RAC
    Il y a eu désaccord quant à savoir si, dans le cas des RAC, il fallait appliquer la règle des 10 % à l’échelle entière du régime, ou au compte de chaque participant de manière individuelle. On précise dans les modifications liées aux placements que la règle doit s’appliquer au niveau du compte d’un participant. Les exceptions habituelles seront toutefois alors applicables, et une exception nouvelle est ajoutée pour les fonds de placement qui respectent la règle du 30 % (qui interdit à un régime de détenir plus de 30 % des titres comportant droit de vote de la plupart des sociétés). On ne sait pas exactement pourquoi, dans ce cas, on recourt comme critère à la règle du 30 %.
  • Règle d’allègement pour les sociétés à vocation particulière
    Une modification petite mais utile qui sera d’intérêt pour les régimes de retraite détenant des placements dans des sociétés de placement, des sociétés immobilières ou des sociétés minières (dans chaque cas au sens du RFP) est la fin de l’obligation d’obtenir, au plus tard au moment de l’acquisition, l’engagement prescrit lors de l’acquisition de plus de 30 % des titres comportant droit de vote de ces sociétés. Après le 1er juillet 2016, l’obtention seule de l’engagement prescrit sera requise, quel qu’en soit le moment.
  • Modifications importantes concernant les placements dans un apparenté et les transactions avec un apparenté
    Pour de nombreux régimes de retraite, la modification la plus importante sera l’obligation prévue de ne plus détenir d’actions de personnes et d’entités qui sont leurs « apparentés » au sens du RFP (le principal apparenté étant l’employeur qui participe au régime ainsi que les membres de son groupe et les entités semblables), ni de faire de prêts à de tels apparentés. Une disposition transitoire quinquennale (examinée plus loin) fera en sorte qu’aucune mesure n’ait à être prise dans l’immédiat, mais il en découle, par comparaison avec l’absence de tout délai pour la règle du 10 %, l’existence d’une limite de temps manifeste pour certains actifs détenus. Voici des précisions sur ces modifications :
    • Structure générale inchangée — La structure de la disposition demeure inchangée, interdiction générale étant faite d’investir dans un apparenté, de prêter des fonds à un apparenté ou de prendre part à une « transaction » (au sens du RFP) avec un apparenté.
    • Transaction peu importante – Bonne nouvelle pour les administrateurs, on conserve l’exception actuelle pour toute transaction avec un apparenté « peu importante pour le régime ». (Les propositions du 19 septembre 2014 prévoyaient l’élimination de cette exception.)
    • Élimination de l’exception pour les « valeurs mobilières […] acquises à la bourse » – Il était permis dans le passé, en conformité avec les règles sur les apparentés de l’article 8514 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le RIR), d’investir dans les valeurs mobilières de l’employeur (ou d’un autre apparenté) si elles étaient acquises (le RIR employant pour sa part l’expression « négocié[es] ») à une bourse désignée. À compter du 1er juillet 2016, on ne pourra plus se prévaloir de cette exception. La détention indirecte de telles valeurs mobilières dans un fonds indiciel ou un autre type de fonds de placement collectif sera toutefois permise, l’hypothèse étant que l’employeur ne peut pas orienter les stratégies de placement d’un tel fonds. D’autres exceptions aux placements dans les titres d’apparentés ont été ajoutées, qui reprennent les exceptions attachées à la règle du 10 %. Si aucune exception n’est applicable (y compris celle visant les transactions peu importantes examinée ci‑haut), il faudra se dessaisir avant le 1er juillet 2021 des titres de l’employeur ou d’un autre apparenté actuellement détenus.
    • Assouplissement des restrictions visant les transactions entre apparentés autres que des placements – Dans le passé, une entente intervenue entre un régime de retraite et un apparenté agissant comme fournisseur de services, locateur ou à un autre titre semblable devait relever d’une exception exigeant que l’entente soit « nécessaire » à l’administration du régime et intervenue à des conditions aussi favorables que les « conditions du marché ». Les propositions du 19 septembre 2014 comportaient des dispositions plus restrictives qui auraient interdit les ententes de location conclues entre un employeur (par exemple) et un régime de retraite, tout en autorisant les ententes avec des fournisseurs de services; les révisions finales ont toutefois pour effet d’autoriser les transactions raisonnables. Essentiellement, toutes les transactions avec des apparentés autres que des placements continueront d’être autorisées, du moment qu’il s’agit de transactions aux conditions du marché.

Conclusion

La plupart des révisions sont claires et constituent un progrès par rapport aux propositions du 19 septembre 2004. De manière générale, nous ne nous attendons pas à ce que les modifications liées aux placements obligent les régimes à modifier en profondeur leurs placements ou leurs stratégies. Toutefois, les régimes qui détiennent directement des titres de l’employeur (ou d’un autre apparenté) devront mettre au point une stratégie de dessaisissement ordonné qui leur permette de se défaire, d’ici le 1er juillet 2021, de ces actifs. Des mesures plus immédiates devront aussi être prises, en 2015 ou début de 2016, en vue de la mise à jour des ÉPPP de tous les régimes.


[1] Voir le paragraphe 66(1) du Régl. 909 Ont., tel que modifié (les Dispositions générales, règlement pris en vertu de la Loi sur les régimes de retraite (Ontario))) (le RRRO), qui définit le « règlement fédéral sur les placements » comme étant les articles 6, 7, 7.1 et 7.2 ainsi que l’annexe III du RNPP, « dans ses versions successives ».

[2] Voir le paragraphe 78(4) du RRRO.

[3] Certains pourraient juger indiqué que les administrateurs mettent à jour dès maintenant les ÉPPP des régimes afin de prendre en compte le remplacement du terme défini « bourse » par le terme défini « marché », tous les ÉPPP devant désormais faire état des placements qui ne sont pas régulièrement négociés sur un marché (plutôt qu’à une bourse). Nous nous attendons cependant à ce que le libellé de la plupart des ÉPPP soit déjà suffisamment souple pour qu’aucune mise à jour ne soit actuellement, ou même jamais, requise.

[4] Pour faciliter la lecture du texte nous ne parlerons par la suite que de placements dans des titres, mais il faut bien comprendre que les prêts consentis aux entités pertinentes seront alors également visés.

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