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Loi sur la concurrence : Entrée en vigueur des dispositions criminelles sur les cartels et du nouveau régime civil applicable aux ententes entre concurrents

Lorsque d’importants changements à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») ont été adoptés en mars 2009 par la Loi C-10, soit la Loi d’exécution du Budget de 2009 2, une période transitoire a été prévue avant l’entrée en vigueur des modifications aux dispositions relatives aux complots anticoncurrentiels. Cette période transitoire a pris fin le 12 mars 2010. La nouvelle infraction per se interdisant les cartels, les sanctions pénales plus lourdes en cas de violation et les nouvelles dispositions civiles applicables aux ententes entre concurrents sont maintenant en vigueur.

Infraction per se interdisant les cartels

En vertu du nouvel article 45, les ententes entre concurrents ou concurrents potentiels pour fixer les prix, partager les marchés ou limiter la production sont per se illégales. Le Directeur des poursuites pénales (« DPP ») n’a donc plus à faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, que de telles ententes réduisent « indûment » la concurrence. Ces amendements permettront au DPP (et aux demandeurs dans le cadre de recours civils) d’obtenir plus facilement des condamnations dans les cas de « véritables cartels ».

La nouvelle disposition criminelle prévoit une défense pour les « restrictions accessoires » : les parties à une entente peuvent soulever comme moyen de défense que l’entente ou l’arrangement contesté est accessoire et raisonnablement nécessaire à une entente plus large, à la condition que cette entente ne soit pas elle-même un « véritable cartel ». La défense de conduite réglementée, qui exempte une conduite imposée ou autorisée dans un contexte réglementaire, a également été expressément préservée.

L’amende maximale en cas de complot passe de 10 à 25 millions de dollars, et la peine d’emprisonnement maximale passe de 5 à 14 ans.

Nouvelles dispositions civiles sur les ententes entre concurrents

Les ententes ou arrangements entre concurrents ou concurrents potentiels qui ne sont pas des ententes pour fixer les prix, partager des marchés ou limiter la production (telles les coentreprises et les alliances stratégiques) peuvent être assujetties à un nouveau régime civil d’examen, mais seulement dans la mesure où ces ententes sont susceptibles d’empêcher ou diminuer sensiblement la concurrence. En vertu du régime civil, la Commissaire de la concurrence peut demander au Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance interdisant à toute personne de mettre en œuvre, en tout ou en partie, l’entente en question; aucune sanction pénale ou sanction administrative pécuniaire ne peut être imposée. Les nouvelles dispositions civiles prévoient pour ces ententes un traitement semblable au régime d’examen des fusions, notamment une exception pour les gains en efficience. Les parties peuvent ainsi démontrer que les gains en efficience découlant de leur entente sont plus importants que ses effets anticoncurrentiels et que de tels gains ne seraient pas réalisés si le Tribunal de la concurrence rendait une ordonnance.

Lignes directrices du Bureau de la concurrence

Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a récemment publié des Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents 2 qui décrivent l’approche qu’il adoptera pour l’application des nouvelles dispositions criminelles et civiles sur les ententes entre concurrents. Les Lignes directrices précisent que la nouvelle disposition criminelle sera réservée aux ententes entre concurrents visant à fixer les prix, attribuer des marchés ou limiter la production qui constituent des « restrictions pures et simples » à la concurrence, c’est-à-dire des restrictions qui ne sont pas mises en œuvre à l’appui d’une collaboration légitime entre concurrents, telle une coentreprise ou une alliance stratégique.

Comme nous l’avons mentionné, les nouvelles dispositions criminelles et civiles s’appliquent aux ententes entre concurrents et entre « concurrents potentiels ». Les Lignes directrices traitent des facteurs dont le Bureau tiendra compte pour déterminer si les parties à une entente sont des concurrents potentiels, c’est-à-dire qui se feraient vraisemblablement concurrence pour un produit en l’absence de l’entente en cause.

Les Lignes directrices adoptent une interprétation stricte de la défense de restriction accessoire. Le Bureau indique qu’il conclura qu’une restriction anticoncurrentielle (c’est-à-dire qui fixe les prix, répartit des marchés ou limite la production) n’est pas raisonnablement nécessaire à la réalisation d’une entente plus large si les parties auraient pu conclure « une entente équivalente ou comparable en recourant à des moyens pratiques sensiblement moins restrictifs qui leur étaient raisonnablement accessibles au moment où l’entente a été conclue ». Le Bureau précise qu’il ne remettra pas en question le choix des parties relativement à des options qui seraient théoriquement moins restrictives, mais la portée de cette défense sera inévitablement sujette à interprétation.

Les Lignes directrices clarifient également certaines zones grises, par exemple en indiquant que les ententes verticales entre fournisseurs et clients, ainsi que les arrangements de distribution mixte et les accords de franchise, seront examinés en vertu du régime civil, plutôt que des dispositions criminelles (sauf si des telles ententes servent, dans les faits, à camoufler des ententes entre distributeurs ou franchisés pour fixer les prix ou répartir des marchés). Les Lignes directrices confirment également que la disposition criminelle s’applique uniquement aux ententes entre vendeurs, et ne s’applique pas aux ententes entre acheteurs.

Finalement, les Lignes directrices traitent de l’application possible du nouveau régime civil à différents types d’ententes entre concurrents, notamment les ententes de commercialisation et de ventes communes, les ententes de partage d’informations, les ententes visant la recherche et le développement, les ententes de production, et les ententes d’achats groupés et de groupes d’achats.

Impact des amendements pour les entreprises

Bien que le nouveau régime à deux volets applicable aux collaborations entre concurrents vise à limiter l’application des dispositions criminelles aux « véritables complots », de nombreuses questions subsistent quant à la portée des nouvelles dispositions civiles.

Si un tel exercice n’a pas été complété durant la période transitoire, toute entreprise ayant des opérations au Canada devrait revoir en profondeur son programme de conformité en droit de la concurrence afin de prévenir et de détecter toute contravention à la nouvelle infraction per se. Les entreprises devraient également revoir leurs ententes avec des concurrents et des concurrents potentiels, y compris les coentreprises et les alliances stratégiques, afin de déterminer si ces ententes soulèvent des questions en vertu du nouveau régime civil et examiner de près ces questions avant de conclure d’autres ententes avec des concurrents. Le Groupe national de droit de la concurrence de McCarthy Tétrault peut vous aider dans le cadre d’un tel exercice.

 


1 Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter la publication suivante de McCarthy Tétrault : « Changements fondamentaux à la Loi sur la concurrence et à la Loi sur Investissement Canada ».

2 Disponibles à l’adresse suivante : http://competitionbureau.gc.ca/eic/site/cb-bc.nsf/fra/03177.html.

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