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Les extraits d’œuvres musicales sur Internet peuvent constituer une utilisation équitable aux termes du droit d’auteur

La Cour d’appel fédérale a rendu récemment une importante décision sur la portée de l’exception relative à l’utilisation équitable, dans le cadre d’un contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission du droit d’auteur sur le tarif 22.A de la SOCAN. La question en litige était de savoir si les services de musique en ligne jouissent de l’exception relative à l’utilisation équitable prévue à l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur lorsqu’ils offrent à leurs clients des écoutes préalables de fichiers musicaux d’une durée d’au plus 30 secondes pour les aider à choisir les œuvres musicales qu’ils souhaitent acheter. La Cour, respectant la décision de la Commission, a décidé qu’ils en jouissent. Par conséquent, aucune redevance n’est payable à la SOCAN pour ces écoutes préalables.

Aux termes de l’article 29, l’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée ou de recherche ne constitue pas une violation du droit d’auteur. Les grandes questions du contrôle judiciaire étaient de savoir si l’utilisation aux fins d’écoute préalable constituait de la « recherche » et si l’utilisation était équitable.

Lors de la demande de contrôle judiciaire, la SOCAN a soutenu devant la Cour que l’expression « recherche » référait à un concept d’investigation, de recherche systématique, d’analyse critique, d’enquête scientifique, de découverte factuelle, survenant et s’exécutant dans un contexte ou un cadre formel. Elle alléguait que l’écoute préalable permise par Internet ne revêt aucune de ces caractéristiques que véhicule et requiert la notion de recherche.

La Cour a rejeté l’argument de la SOCAN, soulignant que le mot « recherche » à l’article 29 ne se limitait pas à la recherche scientifique, économique ou culturelle. De plus, la recherche pouvait inclure une activité dans le cadre de laquelle « le consommateur est à la recherche d’un objet du droit d’auteur qu’il désire et s’efforce de trouver et dont il veut s’assurer de son authenticité et de sa qualité avant de le se procurer ». La Cour est d’accord avec la Commission que « l’écoute préalable contribue à cet effort pour trouver » et que l’écoute préalable d’extraits constituait de la recherche aux fins d’une utilisation équitable.

La Cour a conclu que la Commission n’avait pas commis d’erreur dans son approche pour décider si l’utilisation était équitable. La Commission a analysé les six facteurs que la Cour suprême a adoptés dans CCH c. Barreau du Haut Canada : le but, la nature et l’ampleur de l’utilisation; les solutions de rechange à l’utilisation; la nature de l’œuvre; et l’effet de l’utilisation sur l’œuvre. Dans l’analyse du facteur ampleur de l’utilisation, la Commission a considéré la longueur de chaque écoute préalable proportionnellement à la durée de l’œuvre complète.

Lors de la demande de contrôle judiciaire, la SOCAN a soutenu qu’il faudrait mesurer l’ampleur de l’utilisation et son caractère équitable en prenant l’agrégat du nombre des utilisateurs, des écoutes préalables et des heures de musique qui en résultent sans compensation. La Cour a conclu que l’« étalon de mesure » de la SOCAN apportait son lot d’interrogations. Par exemple, l’étalon de mesure était-il destiné à supplanter la mesure retenue par la Commission ou simplement s’y ajouter pour élargir la perspective d’analyse du troisième facteur, et quel poids fallait-t-il lui donner. La Cour a conclu qu’« en l’absence d’un débat éclairé sur ces questions et vu l’information parcellaire dont nous disposons, il apparaît plus prudent et sage de reporter à plus tard la résolution de ce débat ».

Remarques de McCarthy Tétrault

Dans deux décisions américaines, les tribunaux ont rejeté la défense de l’utilisation équitable pour des écoutes préalables en ligne. Dans United States v. American Society of Composers, Authors and Publishers (In re AT&T Wireless), la Cour de district du district sud de New York a statué qu’il n’était pas équitable d’offrir des écoutes préalables de sonneries à d’éventuels acheteurs. Dans Video Pipeline v. Buena Vista Home Entertainment Inc., la Cour d’appel du troisième circuit a statué que Video Pipeline avait peu de chances de succès en faisant valoir une défense fondée sur l’utilisation équitable lorsqu’elle offrait des extraits de deux minutes de long métrages à des fins d’utilisation comme bandes annonces sur des sites Web de vente au détail. Aucune de ces décisions n’a été mentionnée par la Cour canadienne dans le contrôle judiciaire du tarif 22.A.

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