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Le vote au Royaume-Uni en faveur de la sortie de l’Union européenne : Point de vue juridique sur les prochaines étapes

Bien que bon nombre de personnes prédisent turbulence et incertitude pour le Royaume-Uni et l’Europe à la suite du vote de jeudi, du point de vue strictement juridique, nous nous attendons à ce que la relation du R.-U. avec l’Europe demeure stable pendant un certain temps. La Grande-Bretagne et l’Europe devront d’abord chacun déterminer le genre de nouvelles relations commerciales qu’elles veulent avoir l’une avec l’autre. Mais il ne faut pas se méprendre. Le résultat du référendum constitue un moment historique en politique britannique et européenne, moment qui a projeté la Grande-Bretagne et l’UE dans une période de soubresauts qui pourrait prendre des années à se stabiliser et entraîner un changement fondamental du paysage politique et économique dans toute l’Europe.

La campagne référendaire a été marquée notamment par l’absence de propositions de solutions de rechange claires aux accords actuels entre le R.-U. et l’UE, de sorte que pourrait s’ensuivre un long débat au sein du R.-U. avant que des négociations ne soient même entamées avec l’UE. Hormis la démission du Premier ministre de la Grande-Bretagne vendredi, plusieurs importants parlementaires du parti Travailliste ont démissionné du cabinet fantôme pendant la fin de semaine, et demandent un vote de non-confiance à l’endroit de leur chef, Jeremy Corbyn, de sorte que les deux grands partis pourraient être préoccupés par des courses à la chefferie à court terme. Si on ajoute que le Parlement britannique actuel est composé en grande partie de députés qui ne prônaient pas la sortie du R.-U. de l’Europe (Brexit), il est facile de constater qu’il existe un vaste éventail de possibilités et quant à la forme éventuelle d’une Brexit et quant à son échéancier.

Depuis l’annonce du résultat vendredi, des dirigeants politiques ont parlé ouvertement de tenir un deuxième référendum une fois qu’un nouvel accord avec l’UE aura été négocié afin de donner au peuple britannique l’occasion de voter sur une solution de rechange. Il a aussi été question du développement d’un système de partis politiques plus fragmenté au R.-U., avec la possibilité que les modérés au sein du parti Conservateur et du parti Travailliste constituent un nouveau parti. Nous avons aussi vu l’annonce par les Libéraux Démocrates qu’ils feront campagne lors de la prochaine élection en faveur d’un programme visant à empêcher toute Brexit. Entre-temps, en Écosse, le parti nationaliste au pouvoir a déclaré que le changement de situation justifie maintenant la tenue d’un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Écosse.

Le processus de sortie

Le processus juridique officiel menant à la sortie de l’UE n’a pas encore été entamé et ne le serait qu’une fois que le R.-U. aura donné à l’UE un avis formel en vertu de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. L’article 50 ne fait qu’établir un délai de deux ans pour la conclusion d’un accord sur les modalités de sortie, mais cet article n’a jamais été appliqué. Il n’est jamais arrivé qu’un État membre demande l’application de l’article. En plus, le référendum du R.-U. était en droit consultatif seulement, en ce sens que le gouvernement n’est pas légalement tenu de prendre des mesures pour entamer la procédure officielle de sortie. Même si un simple accord de sortie pouvait être approuvé par les majorités habituelles du Conseil de l’UE et du Parlement de l’UE, tout nouvel accord commercial devrait vraisemblablement être ratifié par les deux parties et en plus, probablement, par les parlements nationaux de tous les États membres, ce qui ajouterait à la complexité, et à l’échéancier, de toute sortie. Bien qu’il existe de nombreuses possibilités d’accords commerciaux de rechange avec le reste de l’UE, notamment un repli sur les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou la négociation d’accords préférentiels tels ceux qui existent déjà avec la Norvège et la Suisse, on prévoit que cela prendra de nombreuses années aux parties pour élaborer de nouveaux accords sur le commerce et l’investissement.

Il semble donc improbable que l’article 50 soit déclenché, à moins de clarté sur la teneur de nouveaux accords et leur délai de mise en œuvre. Pendant la campagne, le gouvernement du R.-U. a indiqué que l’achèvement de tout le processus pourrait prendre 10 ans, tandis que les partisans de « Votez pour quitter » ont indiqué que deux ou trois ans pourraient suffire. Le projet d’accord commercial du Canada avec l’Europe, soit l’Accord économique et commercial global (AECG), est en voie d’élaboration depuis sept ans et pourrait donner certaines indications quant à un échéancier réaliste.

En plus de tenter de définir sa relation éventuelle avec le reste de l’UE, le R.-U. doit aussi se préoccuper de la perte de son accès préférentiel aux marchés en vertu des 36 accords commerciaux actuels que l’UE a négociés avec 58 pays, sans mentionner les négociations en cours d’importants accords sur le commerce et l’investissement, tel le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec les États-Unis. Comme l’a aussi récemment souligné le directeur général de l’OMC, même le maintien de l’appartenance du R.-U. à l’OMC après sortie n’est pas simple – il faudra d’importantes négociations avec les 161 autres membres de l’OMC au sujet de grand nombre des aspects du commerce du R.-U., notamment les lignes tarifaires, les contingentements, les subventions et l’accès aux marchés pour les services, dont les services financiers.

Les contrats

Il n’y aura aucun changement immédiat dans la législation du R.-U. par suite directe du résultat du référendum sur l’UE, et tout changement éventuel ne se concrétisera qu’une fois la relation future du R.-U. avec l’UE convenue.

Au cours des derniers mois, alors que la possibilité de Brexit est devenue de plus en plus réelle, certaines parties ont commencé à prévoir à leurs contrats des droits de résiliation en cas de Brexit, tandis que d’autres parties ont suspendu l’aboutissement d’opérations et ont intégré des conditions préalables relatives au résultat du référendum.

Quoi qu’il en soit, il faudra examiner minutieusement le libellé des contrats dans l’avenir, selon l’évolution du contexte juridique.

L’accord commercial Canada-Europe
 

Le statut de l’AECG n’est pas clair. Puisqu’il pourrait prendre un certain temps avant que le R.-U. ne sorte de l’UE, il est possible que l’AECG demeure en voie de conclusion et soit même ratifié par le Conseil européen, ratification que l’on prévoit actuellement en octobre 2016. Quand et si la Grande-Bretagne quitte l’UE, cet accord cessera de s’appliquer au commerce entre le Canada et le R.-U. si un accord distinct n’a pas été négocié auparavant entre les deux pays. Nous pouvons prévoir que le gouvernement du Canada déploiera d’importants efforts pour que la ratification de l’AECG demeure une importante priorité au programme de l’UE. Actuellement, on ignore si le résultat du référendum signifiera que l’UE sera distraite par d’autres questions, mais on espère que l’UE considérera que la ratification est maintenant encore plus importante pour démontrer qu’elle est en mesure de conclure des accords commerciaux, contrairement à la critique qui lui a été adressée par les partisans de « Votez pour quitter ».

L’immigration

Pendant une bonne partie de la campagne référendaire, il a été question de l’immigration et des limites à la capacité du R.-U. de contrôler l’immigration en provenance des autres pays de l’UE, en raison du principe fondamental de la libre circulation des personnes au sein des États membres de l’UE. Les partisans de la sortie ont proposé un système de points à l’australienne qui ne ferait pas de discrimination contre les immigrants qui ne proviennent pas de l’UE mais, encore une fois, il faudra du temps pour déterminer si ces partisans formeront un gouvernement et seront en mesure de mettre en œuvre une telle mesure.

Pour ajouter à la confusion, l’un des principaux partisans du mouvement « Votez pour quitter », actuellement membre britannique du Parlement européen, a dit que tout nouvel accord pourrait fort bien continuer de permettre la libre circulation de la main-d’œuvre et continuer de donner aux entreprises britanniques un accès au marché unique, soit un accord similaire à l’accord de la Norvège avec l’UE, par lequel la Norvège paie l’UE pour avoir accès au marché unique et permet la libre circulation des citoyens de l’UE, mais sans siéger au Conseil de l’UE ou au Parlement de l’UE. Cela pourrait surprendre bon nombre de ceux qui ont voté pour quitter y voyant l’avenue pour la Grande-Bretagne vers une réduction de l’immigration.

En théorie, ce nouveau système pourrait avantager les sociétés canadiennes, et les autres sociétés ne provenant pas de l’UE, qui tentent de relocaliser du personnel au R.-U., mais des questions comme le nombre global d’immigrants seront probablement vigoureusement débattues avant qu’une nouvelle procédure puisse être mise en place, ce qui ne pourrait se produire qu’une fois que le R.-U. ne fait plus partie de l’UE.

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L’incertitude entourant la sortie du R.-U. de l’UE, les prochaines étapes et la teneur des accords éventuels pourraient constituer le risque le plus important, surtout si l’incertitude persiste. Notre bureau du R.-U. à Londres et nos collègues au Canada sont prêts à vous aider à vous y retrouver dans l’incertitude qui s’annonce. N’hésitez pas à communiquer avec nous.

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