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Le Royaume-Uni adopte la loi intitulée Digital Economy Act

La Chambre des communes du Royaume-Uni (« R.-U. ») a récemment adopté la loi intitulée Digital Economy Act (« DEA »), qui instaure plusieurs politiques importantes visant à réglementer et à stimuler l’économie numérique du R.-U. Bien que cette loi comporte des dispositions régissant la classification des jeux vidéo et l’enregistrement des noms de domaine, son objectif principal est de limiter le partage de fichiers. Les titulaires de droits d’auteur et leurs groupes d’intérêts représentatifs sont favorables à la DEA car elle énonce les obligations juridiques des fournisseurs de services Internet (« FSI »), des titulaires de droits d’auteur et des utilisateurs finaux en vue d’enrayer le piratage en ligne.

La plupart des détails pratiques des dispositions de la DEA concernant la violation du droit d’auteur en ligne ne figurent pas dans la DEA, mais seront présentés sous la forme d’une série de codes de réglementation produits par l’Office of Communication (« Ofcom »), l’autorité indépendante en matière de réglementation et de concurrence régissant l’industrie des communications. Jusqu’à présent, Ofcom n’a publié qu’un projet de code des obligations initiales (Draft Initial Obligations Code) (le « projet de code »), dont la période de consultation publique à cet égard vient tout juste de se terminer. Ofcom évalue actuellement les résultats et analyse les coûts associés au projet de règlement.

Le rôle croissant des FSI

Le règlement du R.-U. intitulé Electronic Commerce (EC Directive) Regulations 2002, qui met en œuvre la directive sur le commerce électronique (« e-commerce ») de l’Union européenne (« UE ») à l’échelle nationale, limite la responsabilité des FSI à l’égard du matériel qui passe par leurs réseaux dans la mesure où les FSI [Traduction] « agissent à titre de simples intermédiaires, mettent en cache le matériel ou hébergent le matériel ». Par le passé, cette fonction a été interprétée comme une entrave au rôle potentiel des FSI dans le maintien de l’ordre sur Internet.

La DEA a maintenant instauré des dispositions enjoignant aux FSI de jouer un rôle plus actif afin d’aider les titulaires de droits à protéger leurs œuvres contre toute violation. La DEA clarifie également les nouvelles mesures que les titulaires de droits devraient prendre afin d’aviser les FSI de toute violation présumée par leurs abonnés. Conformément au projet de code, les FSI comptant moins de 400 000 clients, ainsi que les exploitants de services mobiles, ne seraient pas tenus de participer à la nouvelle procédure. Toutefois, ces exigences s’appliqueront aux principaux FSI tels que BT, TalkTalk, Virgin Media, Sky, Orange, O2 et Post Office, qui contrôlent collectivement 96,5 % du marché à large bande résidentiel et des petites et moyennes entreprises.

La DEA a surtout instauré des dispositions qui :

  1. permettent aux titulaires de droits d’aviser les FSI de toute violation présumée de leurs droits par des abonnés utilisant le réseau des FSI. L’avis devrait être formulé sous forme de rapport de violation du droit d’auteur (le « rapport de violation ») présentant l’information concernant la violation ayant cours sur les réseaux des FSI et concernant les contrefacteurs, y compris leurs adresses IP et numéros de port. Conformément au projet de code, le rapport de violation devrait être envoyé dans les dix jours ouvrables suivant la collecte de la preuve.
  2. enjoignent aux FSI ayant reçu des rapports de violation de faire parvenir à l’abonné en question un avis. L’avis devrait contenir de l’information au sujet du titulaire du droit d’auteur ayant rapporté la violation présumée, l’adresse IP de l’abonné, ainsi que l’heure à laquelle la preuve a été recueillie. L’avis doit également expliquer à quel endroit l’abonné peut recevoir des conseils et doit aussi comprendre des détails concernant le processus d’appel au moyen duquel l’abonné peut contester la violation présumée.
  3. permettent aux titulaires de droits de demander aux FSI une « liste des violations du droit d’auteur » sur laquelle figure le nom de tous les abonnés ayant dépassé un nombre maximum prévu de rapports de violation (ce nombre est fixé à trois par le projet de code). Bien que la liste révèle certains détails concernant les abonnés en question, elle ne révèle pas l’identité personnelle de l’utilisateur final.

Après avoir obtenu la liste des violations du droit d’auteur, le titulaire du droit peut obtenir une ordonnance du tribunal lui permettant d’identifier une partie ou la totalité des abonnés figurant sur la liste. S’il réussit à obtenir l’identité personnelle des contrefacteurs présumés, le titulaire du droit peut alors intenter des poursuites judiciaires contre eux.

À cet égard, la DEA a tenté de clarifier le rôle des FSI dans le cadre de la protection des titulaires de droits contre les violations des droits d’auteur et a établi une procédure visant à faciliter le processus de repérage et d’identification des contrefacteurs récidivistes. La nouvelle procédure vise également à faire en sorte qu’il soit plus facile d’intenter des recours contre les contrefacteurs. Toutefois, la nouvelle procédure n’entrera en vigueur que lorsque le projet de code d’Ofcom aura été approuvé par le Parlement.

Mesures techniques et injonctions de blocage

La DEA prévoit également la possibilité de créer des mesures techniques pouvant entraîner l’interruption de l’accès Internet des abonnés accusés de violation. Lorsque le code de réglementation d’Ofcom aura été en vigueur pour une durée de douze mois, le secrétaire d’État pourra obtenir une ordonnance pour les FSI afin que ceux-ci puissent imposer des « mesures techniques » aux abonnés ayant atteint le nombre maximum de rapports de violation établi par Ofcom, dans le but de restreindre ou même d’interrompre complètement leur accès Internet. La Chambre des communes et la Chambre des lords doivent approuver l’ordonnance du secrétaire d’État avant que celle-ci ne puisse être exécutoire.

La DEA permet également au secrétaire d’État chargé des affaires d’adopter des règlements accordant aux tribunaux le pouvoir de rendre des injonctions de blocage forçant les FSI à bloquer l’accès d’un utilisateur à un site Web qui, selon un tribunal, [Traduction] « est utilisé ou est susceptible d’être utilisé dans le cadre d’une activité qui viole le droit d’auteur ou en lien avec une telle activité ». Un tribunal qui considère rendre une telle injonction doit être convaincu que le site Web est un emplacement à partir duquel [Traduction] « une quantité importante de matériels a été, est ou est susceptible d’être obtenue en violation du droit d’auteur ».

Contestations judiciaires à l’égard de la DEA

Les FSI examinent actuellement les frais additionnels qu’entraînera l’élargissement du rôle des FSI aux termes de la DEA. Récemment, deux des plus importants FSI, soit BT et TalkTalk, ont intenté une contestation judiciaire devant la Haute Cour afin d’obtenir une révision judiciaire de la DEA qui, selon eux, enfreint les directives de l’UE à l’égard des questions de protection de la vie privée, de proportionnalité et de rôle non actif des FSI. Si BT et TalkTalk n’obtiennent pas gain de cause dans le cadre de leurs démarches, elles pourraient porter l’affaire devant les tribunaux de l’UE.

À l’heure actuelle, Ofcom ne prévoit pas donner suite aux préoccupations des FSI et a confirmé son intention de poursuivre son plan de mise en œuvre du code des obligations initiales, [Traduction] « à moins d’indication contraire de la part du gouvernement ». Étant donné que le projet de code doit être approuvé par le Comité de la Commission européenne et le Parlement du R.-U. avant d’entrer en vigueur, Ofcom prévoit présenter le code des obligations initiales à l’UE d’ici septembre 2010 et prévoit qu’il sera terminé d’ici la fin de janvier 2011.