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Le quatrième protocole relatif à la convention Canada – R.-U. élimine la retenue d’impôt sur les intérêts sans lien de dépendance, mais conserve l’exonération applicable aux gains réalisés lors de l’aliénation d’actions et de participations tirant leur va

Le 21 juillet 2014, les gouvernements du Canada et du Royaume-Uni ont signé le quatrième protocole (Protocole) modifiant la Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et les gains en capital (Convention Canada‑R.-U.). Le Protocole modifie 15 articles de la Convention Canada‑R.-U. et comprend des dispositions éliminant la retenue d’impôt sur les intérêts transfrontaliers payés à une personne avec laquelle le payeur n’a pas de lien de dépendance et imposant des délais à l’égard de certains ajustements de prix de transfert. Un Protocole interprétatif donne des précisions sur l’application de la Convention Canada‑R.-U. aux sociétés à responsabilité limitée du Royaume-Uni (S.R.L. du R.-U.) et définit certains autres termes. Le Protocole contient de nombreuses dispositions conformes à celles d’autres conventions négociées dernièrement par le gouvernement canadien. Cependant, comme il est indiqué ci‑après, il convient de noter que l’article 13 (« Gains en capital ») n’a pas été modifié de façon à permettre à un État contractant d’imposer un gain réalisé lors de l’aliénation d’une participation dans une société de personnes ou dans une fiducie ou d’actions non cotées tirant leur valeur ou la majeure partie de leur valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers situés dans cet État dans lesquels une activité est exercée par la société de personnes, la fiducie ou la société.

Le présent article examine plusieurs des importantes modifications touchant la Convention Canada ‑ R.-U. énoncées dans le Protocole.

Sociétés de personnes

Le Protocole et le Protocole interprétatif énoncent deux modifications qui étendent et clarifient l’application de la Convention Canada ‑ R.-U. aux sociétés de personnes.

Premièrement, le Protocole modifie l’alinéa 3(1)c) de la Convention Canada ‑ R.-U. de façon à stipuler que le terme « personne » comprend les sociétés de personnes. Auparavant, la définition excluait expressément les sociétés de personnes. En conséquence de cette modification, une société de personnes assujettie à l’impôt à l’échelon de l’entité au Canada ou au R.‑U. pourrait se qualifier à titre de résident d’un État contractant selon le critère décrit au paragraphe 4(1). Au Canada, les seules sociétés de personnes assujetties à l’impôt sont les « sociétés de personnes qui sont des EIPD » (entités intermédiaires de placement déterminées). Toutefois, comme une société de personnes qui est une EIPD n’est assujettie à l’impôt que sur le revenu et les gains tirés de biens hors portefeuille, rien ne permet d’affirmer qu’une telle société de personnes serait un résident du Canada pour l’application de la Convention Canada ‑ R.-U.

Deuxièmement, le Protocole interprétatif stipule qu’un élément de revenu ou de gain qui est réalisé par une S.R.L. du R.‑U. dont le siège de direction effective est situé au Royaume‑Uni et qui est transparente aux fins fiscales anglaises sera considéré comme le revenu ou le gain de ses associés dans la mesure où ils résident au Royaume-Uni. Cette disposition vise vraisemblablement à assurer qu’une S.R.L. du R.‑U. qui est transparente aux fins fiscales anglaises sera traitée selon l’approche du conduit aux fins d’application de la Convention Canada ‑ R.-U. aux associés résidant au R.‑U., que la S.R.L. du R.‑U. soit ou non considérée comme une société de personnes en vertu des principes fiscaux canadiens.

Bénéfices des entreprises et prix de transfert

L’article 7 (« Bénéfices des entreprises ») de la Convention Canada ‑ R.-U. prévoit de manière générale que les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que par cet État, sauf si l’entreprise exerce son activité dans l’autre État par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Dans ce dernier cas, l’autre État peut prélever de l’impôt sur les bénéfices de l’entreprise qui sont attribuables à l’établissement stable qui y est situé. Les paragraphes 7(2) à 7(4) énoncent certains principes applicables au calcul des bénéfices d’une entreprise qui sont attribuables à un établissement stable.

Le Protocole modifie l’article 7 de façon à le rendre conforme à l’article 7 du Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune (Modèle de Convention de l’OCDE).[1] Les versions actuelle et modifiée du paragraphe 7(2) stipulent toutes deux que le montant des bénéfices attribuables à un établissement stable donné d’une entreprise doit être calculé comme si l’établissement stable avait constitué une entreprise distincte exerçant « des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues ». La version modifiée adopte toutefois le libellé du paragraphe 7(2) du Modèle de Convention de l’OCDE et stipule que le calcul en question doit être effectué « compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés par l’entreprise par l’intermédiaire de l’établissement stable et des autres parties de l’entreprise ».

Le Protocole instaure également le nouveau paragraphe 7(3), selon lequel, lorsqu’un État contractant ajuste à la hausse la partie des bénéfices d’une entreprise qui sont attribuables à un établissement stable qui y est situé, l’autre État doit procéder à un ajustement à la baisse correspondant dans la mesure requise pour éliminer la double imposition. Les autorités compétentes de chaque État sont tenues de se consulter au besoin afin d’harmoniser leurs cotisations de l’entreprise. Cette disposition figure dans le Modèle de Convention de l’OCDE.

Aux termes du paragraphe 9(2) de la Convention Canada ‑ R.-U, lorsqu’un État contractant procède à un redressement des prix de transfert qu’il a le droit d’effectuer, l’autre État est tenu de procéder à un ajustement approprié du montant de l’impôt qu’il a perçu sur les bénéfices applicables de l’entreprise associée qui y est située. Toutefois, en général, le paragraphe 9(3) prévoit que l’autre État n’est tenu de procéder à un tel ajustement que si, dans un délai de six ans de la fin de l’année d’imposition (au Canada) ou de la période d’imposition (au Royaume‑Uni) à laquelle le redressement initial se rapporte, l’autorité compétente de l’autre État a été avisée que l’ajustement initial a été fait ou proposé. Le Protocole remplace le paragraphe 9(3) et stipule qu’un État contractant ne peut procéder à un « ajustement principal » (terme non défini) du revenu d’une entreprise après la première des dates suivantes : (i) l’expiration du délai prévu par le droit interne, et (ii) huit ans après la fin de l’année d’imposition à laquelle le revenu en question se rapporte.

Dividendes reçus par des organismes de pension

Le Protocole modifie l’article 10 (« Dividendes ») par l’ajout de deux nouvelles dispositions, à savoir les paragraphes 10(3) et 10(4), de façon à éliminer la retenue d’impôt sur les dividendes payés par un résident d’un État contractant à des organismes constitués et exploités exclusivement pour administrer ou fournir des prestations en vertu d’un ou de plusieurs régimes de pension reconnus. La nouvelle exonération relative à la retenue d’impôt s’appliquera à tout dividende payé par un résident d’un État contractant à un tel organisme constitué et exploité dans l’autre État, aux conditions suivantes : (i) l’organisme est le bénéficiaire effectif du dividende, détient les actions sur lesquelles le dividende a été payé en tant qu’investissement et est généralement exonéré d’impôt dans son État de résidence, (ii) l’organisme n’est pas directement ou indirectement propriétaire d’actions représentant plus de 10 % des droits de vote ou de la valeur de l’ensemble des actions du payeur de dividende, et (iii) chaque régime de pension reconnu verse des prestations principalement à des personnes physiques qui résident dans l’autre État.

Intérêts

Parmi les principaux changements devant être mis en œuvre par le Protocole figure l’instauration du nouvel alinéa 11(3)c), qui élimine la retenue d’impôt sur les intérêts payés par un résident d’un État contractant à un résident de l’autre État. Toutefois, le taux nul de la retenue d’impôt ne s’applique pas si le bénéficiaire effectif des intérêts a un lien de dépendance avec le payeur (à la différence de ce que stipule la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis [1980]) ou si les intérêts sont « conditionnels à l’utilisation de biens ou dépendent de la production en provenant ou sont calculés en fonction soit des recettes, des bénéfices, de la marge d’autofinancement, du prix des marchandises ou d’un critère semblable, soit des dividendes payés ou payables aux actionnaires d’une catégorie d’actions du capital-actions d’une société » (couramment appelés « intérêts sur des créances participatives »). Le Protocole interprétatif prévoit que la question de savoir si celui qui paie et celui qui reçoit des intérêts ont ou non entre eux un lien de dépendance est généralement déterminée selon le droit interne.

Les modifications touchant l’article 11 correspondent à des modifications apportées récemment à la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (Loi de l’impôt), lesquelles éliminent de façon générale la retenue d’impôt canadienne sur les intérêts (autres que les intérêts sur des créances participatives) payés à un non‑résident avec lequel le payeur n’a pas de lien de dépendance. Toutefois, la division 212(1)b)(i)(B) de la Loi de l’impôt stipule que les intérêts payés par un résident du Canada à un non‑résident « relativement à » un titre de créance payable à une personne avec laquelle le payeur a un lien de dépendance demeurent assujettis à la retenue d’impôt canadienne même si le non‑résident qui reçoit les intérêts n’a aucun lien de dépendance avec le payeur. Cette disposition a été promulguée à la suite de la décision rendue dans l’affaire Lehigh Cement Ltd. c. R.,[2] laquelle portait sur la situation où une société qui avait prêté de l’argent à un emprunteur avec lequel elle avait un lien de dépendance et avait ensuite vendu le coupon d’intérêt à une personne avec laquelle l’emprunteur n’avait pas de lien de dépendance. La Cour d’appel fédérale a conclu que les intérêts payés par l’emprunteur à l’acheteur du coupon devaient être considérés comme payés à une personne avec laquelle l’emprunteur n’avait pas de lien de dépendance, même si le principal de l’obligation était dû par l’emprunteur à une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance. L’exonération de la retenue d’impôt aux termes de l’alinéa 11(3)c) exige seulement que le « bénéficiaire effectif des intérêts » n’ait aucun lien de dépendance avec le payeur, de sorte que la Convention Canada ‑ R.-U. pourrait éliminer toute retenue d’impôt qui serait payable par ailleurs aux termes de la division 212(1)b)(i)(B) dans une situation similaire à celle de l’affaire Lehigh, où un résident canadien paie des intérêts à un résident du Royaume-Uni avec lequel il n’a pas de lien de dépendance, mais où le principal de l’obligation est payable à une personne avec qui il a un lien de dépendance. Cependant, le nouveau paragraphe 11(9) énonce que les dispositions de l’article 11 ne s’appliquent pas si le but principal, ou l’un des buts principaux, de toute personne concernée par la création ou la cession de la créance à l’égard de laquelle les intérêts sont payés est de tirer avantage de l’article 11 par cette création ou cession. Cette disposition limitera probablement une telle planification.

Procédure amiable

Le Protocole abroge l’article 23 (« Procédure amiable ») en totalité et le remplace par une disposition similaire imposant des délais à l’égard de certaines mesures prises conformément à la Convention Canada ‑ R.-U. En particulier :

  • Aux termes du nouveau paragraphe 23(1), un résident d’un État contractant qui estime que les mesures prises par une autorité compétente ou par les deux autorités compétentes entraîneront une imposition non conforme aux principes de la Convention Canada ‑ R.-U. doit demander un allègement à l’autorité compétente dans un délai de trois ans « de la première notification de la mesure qui entraîne une imposition non conforme » à la Convention Canada ‑ R.-U.
  • Aux termes du nouveau paragraphe 23(3), un État contractant ne peut procéder à un « ajustement principal » du revenu d’un résident d’un État contractant qui est assujetti à l’impôt dans l’autre État après la première des dates suivantes : (i) l’expiration du délai prévu par le droit interne, et (ii) huit ans après la fin de l’année d’imposition à laquelle le revenu en question se rapporte.

Échange de renseignements et assistance en matière de recouvrement des impôts

Le Protocole propose l’ajout à la Convention Canada ‑ R.-U. des nouveaux articles 24 (« Échange de renseignements ») et 24A (« Assistance en matière de recouvrement des impôts »), qui adoptent en fait les articles 26 et 27 du Modèle de Convention de l’OCDE. Ces dispositions figurent maintenant couramment dans les conventions fiscales canadiennes.

Imposition des employés détachés

Aux termes de la Convention Canada ‑ R.-U, la rémunération qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi peut être imposée par un autre État si l’emploi est exercé dans cet autre État. Toutefois, cette rémunération est imposable seulement dans l’État de résidence si : (i) le bénéficiaire séjourne dans l’État de source pendant une ou plusieurs périodes n’excédant pas au total 183 jours au cours de l’année civile considérée, (ii) la rémunération est payée par un employeur ou pour le compte d’un employeur qui n’est pas résident de l’État de source, et (iii) la charge de cette rémunération n’est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l’employeur a dans l’État d’origine. Le Protocole modifiera la première condition de façon que l’employé puisse seulement séjourner dans l’État de source pendant une ou plusieurs périodes n’excédant pas au total 183 jours durant toute période de 12 mois commençant ou prenant fin dans l’exercice considéré. Cette modification touchera de nombreux détachements plus longs chevauchant la fin d’une année civile.

Gains en capital

Le Protocole ne modifie pas l’article 13 (« Gains en capital ») de la Convention de façon à supprimer l’alinéa 13(7)b), selon lequel, pour déterminer si une participation dans une société de personnes ou dans une fiducie ou une action non cotée tire sa valeur ou la majeure partie de sa valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers situés dans un État, le terme « biens immobiliers » ne comprend pas les biens réels (autres que les biens locatifs) dans lesquels une activité est exercée par la société de personnes, la fiducie ou la société.

Le Canada prélève de l’impôt sur les gains en capital réalisés par un non‑résident à l’aliénation d’un « bien canadien imposable », terme défini de façon à inclure certaines actions et certaines participations dans des fiducies ou dans des sociétés de personnes si, en général, à tout moment donné au cours de la période de 60 mois prenant fin au moment de l’aliénation, plus de 50 % de la juste valeur marchande de l’action ou de la participation dérivait directement ou indirectement de biens immeubles ou réels situés au Canada, d’avoirs miniers canadiens, d’avoirs forestiers et / ou d’options ou de droits sur de tels biens.

Le paragraphe 13(5) de la Convention Canada ‑ R.-U. permet à un État contractant d’imposer un gain réalisé par un résident de l’autre État sur l’aliénation d’une participation dans une société de personnes ou dans une fiducie ou d’une action non cotée tirant sa valeur ou la majeure partie de sa valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers situés dans l’État contractant. Aux termes du paragraphe 13(6), cependant, le paragraphe 13(5) ne s’applique pas si le cédant, seul ou avec toute personne lui étant liée ou associée, était propriétaire de moins de 10 % de chaque catégorie d’actions de la société, ou de participations dans la fiducie ou dans la société de personnes lui donnant droit à moins de 10 % du revenu et du capital de la fiducie ou de la société de personnes.

Un résident du Royaume-Uni qui aliène une action ou une participation dans une fiducie ou dans une société de personnes qui constituerait par ailleurs un bien canadien imposable, mais qui tire sa valeur principalement de biens réels canadiens dans lesquels une activité est exercée (par exemple une mine ou un puits de pétrole ou de gaz), peut invoquer le paragraphe 13(8) pour exonérer de l’impôt canadien tout gain découlant de l’aliénation.

Le ministère des Finances aurait déclaré auparavant qu’il ne considérait plus cette large « exonération des biens d’entreprise » comme conforme aux objectifs de sa politique et que, par conséquent, il chercherait à faire concorder les définitions de biens réels ou immobiliers énoncées dans les conventions fiscales du Canada avec les dispositions du Modèle de Convention de l’OCDE et la définition de « bien canadien imposable » énoncée dans la Loi de l’impôt. La convention avec Hong Kong et la convention (non ratifiée) avec la Nouvelle-Zélande conclues récemment, par exemple, sont conformes à cette politique. Cet objectif n’a pas été atteint dans le Protocole, mais rien ne permet d’affirmer qu’il faut y voir un changement dans la politique ou simplement le résultat de concessions accordées dans le cadre des négociations relatives à la convention.

Entrée en vigueur

Le Protocole requiert la ratification par le Canada et le Royaume-Uni avant d’entrer en vigueur. Au Canada, les dispositions relatives à la retenue d’impôt entreront en vigueur le 1er janvier de l’année civile suivant la ratification du Protocole, et les autres dispositions s’appliqueront aux années d’imposition commençant après cette date.[3]
[1]
En date du 22 juillet 2010.
[2] [2010] 5 C.T.C. 13 (F.C.A.).
[3] Protocole, alinéa XVI(1)a).

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