Passer au contenu directement.

Le projet de loi 39 – Loi sur les régimes volontaires d’épargne-retraite

Le 8 mai 2013, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 39, Loi sur les régimes volontaires d’épargne-retraite (Projet de loi). Le 17 avril 2013, un comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois avait publié le rapport D’Amours pour recommander au gouvernement de rapidement mettre sur pied les régimes volontaires d’épargne-retraite. Le rapport D’Amours dressait un portrait du système de retraite québécois et proposait un ensemble de recommandations pour en assurer la viabilité, tout en considérant les nouvelles réalités économiques et démographiques.

Le Projet de loi suit un grand nombre des recommandations du rapport D’Amours. Il crée un nouveau type de régime de retraite, le régime volontaire d’épargne-retraite (le RVER) accessible, dans la mesure où les règles fiscales le permettent, à tous les particuliers, y compris les travailleurs autonomes et les travailleurs dont l’employeur ne souscrit pas un tel régime. Il a pour but d’encourager l’épargne-retraite chez les travailleurs québécois.

En résumé, le Projet de loi édicte que les RVER seront administrés par des assureurs, des sociétés de fiducie ou des gestionnaires de fonds d’investissement et que ceux-ci devront à cette fin être titulaires d’une autorisation de l’Autorité des marchés financiers. De plus, les régimes devront être enregistrés auprès de la Régie des rentes du Québec.

Le Projet de loi prévoit également que, sans toutefois y être tenus, tout particulier ainsi que tout employeur, pour le compte de ses employés, pourront cotiser à un RVER. Toutefois, les employeurs ayant cinq employés et plus qui justifient d’un an de service continu au sens de la Loi sur les normes du travail1 et qui ne bénéficient pas d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou d’un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) pour lequel une retenue à la source pourrait être effectuée ou d’un régime de pension agréé (RPA) devront automatiquement inscrire ces employés au régime. Ces derniers pourront toutefois renoncer à y participer.

Le Projet de loi indique également que c’est au participant qu’il reviendra d’établir le taux de sa cotisation au régime et, dans le cas où l’administrateur du régime offrirait, en plus de l’option par défaut, d’autres options de placement, de déterminer l’option de placement qui s’appliquera à lui. Le participant pourra aussi cesser en tout temps le versement de ses cotisations au régime ou, sous certaines conditions, établir son taux de cotisation à 0 %.

Le Projet de loi établit les autres conditions et modalités applicables à l’institution et à l’administration de ces régimes volontaires et indique à cette fin les fonctions et pouvoirs qui seront conférés à la Régie des rentes du Québec, à l’Autorité des marchés financiers et à la Commission des normes du travail.

Si le Projet de loi est adopté, la loi entrera en vigueur le 1er janvier 2014. Toutefois, les employeurs visés par le Projet de loi bénéficieront de deux ans à compter du 1er janvier 2014 pour se conformer aux obligations qui y sont prévues.

Dans le cadre de cet article, nous ferons un survol des principales obligations que devront respecter les employeurs visés par le Projet de loi, s’il est adopté.

1. Quels employeurs et employés sont visés par le Projet de loi?

Tout employeur ayant un établissement au Québec pourra offrir un RVER à ses employés. Toutefois, l’employeur qui, au 31 décembre d’une année, compte cinq employés visés ou plus à son service devra, dans l’année qui suit, souscrire un RVER et inscrire automatiquement ces employés au régime. À noter toutefois que l’employeur qui comptera cinq employés visés ou plus à son service le 31 décembre 2013 disposera de deux ans, à compter du 1er janvier 2014, pour se conformer à ses obligations.

Les employés visés sont les salariés au sens de la Loi sur les normes du travail2 qui exécutent un travail au Québec (ou ceux visés par l’un des paragraphes 1° et 2° de l’article 2 de cette loi3), qui justifient d’un an de service continu4 et qui ne bénéficient pas déjà d’un REER ou d’un CELI dans l’entreprise de l’employeur pour lequel une retenue salariale pourrait être effectuée, ou d’un RPA au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu5 auquel cet employeur est partie (Employés visés).

2. Quelles sont les principales obligations des employeurs visés?

Un employeur devra, au moins 30 jours avant de souscrire un RVER auprès d’un administrateur d’un tel régime, aviser chacun de ses employés par écrit. Cet avis devra informer les employés (i) de l’intention de l’employeur de souscrire à un tel régime, (ii) de toute relation d’affaires qu’il entretient avec cet administrateur, (iii) du fait que les Employés visés seront inscrits automatiquement au régime et qu’ils auront la possibilité de renoncer à y participer, (iv) du fait que l’employeur transmettra à l’administrateur les renseignements personnels prévus par règlement concernant les Employés visés et tout autre employé qui aurait fait la demande d’être inscrit au régime, (v) l’obligation pour un employé qui n’est pas un Employé visé et qui veut adhérer au régime de l’en aviser, (vi) du fait que l’employé peut décider du taux de sa cotisation au régime, (vii) le cas échéant, de la cotisation que l’employeur s’engage à verser au régime ou de la méthode pour la calculer et (viii) de tout autre renseignement prévu par règlement.

L’employeur qui a souscrit un RVER devra ensuite inscrire automatiquement au régime tout Employé visé ainsi que tout employé qui en fait la demande. Il dispose d’un délai 30 jours pour le faire.

Les employeurs devront également offrir à nouveau le régime à tout Employé visé qui aura renoncé à participer au régime ou offrir de reprendre le versement de ses cotisations au régime à tout employé qui en aura cessé le versement.

Les obligations prévues aux deux paragraphes précédents s’appliquent même si le nombre d’Employés visés au service de l’employeur devient inférieur à cinq, à moins que, tant que le nombre d’Employés visés demeure inférieur à cinq, tous les Emplyés visés aient renoncé à participer au régime ou aient cessé d’y verser des cotisations.

Les employeurs seront autorisés à changer de RVER, mais ils devront alors acquitter les frais relatifs au transfert des comptes de leurs employés.

Les employeurs n’encourront aucune responsabilité découlant des actes ou des omissions de l’administrateur du régime. Toutefois, les employeurs devront fournir tout document et tout renseignement nécessaire sur demande de l’administrateur. Ils devront aussi informer l’administrateur de la cessation d’emploi et de la cessation de versement des cotisations d’un employé qui participe au régime dans un délai de 30 jours suivant la date de cessation d’emploi ou la date de la réception de l’avis à cet effet.

De plus, les employeurs, sous peine d’une amende, devront refuser tout incitatif qui pourrait leur être proposé par l’administrateur afin de les amener à conclure un contrat qui permettrait à l’administrateur d’offrir un régime de retraite aux employés.

3. Cotisation

Les employeurs ne sont pas tenus de cotiser au régime pour le compte de leurs employés. S’ils décident de le faire, ils pourront modifier la cotisation en avisant par écrit leur administrateur et les employés concernés. Lorsque cette modification a pour effet de réduire sa cotisation, elle ne pourra prendre effet avant le 30e jour qui suivra la date de l’envoi de l’avis.

À compter du 61e jour suivant l’envoi de l’avis par l’administrateur, les employeurs devront retenir, pour chaque période de paie, la cotisation des employés participants sur leur salaire. Le taux de la cotisation du participant au RVER aura été établi par ce dernier dans les 60 jours de la date de l’envoi de l’avis transmis par l’administrateur ou à défaut, le taux de cotisation fixé par règlement s’appliquera.

Les employeurs devront, au plus tard le dernier jour du mois qui suit celui de la perception des cotisations des participants, verser celles-ci au régime, en plus des cotisations qu’ils se sont engagés à verser pour le compte des participants, le cas échéant. Si les employeurs ne respectent pas ce délai, ils devront verser des intérêts sur les cotisations dues.

4. Administration du régime

L’administration du RVER doit être faite par un administrateur titulaire d’une autorisation de l’Autorité des marchés financiers. Un RVER doit être enregistré à la Régie des rentes du Québec et c’est l’administrateur qui a la responsabilité de faire la demande d’enregistrement du régime et de ses modifications.

5. Surveillance des RVER et de l’application du Projet de loi

(a) Régie des rentes du Québec

La Régie des rentes du Québec surveillera l’administration et le fonctionnement des RVER afin de s’assurer qu’ils sont conformes à la loi. Pour l’exercice de ses fonctions, la Régie des rentes du Québec pourra notamment donner des instructions relativement à l’application de la loi, faire des inspections concernant les régimes et exiger des documents ou des renseignements nécessaires pour l’application de la loi auprès des employeurs ou de leur administrateur. La Régie des rentes du Québec pourra également rendre des ordonnances prescrivant à l’administrateur d’un régime ou à un employeur de prendre des mesures régulatrices dans des situations précises.

(b) Autorité des marchés financiers

 

L’Autorité des marchés financiers sera responsable d’accorder, de suspendre, de révoquer, d’annuler ou de retirer une autorisation d’agir comme administrateur d’un RVER dans les cas prévus dans le Projet de loi. Elle tiendra aussi un registre des administrateurs autorisés. 

(c) Commission des normes du travail

 

La Commission des normes du travail aura le même pouvoir d’enquête qui lui est accordé en vertu de la Loi sur les normes du travail afin de s’assurer que les employeurs respectent leurs obligations prévues dans le Projet de loi.

 


1 Chapitre N-1.1.

2 Chapitre N-1.1.

3Loi sur les normes du travail, chapitre N-1.1 :

 

2.   1° au salarié qui exécute, à la fois au Québec et hors du Québec, un travail pour un employeur dont la résidence, le domicile, l'entreprise, le siège ou le bureau se trouve au Québec;
      2° au salarié, domicilié ou résidant au Québec, qui exécute un travail hors du Québec pour un employeur visé dans le paragraphe 1°;

4Loi sur les normes du travail, chapitre N-1.1 :

1. 12° «service continu»: la durée ininterrompue pendant laquelle le salarié est lié à l'employeur par un contrat de travail, même si l'exécution du travail a été interrompue sans qu'il y ait résiliation du contrat, et la période pendant laquelle se succèdent des contrats à durée déterminée sans une interruption qui, dans les circonstances, permette de conclure à un non-renouvellement de contrat.

5 L.R.C. (1985), ch. 1.

6 Chapitre N-1.1.