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Le Canada envisage d’imposer une surtaxe de 100 % sur certaines importations en provenance des États-Unis

Le gouvernement du Canada a annoncé qu’il envisage d’imposer une surtaxe de rétorsion de 100 % sur les importations de certains produits en provenance des États-Unis1.Par cette surtaxe, le Canada répondrait à l’omission des États-Unis de se conformer à des décisions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) voulant que les États-Unis, par leurs prescriptions en matière d’étiquetage indiquant le pays d’origine (EPO) émanant du Farm Bill de 2008 (Farm Bill)2 et discriminant le bétail canadien (et mexicain), manquent à leurs engagements à l’OMC. Les consultations publiques sont en cours, et les sociétés qui importent des produits visés doivent veiller sans tarder à se protéger contre les effets possibles des mesures de rétorsion du Canada.

Les prescriptions en matière d’EPO

L’étiquetage de la viande aux États-Unis est un sujet très litigieux pour l’industrie canadienne de l’élevage bovin et porcin. En vertu du Farm Bill, la plupart des détaillants des États-Unis sont tenus d’informer les consommateurs du pays d’origine de la viande hachée et musculaire de bœuf, de porc, d’agneau, de poulet et de chèvre. D’autres lois des États-Unis ont déjà prescrit un tel étiquetage, mais seulement pour les produits alimentaires préemballés pour la vente au détail.

Plainte du Canada à l’OMC

Le gouvernement du Canada a contesté devant l’OMC la mise en œuvre des prescriptions en matière d’EPO du Department of Agriculture des États-Unis (USDA), notamment quant aux règles d’étiquetage de la viande et des produits carnés. Le gouvernement du Canada, appuyé par les exportateurs de bétail canadien, a fait valoir que ces prescriptions sont des mesures discriminatoires et constituent des obstacles au commerce, en ce qu’elles réduisent la valeur et le nombre des bovins et des porcs expédiés aux États-Unis. L’Organe d’appel de l’OMC (OAOMC) a fait droit à ces arguments et a statué en juin 20123 que les prescriptions en matière d’EPO accordent un traitement moins favorable aux bovins et aux porcs importés par rapport au bétail national similaire. L’OAOMC a toutefois aussi statué que les prescriptions EPO visent un objectif légitime, soit fournir aux consommateurs des renseignements complets sur l’origine des produits carnés.

Les États-Unis avaient jusqu’au mois de mai 2013 pour rajuster leurs prescriptions en matière d’EPO, en conformité avec leurs engagements à l’OMC. Le 23 mai 2012, les États-Unis ont apporté des modifications à leurs prescriptions et adopté une règle définitive aux termes de laquelle l’étiquette doit indiquer le pays de chaque étape de production (p. ex., né dans tel pays, élevé et abattu dans tel autre pays) et il est interdit de mélanger de la viande musculaire de différentes origines4.

Le Canada rejette les prétentions des États-Unis voulant que les nouvelles prescriptions ainsi modifiées soient désormais conformes à l’OMC, et il est plutôt d’avis qu’elles sont encore plus dommageables et discriminatoires. C’est pourquoi, le 20 août 2013, le Canada a demandé l’établissement d’un groupe spécial chargé de déterminer si la règle définitive américaine est conforme ou non aux conclusions de l’OMC. S’il est établi que ces modifications ne le sont pas, le Canada peut demander à l’OMC l’autorisation d’imposer des mesures de rétorsion concomitantes aux dommages résultant des prescriptions attaquées.

Mesures de rétorsion contre les importations en provenance des États-Unis

Le Canada a annoncé que la mesure de rétorsion consisterait en une surtaxe de 100 % sur les importations de certains produits en provenance des États-Unis. Si le différend relatif à l’EPO devait aboutir à des mesures de rétorsion, les demandes d’indemnisation pourraient être de l’ordre de 1 à 2 milliards de dollars. Selon le Conseil canadien du porc, les prescriptions en matière d’EPO coûtent 500 millions de dollars par année à l’industrie canadienne de l’élevage porcin5, tandis que l’industrie canadienne de l’élevage bovin estime à 639 millions de dollars ses pertes annuelles attribuables auxdites prescriptions6.

L’annonce canadienne est accompagnée d’une liste de produits que le gouvernement du Canada viserait par cette surtaxe de rétorsion. En général, les produits visés sont des produits importés des États-Unis et offerts par des exportateurs ardents défenseurs des prescriptions américaines.

Les sociétés importatrices qui en seraient touchées sont encouragées à examiner attentivement la liste des produits visés et à préparer leurs mémoires à l’intention du gouvernement du Canada dans le cadre des consultations publiques plus amplement décrites ci-après.

Importations visées

Le gouvernement canadien propose d’imposer une surtaxe de 100 % sur les groupes de produits suivants :

  • animaux vivants et viandes de l’espèce bovine et de l’espèce porcine;
  • fromages;
  • pommes, cerises, mais et pommes de terre;
  • volaille;
  • glucose et sirop de glucose;
  • fructose et sirop de fructose;
  • chocolat et autres préparations alimentaires contenant du cacao;
  • pâtes alimentaires (même cuites ou farcies de viande ou d’autres substances);
  • produits à base de céréales, y compris des céréales de petits déjeuners;
  • produits de boulangerie, de pâtisserie ou de biscuiterie;
  • jus d’orange surgelé;
  • ketchup de tomates et autres sauces tomates;
  • vins;
  • alcools éthyliques et eaux-de-vie;
  • sucres;
  • peptones et leurs dérivés;
  • matières protéiques;
  • articles de bijouterie ou de joaillerie en métaux précieux;
  • tubes, tuyaux et profiles creux;
  • parties d’appareils de cuisine, notamment des cuisinières, chaudières à foyer, cuiseurs et barbecues;
  • boulets pour broyeurs;
  • sièges pivotants;
  • meubles de bureau en bois;
  • matelas.

Consultations publiques

Les importateurs et entreprises manufacturières du Canada touchés par la mesure de rétorsion ont, dans le cadre des consultations publiques, la possibilité de faire des observations sur les produits qui devraient ou ne devraient pas être visés par la surtaxe. Il est possible d’influer sur la décision finale quant au choix des importations visées par la surtaxe en faisant valoir, par exemple, que l’imposition de la surtaxe à tel ou tel produit nuirait davantage aux importateurs canadiens qu’aux exportateurs des États-Unis.

On peut consulter l’invitation à commenter publiée dans la Gazette du Canada, ainsi qu’une liste des produits visés et leurs numéros tarifaires à l’adresse www.gazette.gc.ca/rp-pr/p1/2013/2013-06-15/html/notice-avis-fra.html.

Les observations doivent être soumises par écrit aux Consultations, rétorsion EPO, Division de la politique commerciale internationale du ministère des Finances et ce, le plus tôt possible.

Les sociétés qui importent les produits visés des États-Unis devraient en particulier envisager de déposer un mémoire s’il devient difficile pour elles de trouver des fournisseurs de rechange ou de transférer à leurs clients le coût des intrants ainsi doublé. Certaines entreprises manufacturières canadiennes pourraient en outre trouver avantageux d’appuyer l’imposition de la surtaxe sur des importations de produits concurrents.


1Ministère des Finances, invitation à commenter sur de possibles mesures de rétorsion commerciales contre les États-Unis en réponse à leur non-conformité avec une décision de l’Organisation mondiale du commerce concernant certaines prescriptions en matière d’étiquetage indiquant le pays d’origine. Gazette du Canada, Partie I, 15 juin 2013, page 1459.
2Farm Bill de 2002, (P.L. 107-171, en sa version modifiée par le Farm Bill de 2008 (P.L. 110-246).
3 États-Unis – Certaines prescriptions en matière d’étiquetage indiquant le pays d’origine (EPO) AB-2012-3WT/DS384/AB/R/WT/DS386/AB/R, 29 juin 2012.
4 USDA, AMS, Mandatory Country of Origin Labeling of Beef, Pork …, 78 Federal Register 31367, 24 mai 2013. Règle modifiant 7C.F.R. 60.124, 65.240 et 65.300.
5 Conseil canadien du porc, Rapport du CCP sur les dommages causés à l’industrie canadienne du porc par la mention obligatoire du pays d’origine, communiqué de presse, 14 janvier 2013.
6 Dan Sumner, Canadian Losses from U.S. COOL Implementation, préparé pour la Canadian Cattlemen’s Association, 27 septembre 2012.

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