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Le Canada annonce une nouvelle initiative de divulgation des paiements aux gouvernements

Le 12 juin 2013, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a annoncé la mise en œuvre d’une nouvelle initiative en matière de transparence au Canada aux termes de laquelle les sociétés canadiennes qui exercent leurs activités dans les secteurs de l’extraction, y compris l’extraction minière, du pétrole et du gaz, seront tenues de divulguer les paiements qu’elles versent aux gouvernements nationaux et étrangers.

Cette initiative canadienne fait suite à des mesures semblables qui ont été adoptées par l’Union européenne et les États-Unis, lesquels ont déjà mis en œuvre des exigences de divulgation obligatoire des paiements pour leurs sociétés minières, pétrolières et gazières.

Divulgation des paiements aux termes de la loi Dodd Frank des États-Unis

En vertu de la loi américaine intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act (loi Dodd Frank)1, les sociétés pétrolières, gazières et minières inscrites à la cote d’une bourse des valeurs aux États-Unis sont tenues de divulguer les paiements qu’elles versent aux gouvernements hôtes. Les sociétés qui exercent des activités de développement commercial de pétrole, de gaz naturel et de minéraux sont tenues d’inclure dans leurs rapports annuels des renseignements concernant tout paiement versé par la société, une filiale ou une entité contrôlée par la société au gouvernement fédéral américain ou à un gouvernement étranger relativement à ce développement commercial. Selon la Security and Exchange Commission (SEC) des États-Unis, l’exigence de déclaration vise plus de 1 100 sociétés, dont environ 90 % sont des sociétés d’exploitation pétrolière qui exercent leurs activités à l’échelle internationale.

Le 22 août 2012, la SEC a publié son règlement définitif (Final Rule) qui met en œuvre l’obligation, pour les sociétés pétrolières, gazières et minières, de divulguer les paiements versés aux gouvernements2. Cette obligation a toutefois été récemment contestée devant la Cour d’appel des États-Unis.

Le 26 avril 2013, la Cour d’appel a conclu que cette contestation doit d’abord être entendue par un tribunal d’instance inférieure. La Cour d’appel a statué que le règlement de la SEC relatif à la divulgation est assujetti à une loi qui prescrit que l’examen doit être effectué par la Cour de district des États-Unis qui est le tribunal compétent pour de nombreux règlements adoptés par la SEC3. Cette décision pourrait créer une grande incertitude pour les sociétés qui doivent commencer à se conformer aux règles au début de l’année prochaine.

Initiatives de l’Union européenne

Le 12 juin 2013, dans la même lignée que la nouvelle initiative du Canada et conformément aux règles de divulgation adoptées en vertu de la loi Dodd-Frank aux États-Unis, le Parlement européen a voté une loi qui oblige les sociétés pétrolières, gazières et minières à publier les paiements qu’elles versent aux gouvernements et à communiquer les renseignements sur leurs bénéfices dans chaque pays4. Il est à noter que, contrairement au système de déclaration de la loi Dodd-Frank, le régime européen s’applique également au secteur forestier.

Aux termes du nouveau régime européen, les sociétés européennes seront tenues de déclarer les paiements supérieurs à 100 000 € versés au gouvernement d’un pays dans lequel elles exercent leurs activités, y compris les taxes et impôts perçus sur leur revenu, leur production ou leurs profits, les redevances et les droits de licence. La loi spécifie que les sociétés doivent divulguer les paiements qu’elles versent à l’égard de chaque projet spécifiquement plutôt que de divulguer plus généralement les paiements versés au niveau gouvernemental.

Prochaines étapes pour le Canada

La nouvelle initiative de divulgation n’est qu’un début. Le gouvernement canadien a indiqué qu’il a l’intention de consulter les provinces et les territoires, les Premières nations et les groupes autochtones, les entreprises et les organismes civils pour élaborer et mettre en œuvre son régime de déclaration. Les détails spécifiques sur la façon dont le régime de déclaration sera mis en application et par qui, ainsi que sur les pénalités éventuelles pour le non-respect du régime doivent encore être examinés. La question de savoir si le régime proposé sera mis en œuvre en vertu des réglementations provinciales des valeurs mobilières ou d’un régime de déclaration fédéral applicable à tout le secteur de l’extraction demeure incertaine. Il sera important de veiller à ce que le nouveau régime canadien soit suffisamment semblable à celui des autres territoires, y compris les États-Unis et l’Union européenne, de façon à ce que les sociétés canadiennes ne soient pas aux prises avec des exigences de déclaration contradictoires qui compliqueraient leurs efforts de conformité dans de nombreux territoires.

Des ONG et des entreprises du secteur ont déjà formulé des règles possibles pour un régime de divulgation. Par exemple, le Groupe de travail sur la transparence dans les industries extractives du Canada, composé de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, de l’Association minière du Canada, de Publiez Ce Que Vous Payez – Canada et du Revenue Watch Institute, travaillent à l’élaboration d’un projet-cadre de déclaration depuis septembre 20125.

Le premier ministre Stephen Harper a indiqué que ce nouveau régime a déjà fait l’objet de consultations, qu’il fera l’objet de consultations supplémentaires et que le gouvernement est déterminé à suivre cette voie puisque ces renseignements sont essentiels pour que les citoyens puissent demander des comptes à leurs gouvernements. Bien que les détails n’aient pas encore été réglés, M. Harper a indiqué que cette initiative est essentielle pour « accroître la transparence et la reddition de comptes au sujet des paiements importants que les entreprises du secteur effectuent à tous les paliers de gouvernement au pays et à l’étranger, notamment sous forme d’impôts et de droits de permis ».

Mise en contexte

Cette initiative s’inscrit naturellement dans les efforts accrus du Canada pour mettre en œuvre sa législation anticorruption, y compris la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE). Au cours des deux dernières années, deux importantes déclarations de culpabilité en vertu de la LCAPE ont entraîné des sanctions d’environ 10 millions de dollars pour chaque société. De plus amples détails sur ces décisions et leurs conséquences pour les sociétés canadiennes sont présentés dans les articles Examen approfondi de l’affaire Griffiths Energy : Leçons et perspectives entourant l’application des lois anticorruption canadiennes et Une analyse plus approfondie de la première grande cause canadienne relative à la corruption d’agents publics étrangers : Niko Resources Ltd.

On peut également s’attendre à ce que les nouvelles exigences obligeant les sociétés canadiennes du secteur de l’extraction de déclarer tous les paiements versés aux gouvernements ainsi que l’alourdissement du fardeau de conformité augmentent la surveillance et aient par conséquent une incidence importante sur l’application des lois anticorruption canadiennes.


1 Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act.
2 Voir SEC Adopts Rules Requiring Payment Disclosures by Resource Extraction Issuers (22 août 2012) (en anglais seulement). La SEC a récemment publié des renseignements supplémentaires sur cette règle : voir Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act Frequently Asked Questions: Disclosure of Payments by Resource Extraction Issuers (30 mai 2013) (en anglais seulement).
3 Voir American Petroleum Institute v. U.S. Securities and Exchange Commission, 12-1398 (26 avril 2013) (en anglais seulement).
4 Voir European Parliament / News: "Oil, gas, mineral and logging firms obliged to disclose payments to governments(12 juin 2013).
5 Voir Background Q&A: Canadian Extractive Resource Revenue Transparency Working Group (6 septembre 2012) (en anglais seulement).

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