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Le Bureau de la concurrence publie une version provisoire des lignes directrices intitulées « Maintien des prix »

Le 20 mars 2014, le Bureau a publié, aux fins de consultation publique, une version provisoire des Lignes directrices sur son approche générale en ce qui concerne l’application de la loi au maintien des prix. Le maintien des prix (article 76 de la Loi sur la concurrence) se produit lorsqu’un fournisseur établit un prix annoncé minimal ou un prix de revente minimal de son produit. En 2009, dans le cadre d’importantes modifications apportées à la Loi sur la concurrence, le maintien des prix a été décriminalisé. Depuis cette date, de façon générale, le maintien des prix est permis. Ainsi, ce projet de lignes directrices est apprécié car il donne des indications sur la façon dont le Bureau appliquera la nouvelle disposition sur le maintien des prix aux pratiques commerciales courantes des fournisseurs comme le prix de revente minimal, le prix de détail suggéré et le prix annoncé minimal.

Contexte – Modifications et décriminalisation des dispositions sur le maintien des prix en 2009

En 2009, le maintien des prix a été décriminalisé et transformé en pratique susceptible d’examen en vertu des dispositions civiles de la Loi sur la concurrence. Sous l’ancien régime, constituait une infraction criminelle toute « tentative» de faire monter les prix ou d’en empêcher la réduction, et il n’était pas nécessaire de démontrer un effet négatif sur la concurrence. Les nouvelles dispositions civiles en matière de maintien des prix ne s’appliquent pas à la tentative et obligent le demandeur à démontrer que le maintien des prix a « pour effet de nuire à la concurrence ». Le commissaire de la concurrence, ou une partie privée autorisée par le Tribunal de la concurrence, devra donc démontrer que la mesure prise a eu un effet nuisible sur la concurrence dans un marché. Le maintien des prix s’applique aux prix annoncés de même qu’aux prix de vente. Il y a maintien des prix lorsque :

  • une personne fait monter ou empêche qu’une autre personne réduise le prix auquel elle vend ou annonce un produit, par entente, menace, promesse ou quelque autre moyen semblable;
  • une personne refuse de fournir un produit à une autre personne, ou prend une autre mesure discriminatoire à son endroit, en raison de son régime de bas prix;
  • dans les deux cas, le comportement a eu, a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché.

Lorsque ces conditions sont réunies, le Tribunal de la concurrence peut ordonner à une personne de cesser le comportement ou l’obliger à faire affaire avec le client aux conditions de commerce normales. Les parties privées peuvent demander au Tribunal l’autorisation de présenter une demande en vertu de l’article 76. Soulignons que le Tribunal n’a pas le pouvoir d’imposer une amende ou une autre sanction pécuniaire pour maintien des prix illégal, et il n’existe aucun droit d’action en dommages-intérêts.

La version provisoire des lignes directrices du Bureau sur le maintien des prix

La version provisoire des lignes directrices constitue un point de départ utile pour comprendre la façon dont le Bureau considère le maintien des prix et les pratiques commerciales courantes comme le prix de revente minimal, le prix de détail suggéré et le prix annoncé minimal. Les lignes directrices exposent la façon dont le Bureau détermine que les éléments du maintien des prix sont réunis, notamment en fournissant des exemples, des scénarios hypothétiques et des descriptions du type d’éléments de preuve dont le Bureau tiendra compte pour déterminer si l’article 76 s’applique. Les lignes directrices réfèrent également au jugement récent dans l’affaire Visa/MasterCard1.Reconnaissant que le maintien des prix est souvent proconcurrentiel, les lignes directrices en donnent des exemples, de même que des cas où le comportement est anticoncurrentiel.

Les intéressés peuvent formuler des commentaires sur la version provisoire des lignes directrices au plus tard le 2 juin 2014. On peut trouver un exemplaire de la version provisoire des lignes directrices ici.

Voici certains points saillants tirés de la version provisoire des lignes directrices :

  • Directement ou indirectement faire monter ou empêcher qu’on ne réduise les prix d’un détaillant :
    • l’augmentation des prix sur un marché en aval n’établit pas en soi qu’un fournisseur a directement ou indirectement fait monter ou empêché qu’on ne réduise les prix d’un détaillant;  
    • influence « directe » : se produit généralement lorsqu’un fournisseur précise au détaillant un prix particulier égal ou supérieur au prix auquel le détaillant doit vendre ou annoncer un produit;
    • influence « indirecte » : peut se produire lorsque le fournisseur influe sur le niveau des prix au moyen de mesures telles les conditions qu’il impose au détaillant. Les accords de parité peuvent aussi faire indirectement augmenter les prix d’un détaillant.
  • Il n’est pas nécessaire que le produit revendu soit identique au produit fourni par le fournisseur : Les lignes directrices mentionnent la décision récente dans Visa/MasterCard et soulignent que le Tribunal de la concurrence n’a pas jugé que le produit revendu par un détaillant doit être identique au produit du fournisseur. Elles donnent pour exemples un produit revendu qui est réemballé, redivisé, traité ou transformé ou qui est groupé avec d’autres produits que celui fourni, mais de façon que le produit fourni soit une composante importante du produit revendu.
  • Le refus de fournir peut être implicite : Le refus implicite peut porter sur le prix (p. ex. lorsque le prix de gros est manifestement plus élevé que le prix que le détaillant peut raisonnablement demander sur un marché en aval), ou être une mesure non liée au prix de la part d’un fournisseur (p. ex. le retard dans l’exécution des commandes ou le traitement incomplet des commandes).
  • Il n’est pas nécessaire que la personne visée par le refus de fournir soit un client actuel ou antérieur du fournisseur : L’article 76 peut s’appliquer lorsqu’une personne qui pratique habituellement un régime de bas prix (p. ex. les magasins de rabais) se voit refuser un produit qu’elle n’a jamais acheté ou revendu.
  • Régime de bas prix :
    • « Cause immédiate » du refus de fournir ou de la discrimination dans la fourniture du produit : Le régime de bas prix que pratique une personne ne doit pas forcément être la cause unique ni même principale du refus ou de la discrimination, mais un facteur qui motive la décision du fournisseur.
    • « Régime » (par opposition à une « pratique ») : Si un détaillant a manifesté son intention d’établir un « régime de bas prix », il peut être réputé en avoir implanté un même s’il ne l’a pas encore fait. À l’inverse, un détaillant qui a pratiqué des bas prix de façon limitée ou isolée n’est pas nécessairement considéré comme ayant adopté un « régime » de bas prix.
  • Effet de nuire à la concurrence :
    • Le pouvoir de marché est essentiel : Le Bureau se préoccupe du maintien des prix seulement lorsqu’il risque de créer, de conserver ou de renforcer un pouvoir de marché.
      • Le fournisseur ou le détaillant est-il en mesure, grâce à une pratique de maintien des prix, de maintenir de façon rentable ses prix au-dessus des prix concurrentiels?
      • Le Bureau tiendra compte du pouvoir de marché préexistant et de tout pouvoir de marché découlant de la pratique de maintien des prix.
      • Le Bureau tiendra compte des indicateurs directs (c.-à-d. rentabilité, prix supraconcurrentiels) et indirects (c.-à-d. part de marché2, y compris sa stabilité et sa répartition, les barrières à l’entrée, l’ampleur des changements technologiques et le pouvoir compensatoire des détaillants ou des fournisseurs) de pouvoir de marché.
    • L’effet nuisible est relatif : Pour déterminer si la pratique crée, conserve ou renforce un pouvoir de marché, le Bureau comparera le niveau de concurrence dans un marché soumis à la pratique de maintien des prix par rapport au marché qui serait observé en l’absence d’une telle pratique.
  • Cas où le maintien des prix est proconcurrentiel : Améliore les aspects non liés au prix de la concurrence intramarque (c.-à-d. niveaux de service et de stock) entre détaillants concurrents, encourage ces derniers à promouvoir un produit donné, remédie au « resquillage » chez les détaillants en aval. Lorsque le maintien des prix fait augmenter la demande, la pratique risque peu de créer, de préserver ou de rehausser un pouvoir de marché et d’avoir pour effet de nuire à la concurrence.
  • Cas où le maintien des prix est anticoncurrentiel : Entrave la concurrence entre les fournisseurs ou entre les détaillants, ou mène à l’exclusion de fournisseurs ou de détaillants.
    • Préjudice aux fournisseurs : Forclusion des canaux de distribution en aval et exclusion de fournisseurs qui, autrement, feraient concurrence à celui qui se livre à une telle pratique.
    • Préjudice aux détaillants : Pratique qui exclut les concurrents d’un détaillant et permet de maintenir les prix de manière rentable au-dessus (ou dans le cas des éléments de la concurrence autres que les prix, au-dessous) des prix qui seraient observés en l’absence de la pratique de maintien des prix.
  • Plus d’une personne peut pratiquer le maintien des prix : Lorsque plusieurs fournisseurs concurrents adoptent une pratique de maintien des prix, le Bureau peut prendre des mesures contre au moins l’un d’eux pour éliminer l’effet nuisible sur la concurrence. S’il y a entente entre ces concurrents, les dispositions criminelles sur le complot3 ou civiles sur la collaboration entre concurrents4 peuvent s’appliquer.
  • Règlement avant le dépôt de poursuites : De façon générale, les parties auront la possibilité de dissiper les préoccupations du Bureau et de proposer un règlement (officialisé par un consentement) avant que le Bureau n’entame des poursuites auprès du Tribunal de la concurrence.
  • Exemples hypothétiques illustrant l’analyse généralement appliquée : Parmi les exemples donnés, l’entente de publicité collective, le refus de fournir un détaillant et le fait de persuader un fournisseur de refuser de fournir un produit à une autre personne.


1La commissaire de la Concurrence c. Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated, 2013 Trib. conc. 10. Pour l’analyse de cette décision, voir notre article intitulé : Motifs de la décision dans l’affaire Commissaire de la concurrence c. Visa.
2 Une part de marché inférieure 35 % ne donne généralement pas lieu à un examen plus approfondi, mais, citant la décision Visa/Mastercard, le Bureau souligne qu’une entreprise qui possède une part de marché inférieure à 35 % pourrait exercer un certain pouvoir de marché dans certaines circonstances.
3 Article 45 de la Loi sur la concurrence.
4 Article 90.1 de la Loi sur la concurrence.

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