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La Cour supérieure du Québec autorise la Banque Nationale du Canada à exclure des propositions d’actionnaires présentées de façon abusive

Le 8 décembre 2009, la Cour supérieure du Québec a, par l’entremise de l’honorable juge Joel A. Silcoff, accueilli une demande de la Banque Nationale du Canada (la Banque) autorisant cette dernière à omettre quelque 38 propositions qu’un actionnaire a présentées à des fins d’inclusion dans la circulaire de sollicitation de procurations par la direction devant être distribuée avant son assemblée générale annuelle des actionnaires pour l’année 2010. Dans ses motifs, la Cour a clairement énoncé, pour la première fois, que des propositions qui sont « neutres » ou par ailleurs recevables à première vue peuvent néanmoins être légitimement exclues si le cadre dans lequel elles sont présentées montre un abus de la part de l’actionnaire.

Un actionnaire de la Banque ayant des antécédents contentieux et de confrontation avec la Banque a présenté 38 propositions à des fins d’inclusion dans la circulaire de sollicitation de procurations par la direction devant être distribuée avant l’assemblée générale annuelle des actionnaires pour l’année 2010 de la Banque. La Banque a refusé d’inclure les propositions de l’actionnaire, en se fondant sur les alinéas 143(5)(b) et (e) de la Loi sur les banques. Ces alinéas autorisent la Banque à refuser d’inclure des propositions dans une circulaire s’il apparaît nettement que les propositions ont pour objet principal de faire valoir contre la Banque ou ses administrateurs, ses dirigeants ou les détenteurs de ses valeurs mobilières une réclamation personnelle ou d’obtenir d’eux la réparation d’un grief personnel, ou s’il y a abus à des fins publicitaires des droits que l’actionnaire a de présenter des propositions.

Les dispositions pertinentes de la Loi sur les banques sont essentiellement identiques à celles que l’on retrouve aux alinéas 137(5)(b) et (e) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA). Toutefois, comme le note l’honorable juge Silcoff dans ses motifs, il y a pour ainsi dire une disette de jurisprudence tant en vertu de la Loi sur les banques qu’en vertu de la LCSA relativement à la question des motifs justifiant le refus d’inclure des propositions d’actionnaires.

Il est maintenant reconnu qu’une proposition peut être exclue aux termes du paragraphe 143(5)(b) de la Loi sur les banques s’il apparaît nettement, à première vue, que la proposition a pour objet de faire valoir une réclamation personnelle ou d’obtenir la réparation d’un grief personnel. Cependant, jusqu'à une époque récente, il n’y avait pas à notre connaissance de jurisprudence reconnaissant clairement le droit d’une banque ou d’une société régie par la LCSA d’exclure des propositions « neutres » d’actionnaires présentées de façon abusive par un actionnaire, aux termes des alinéas 143(5)(b) ou (e).

Dans sa décision du 8 décembre 2009, l’honorable juge Silcoff a conclu que le cadre dans lequel les propositions d’actionnaires avaient été soumises, lequel comprenait un contentieux permanent avec la Banque, de récentes procédures judiciaires introduites par l’actionnaire contre la Banque demandant la révocation de certains administrateurs, la sollicitation illégale de procurations par l’actionnaire qui avait été confirmée par une ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, un « barrage » de plaintes contenues dans bon nombre de lettres et de courriels adressés par l’actionnaire à différents dirigeants et administrateurs de la Banque, et un comportement abusif et perturbateur lorsque l’actionnaire a assisté à la dernière assemblée générale annuelle de la Banque, démontrait nettement que les propositions avaient pour objet principal de faire valoir contre la Banque des réclamations personnelles ou d’obtenir la réparation de griefs personnels et qu’elles avaient été présentées de façon abusive à des fins de publicité personnelle.

La Cour a jugé, de manière significative, que bien que certaines des propositions puissent à première vue paraître « neutres », elles devaient tout de même être exclues compte tenu du moment choisi pour les présenter, des circonstances dans lesquelles elles ont été présentées et de [traduction] « l’exercice abusif évident par [l’actionnaire] de ce qui pourrait, dans des circonstances normales, être considéré comme ses droits en qualité d’actionnaire ». En d’autres termes, la Cour a nettement établi que le cadre dans lequel des propositions sont présentées peut être suffisant pour justifier le refus d’inclure ces propositions dans une circulaire de sollicitation de procurations par la direction.

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