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La Cour fédérale statue sur la portée de l’« activité commerciale » en vertu de la LPRPDE

La décision rendue récemment par la Cour fédérale du Canada dans l’affaire State Farm Mutual Automobile Insurance Company c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) peut s’avérer à la fois un soulagement et une déception pour les sociétés assujetties à la législation sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé au Canada. La décision de la Cour a quelque peu clarifié les types d’« activités commerciales » régis par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) mais n’a pas réglé la question de la validité constitutionnelle de la LPRPDE à l’égard des activités intraprovinciales de sociétés régies par le droit provincial.

 

 

 

La LPRPDE s’applique aux organisations qui recueillent, utilisent ou communiquent des renseignements personnels dans le cadre d’« activités commerciales ». La LPRPDE définit l’« activité commerciale » comme étant toute activité régulière ainsi que tout acte isolé ou transaction qui revêt un caractère commercial de par sa nature. Bien que la LPRPDE soit une loi fédérale, elle s’applique également dans toute province qui n’a pas adopté de législation sur la protection des renseignements personnels du secteur privé qui est « essentiellement similaire » à la LPRPDE.

 

 

 

Notamment, aux termes de la LPRPDE, les renseignements personnels qui concernent une personne ne peuvent être recueillis, utilisés ni communiqués à l’insu de cette personne et sans son consentement, sauf dans des circonstances limitées. La LPRPDE accorde également aux personnes le droit d’accès aux renseignements personnels les concernant que détiennent les organisations assujetties à la LPRPDE.

 

 

 

L’affaire State Farm découle d’un accident de voiture impliquant Mme Jennifer Vetter et M. Gerald Gaudet qui est survenu au Nouveau-Brunswick. Mme Vetter était assurée en vertu d’une police de State Farm. En prévision d’un procès, State Farm a retenu les services d’un avocat pour qu’il représente Mme Vetter. Sur les conseils de l’avocat, State Farm a également engagé un enquêteur privé pour exercer une surveillance vidéo de M. Gaudet.

 

 

 

Avant que M. Gaudet n’intente une action civile, il a demandé à State Farm de lui remettre toute bande vidéo de la surveillance dont il a fait l’objet, conformément à la LPRPDE. State Farm a rejeté la demande au motif que la LPRPDE ne s’appliquait pas. Après que la poursuite a été intentée, State Farm a également invoqué le privilège relatif aux litiges à l’égard des bandes vidéo. M. Gaudet a déposé une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée dans laquelle il affirmait que State Farm avait violé la LPRPDE en refusant de lui communiquer les renseignements personnels le concernant, en communiquant ces renseignements personnels à des tiers sans son consentement et en omettant de prendre des précautions suffisantes pour protéger ses renseignements personnels.

 

 

 

Le Commissaire a ouvert une enquête relativement à la plainte et a transmis à State Farm une lettre demandant de lui remettre des documents et des renseignements. Suite à la réception de cette lettre, State Farm a demandé un jugement déclaratoire à la Cour à l’effet que le Commissaire n’avait pas le pouvoir d’enquêter relativement à la plainte de M. Gaudet. State Farm a en outre contesté la validité constitutionnelle de la LPRPDE. State Farm a allégué que l’application de la LPRPDE aux activités commerciales régies par le droit provincial dépassait la compétence du gouvernement fédéral.

 

 

 

Afin de déterminer si la LPRPDE était applicable, la Cour a évalué la question à savoir si la collecte des données de surveillance constituait une « activité commerciale ». Le Commissaire a soutenu que la relation entre State Farm et Mme Vetter était de nature entièrement commerciale, étant fondée sur un contrat d’assurance. Elle a de plus déclaré que la surveillance de M. Gaudet se rapportait à cette relation puisque State Farm avait un intérêt à minimiser les sommes qu’il lui aurait fallu verser en vertu de ce contrat d’assurance.

 

 

 

La Cour a conclu que le facteur dominant à prendre en compte pour établir le caractère commercial de cette activité ou tâche selon la LPRPDE est la qualification première de l’activité ou tâche en cause. Dans cette affaire, la Cour a jugé que l’activité principale était la collecte de renseignements afin de présenter une défense adéquate dans une action en responsabilité civile. Selon la Cour, cette activité n’était pas une activité commerciale même si des tiers ont été engagés pour mener cette activité ou cette tâche au nom d’une autre personne. Par conséquent, la Cour a déclaré que les bandes vidéo de M. Gaudet n’étaient pas assujetties à la LPRPDE.

 

 

 

Ayant jugé qu’elle pouvait rendre une décision sur le fond sans examiner la constitutionnalité de la LPRPDE, la Cour a refusé de statuer sur cette dernière question.

 

 

 

Remarques de McCarthy Tétrault

 

 

 

Les sociétés régies par la LPRPDE peuvent être quelque peu soulagées par cette décision. En déclarant que la collecte de renseignements personnels dans le contexte d’un litige civil ne constitue pas une « activité commerciale » et n’est donc pas assujettie à la LPRPDE, cette décision a permis d’éviter une interaction éventuelle très complexe entre les droits d’accès aux renseignements personnels et le privilège du secret professionnel de l’avocat.

 

 

 

D’un autre côté, plusieurs espéraient que cette décision réglerait la question de la constitutionnalité de la LPRPDE à l’égard de son application aux activités intraprovinciales des entités régies par le droit provincial. Puisque la Cour a refusé de régler cette question, le statu quo est maintenu à cet égard, du moins pour l’instant.

 

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