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La communication entre l’employeur et ses salariés lors de négociations collectives

Lors des négociations collectives, l’employeur doit considérer certains facteurs quant aux communications avec ses employés. Ces facteurs incluent l’interaction entre la liberté d’association et la liberté d’expression, et les conditions à respecter lors de telles communications. Nous abordons des illustrations pratiques ainsi que les conséquences de l’ingérence de l’employeur dans le cadre de négociations collectives et vous donnons des conseils pratiques.

Liberté d’association1 versus liberté d’expression

En matière de négociation entre un employeur et le syndicat, il est souvent tentant pour l’employeur de s’adresser directement à ses salariés afin de faire valoir certains points. Toutefois, le Code du travail, dans le but de protéger la dimension proprement collective du droit d’association, interdit à l’employeur d’entraver, de dominer ou de financer la formation ou les activités d’une association de salariés ou même d’y participer.

Dans le cadre de négociations pour le renouvellement d’une convention collective, ceci se traduit par l’interdiction à l’employeur de contourner l’association accréditée comme unique représentante collective des salariés.

La ligne entre la liberté d’expression et l’interdiction que comporte le Code du travail est tracée en fonction du contexte, du contenu et des conséquences des communications.2

L’employeur peut communiquer avec ses salariés, mais il ne doit pas chercher à entraver les activités du syndicat. Dans le cadre de négociations du renouvellement d’une convention collective, l’employeur doit négocier avec l’association, qui représente les salariés, et non avec ces derniers directement. L’employeur qui désire communiquer de manière directe avec ses employés durant une négociation doit le faire avec la plus grande prudence.3 La règle de base est qu’il ne doit pas chercher à influencer directement les salariés dans la négociation de leurs conditions de travail.

Conditions à respecter lors de communications entre l’employeur et les salariés

En matière de liberté d’expression de l’employeur, les limites fixées par les tribunaux sont les suivantes :

  • L’employeur ne doit faire aucune menace, directement ou indirectement.
  • L’employeur ne doit faire aucune promesse, directement ou indirectement, pour amener les salariés à adopter son point de vue.
  • L’employeur doit tenir des propos défendables quant à leur réalité et qui ne visent pas à tromper.
  • Les interlocuteurs doivent être libres ou non d’écouter ou de recevoir son message.
  • L’employeur ne doit en aucun temps utiliser son autorité d’employeur dans le but d’influencer les salariés.4

Dans un contexte plus spécifique de négociation collective, l’employeur doit, en plus de tenir compte des dispositions du Code du travail relatives au monopole de représentation syndicale, respecter l’obligation de négocier de bonne foi. Les conditions qui, dans un tel contexte, permettront d’apprécier l’équilibre entre le droit à la liberté d’expression de l’employeur et la protection contre l’ingérence sont les suivantes :

  • le contexte des communications;
  • le contenu de celles-ci; et
  • les conséquences.

La communication qui porte directement sur la négociation d’une convention collective ou de son renouvellement doit être empreinte de modération, de rationalité, de vérité.

Illustrations pratiques

Un employeur de l’industrie de la presse qui informe publiquement, dans la page des lecteurs, en présentant des données factuelles et une analyse globale de l’état des négociations, ne fait pas preuve d’ingérence. De même, un texte d’opinion, plaçant la négociation selon l’optique de l’employeur, peut être publié, pour autant que ceci ne discrédite pas le syndicat et qu’il n’y ait pas de tentative de négocier directement avec les employés.

Toutefois, le fait de communiquer sur Internet des arguments, des remarques éditoriales ou de communiquer une offre avant même d’en avoir discuté à la table des négociations constitue une ingérence dans les activités syndicales et une tentative de négocier directement avec les salariés.

Un employeur pourrait par ailleurs annoncer qu’à défaut d’une entente, il décrétera un lock-out, pour autant que ceci soit véridique et basé sur des faits.

Un employeur peut aussi organiser des rencontres avec les employés, pour autant qu’il présente de l’information factuelle et véridique et que les employés soient libres d’y assister ou non. Ces rencontres ne doivent pas servir pour négocier directement avec les employés.

Conséquences de l’ingérence de l’employeur dans le cadre de négociations collectives

Un employeur qui contrevient aux règles du Code du travail relativement à l’ingérence dans le cadre de négociations collectives s’expose à :

  • une plainte pénale et est passible d’une amende de 100 $ à 1 000 $ pour chaque jour ou fraction de jour que dure l’infraction;
  • une ordonnance de la Commission des relations du travail de cesser toute ingérence dans les affaires syndicales et de s’adresser directement ou indirectement avec les employés couverts par l’unité de négociation au sujet de la négociation en cours;
  • la détermination par la Commission de tout mode de réparation qui lui paraît approprié.

Conseils pratiques

Un employeur qui désire communiquer directement avec ses salariés durant une négociation doit le faire avec la plus grande prudence. Plus spécifiquement, l’employeur:

  • Devrait d’abord mettre au courant les négociateurs syndicaux du contenu de sa communication ainsi que du moyen qu’il compte utiliser;
  • Devrait adresser le même message à tous les salariés compris dans l’unité de négociation;
  • Devrait s’assurer de la véracité de ses propos et ne s’en tenir qu’à de l’information factuelle;
  • Peut faire des comptes rendus sur l’état des négociations, pour autant qu’ils soient factuels et objectifs;
  • Ne devrait, en aucun temps, passer par les salariés pour négocier.


1 Rappelons que la Cour suprême, dans l’arrêt Health Services and Support c. Colombie-Britannique, [2007] 2 R.C.S. 391, a décidé que la liberté d’association couvrait le processus de négociation.

2Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4290 et Ste-Béatrix (Municipalité de), D.T.E. 2004T-1080

3Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 57 c. Caisse populaire Desjardins de Côte St-Paul, D.T.E. 93T-643

4Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 194 c. Disque Amérique inc., D.T.E. 96T-835