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Fusion contestée : la Commissaire obtient gain de cause, mais le Tribunal refuse d’ordonner la dissolution

Le 29 mai dernier, le Bureau de la concurrence (Bureau) a annoncé que le Tribunal de la concurrence (Tribunal) a rendu sa décision dans l’affaire Commissaire de la concurrence c. CCS Corporation. Selon le communiqué de presse du Bureau, le Tribunal a ordonné à CCS Corporation (CCS) de se dessaisir du site d’enfouissement de déchets dangereux Babkirk, refusant ainsi d’accorder la réparation principale recherchée par la Commissaire de la concurrence (Commissaire), soit la dissolution de la transaction.

La Commissaire a donc réussi à établir que la fusion est anticoncurrentielle, mais n’a pas convaincu le Tribunal que la dissolution de la transaction était la seule réparation appropriée en l’espèce, comme elle l’avait plaidé dans le cadre d’une requête préliminaire.

Il s’agit de la première fois qu’une fusion est contestée au motif qu’elle aurait pour effet d’empêcher, plutôt que de diminuer, sensiblement la concurrence. La décision du Tribunal rappelle aussi qu’il est important d’examiner l’impact concurrentiel d’une fusion, même si la transaction ne doit pas faire l’objet d’un préavis au Bureau, puisque les fusions peuvent être contestées jusqu’à un an après leur clôture.

Historique

En janvier 2011, pour la première fois depuis 2005, la Commissaire a saisi le Tribunal d’une demande d’ordonnance de dissolution de l’acquisition par CCS de Complete Environmental Inc (Complete Environmental). Subsidiairement, la Commissaire demandait au Tribunal d’ordonner à CCS de se dessaisir de certains éléments d’actif en faveur d’un acheteur qu’elle aurait préalablement approuvé.

CCS était le seul propriétaire et exploitant d’un site d’enfouissement de déchets dangereux dans le nord-est de la Colombie-Britannique. Complete Environmental a obtenu les autorisations réglementaires nécessaires pour convertir le site de Babkirk en site d’enfouissement de déchets dangereux, ce qui aurait permis à un nouvel entrant de pénétrer le marché.

Toutefois, plutôt que de pénétrer le marché, Complete Environmental a choisi de vendre le site d’enfouissement Babkirk à CCS. La transaction, qui n’avait pas à faire l’objet d’un préavis en vertu de la Loi sur la concurrence, a donné lieu à une enquête du Bureau à l’issue de laquelle la Commissaire a conclu que la fusion allait empêcher sensiblement la concurrence dans le marché de l’élimination des déchets dangereux dans le nord-est de la Colombie-Britannique.

Les vendeurs ont déposé une requête préliminaire, alléguant que la dissolution de la transaction recherchée par la Commissaire n’était pas la réparation appropriée en l’espèce. Le Tribunal a rejeté la requête, notamment parce que les vendeurs n’ont pas réussi à démontrer que le dessaisissement d’éléments d’actif serait une réparation efficace dans les circonstances. En outre, le Tribunal a expressément mentionné qu’en omettant d’identifier un acheteur potentiel, les vendeurs n’avaient pas établi qu’un dessaisissement serait une réparation efficace en l’espèce.

Décision

Bien que le jugement du Tribunal n’ait pas encore été rendu public, les motifs du jugement à venir seront d’un grand intérêt puisqu’ils devraient traiter de plusieurs questions nouvelles en droit de la concurrence canadien, y compris :

  • les circonstances dans lesquelles l’acquisition d’éléments d’actif qui ne servent pas à l’exploitation d’une entreprise aura pour effet d’ « empêcher » sensiblement la concurrence (par opposition à l’acquisition d’une entreprise en exploitation, qui a pour effet de « réduire » la concurrence);
  • les facteurs que le Tribunal a considérés en exerçant sa discrétion d’ordonner le dessaisissement du site d’enfouissement à titre de réparation, plutôt que d’ordonner la dissolution de la fusion comme l’avait demandé la Commissaire. Plus particulièrement, il sera intéressant de voir si le Tribunal a exigé que l’acheteur soit préalablement approuvé par la Commissaire avant d’ordonner le dessaisissement.

Nous publierons une analyse plus détaillée des motifs de jugement du Tribunal lorsqu’ils deviendront publics, vraisemblablement dans un avenir rapproché.

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