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Courses automobiles Mont-Tremblant c. Iredale : la Cour d’appel du Québec confirme la « géométrie variable » de l’article 20 de la Loi sur la qualité de l’environnement

Entre 2003 et 2009, la Ville de Mont-Tremblant a adopté une série de règlements sur le bruit, imposant notamment des contraintes quant aux activités tenues sur un circuit de courses automobiles situé près de la propriété de M. Iredale. La réglementation fait une distinction entre les activités régulières, d’une part, et les activités spéciales et d’essais, d’autre part. Alors que les premières sont régies par des mesures variées dont l’imposition de maxima sonores objectifs, les secondes sont limitées quant au nombre, à l’horaire et à la durée, sans référence à une norme sonore.

Parmi les nombreux motifs de contestation soumis à la Cour supérieure par M. Iredale, une des prétentions était que la réglementation municipale était inconciliable avec l’article 20 de la Loi sur la qualité de l’environnement (L.q.e.), puisqu’elle ne prévoyait pas de limite de bruit objective pour certaines activités.

L’article 20 L.q.e., disposition fondamentale en droit de l’environnement au Québec, prohibe l’émission et le rejet de contaminants, selon plusieurs cas de figure. Plus particulièrement, l’article 20 L.q.e. in fine édicte que nul ne peut émettre ou rejeter dans l’environnement un contaminant « susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain ».

En première instance, la Cour supérieure avait tranché que l’absence d’une limite sonore normative pour la tenue d’événements spéciaux et d’essais « dépasse l’entendement et désincarne la finalité même de l’article 20 L.q.e. »

Le 9 août 2013, la Cour d’appel, sous la plume de l’honorable juge Marie-France Bich, accueille l’appel de la municipalité et rejette l’action du demandeur.

Tout en reconnaissant que les normes municipales doivent respecter la loi provinciale, la Cour d’appel précise que la prohibition de la dernière partie de l’article 20 L.q.e. n’est pas absolue et repose nécessairement sur une appréciation au cas par cas :

« [99] S’agissant de ce contaminant particulier qu’est le son, il est en effet inutile de mentionner que le législateur n’a pas voulu bannir tout bruit ou tout son. C’est le bruit excessif qui, seul, peut être visé. Or, ce qui est excessif dépend du contexte. C’est un truisme en effet de dire que la nocivité du bruit, aux fins du troisième volet de l’article 20 L.q.e., ne peut être évaluée pareillement dans un centre urbain et dans un lieu champêtre, dans un quartier résidentiel et dans un quartier industriel. En outre, la nocivité elle-même (et encore davantage quand elle n’est que potentielle) est un concept intrinsèquement fluctuant : ainsi, un bruit continu peut être nocif alors qu’un bruit ponctuel de même intensité ne le sera pas; un bruit peut être moins nocif si l’on met en place, autour de sa source, des mesures d’atténuation, et ainsi de suite. Par conséquent, bien qu’elle prétende édicter une prohibition et use du langage de celle-ci, l’article 20 L.q.e. énonce plutôt une norme subjective et forcément tributaire d’un examen factuel, contextualisé et individualisé des situations qu’elle est susceptible de viser. Manifestement, cette norme ne saurait s’appliquer de la même façon sur l’ensemble du territoire québécois et ne saurait davantage s’appliquer dans l’abstrait. 

[100] Autrement dit, l’article 20 L.q.e., dans son troisième volet, énonce une norme qui requiert une analyse multifactorielle, qui dépend des circonstances et d’un exercice de conjugaison d’intérêts immanquablement variés (et même variables) ainsi que de facteurs et d’éléments scientifiques, économiques et sociaux changeants, dont la preuve, il va sans dire, doit être faite. En somme, il s’agit d’une prohibition à géométrie variable, mais qui demeure essentiellement conjoncturelle. » (Nos soulignements)

La Cour d’appel mentionne que même si l’article 20 L.q.e. permet de considérer le principe de précaution, son application ne peut reposer sur des hypothèses uniquement. Bien que cette disposition puisse inclure un événement occasionnel, elle ne couvre pas la simple possibilité de préjudice et ne peut se satisfaire de conjectures.

En ce sens, souligne la Cour d’appel, l’article 20 L.q.e. commande une analyse contextuelle, tout comme celle de l’article 976 C.c.Q., qui régit les inconvénients normaux du voisinage « suivant la nature ou la situation de leurs fonds ou suivant les usages locaux ».

Appliquant ces principes à l’analyse de la réglementation de la Ville de Mont-Tremblant, la Cour d’appel conclut qu’au terme d’un « exercice contextualisé et particularisé », la municipalité a choisi de « raréfier, en quelque sorte, les occasions de bruit excessif » en limitant les journées d’activités spéciales et d’essais. Ajoutant que l’article 20 L.q.e. ne nécessite pas nécessairement l’imposition d’une limite sonore objective, la Cour indique que, bien que la présence du circuit génère des « inconvénients auditifs occasionnels », la preuve ne révèle pas de manière prépondérante que ceci soit de nature à mettre en péril la santé, le confort et le bien-être des citoyens.

La Cour d’appel conclut donc qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre l’article 20 L.q.e. et la réglementation municipale, dont elle confirme la validité.

Commentaires de McCarthy Tétrault

Cette affaire rappelle que la prohibition de l’article 20 L.q.e. in fine n’est pas absolue. Elle démontre combien les normes environnementales, tel l’article 20 L.q.e. et l’article 976 C.c.Q., requièrent un examen factuel, contextualisé et individualisé des situations qu’elles sont susceptibles de viser. La décision de la Cour d’appel confirme aussi la latitude dont jouissent les municipalités dans la façon de réglementer une nuisance potentielle comme le bruit. Enfin, elle rappelle la nécessité pour les demandeurs de faire une preuve sérieuse et non conjecturelle pour se décharger de leur fardeau.

Pour toute question relative à cette décision ou pour d’autres conseils en matière de droit de l’environnement, vous êtes invités à contacter un avocat de notre groupe du droit de l’environnement.