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Comprendre et réduire le risque de corruption par des intermédiaires dans le cadre de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers du Canada

1. Introduction

Le recours à des intermédiaires dans le cadre d’activités internationales ou d’activités de prospection de clientèle, qu’il s’agisse de consultants, de représentants des ventes, de courtiers en douane, d’entrepreneurs ou de distributeurs, est souvent inévitable, notamment pour l’application de la législation du pays étranger qui exige l’embauche d’un intermédiaire local, pour des raisons culturelles et linguistiques ou pour des raisons pratiques ou logistiques. L’embauche d’intermédiaires comporte toutefois son lot d’incertitudes et constitue l’un des aspects les plus importants de la lutte contre la corruption des sociétés canadiennes. Le texte qui suit donne un aperçu général i) de la responsabilité que des sociétés canadiennes peuvent engager du fait d’intermédiaires aux termes de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE) et ii) des stratégies de réduction du risque offertes aux sociétés canadiennes qui y sont exposées.

2. La LCAPE, le Code criminel et la législation anti-corruption indirecte

Aux termes du paragraphe 3(1) de la LCAPE, « [commet] une infraction quiconque, directement ou indirectement, dans le but d’obtenir ou de conserver un avantage dans le cours de ses affaires, donne, offre ou convient de donner ou d’offrir à un agent public étranger ou à toute personne au profit d’un agent public étranger un prêt, une récompense ou un avantage de quelque nature que ce soit… » (les italiques sont de nous).

L’expression « directement ou indirectement » vise sans aucun doute les paiements ou autres avantages offerts par l’entremise d’un tiers, y compris des mandataires. Un particulier et une entité peuvent donc engager leurs responsabilités en vertu de la LCAPE pour des paiements ou des promesses illicites faits en leur nom par un mandataire, un consultant ou un autre représentant à un agent public étranger ou à toute personne au profit d’un agent public étranger si le particulier ou l’entité soit avait connaissance du caractère illicite du paiement ou de la promesse, soit l’a volontairement ignoré.

Le Code criminel renferme des dispositions analogues en matière de responsabilité des sociétés. Aux termes de l’article 22.2, on considérera qu’une société a participé à une infraction lorsque l’un de ses cadres supérieurs, sachant qu’un agent de l’organisation participe à l’infraction ou est sur le point d’y participer, omet de prendre les mesures voulues pour l’en empêcher. Au sens du Code criminel, « agent » s’entend au sens large et est ainsi défini : « s’agissant d’une organisation, tout administrateur, associé, employé, membre, mandataire ou entrepreneur de celle-ci ».

3. R. c. Briscoe et la doctrine de l’« ignorance volontaire »

Partant de l’hypothèse selon laquelle la grande majorité des sociétés canadiennes ne se livreront pas ni ne participeront d’emblée à des activités contraires à la LCAPE, il s’agit le plus souvent de savoir dans quelle mesure une organisation peut-elle engager sa responsabilité du fait de la conduite de ses mandataires ou représentants, même si l’organisation ne dicte pas expressément un tel comportement. On doit alors examiner de plus près la doctrine de l’« ignorance volontaire », soit le principe voulant qu’une personne soit en droit canadien passible d’une poursuite au criminel pour des gestes posés par d’autres personnes, si elle a une vague connaissance de l’intention, mais a délibérément évité de se renseigner sur des questions en vue d’invoquer l’ignorance.

Dans l’arrêt R. c. Sault Ste. Marie1,la Cour suprême du Canada établit le critère de la mens rea dans le cas d’une infraction criminelle lorsque la législation applicable ne précise aucun critère, comme c’est le cas pour la LCAPE. La Cour a statué :

« Dans le cas d’une infraction criminelle, le ministère public doit établir un élément moral, savoir, que l’accusé qui a commis l’acte prohibé l’a fait intentionnellement et sans se soucier des conséquences, en étant conscient des faits constituant l’infraction ou en refusant volontairement de les envisager » 2.

À cet égard, la Cour d’appel de l’Alberta dans la décision R. v. Briscoe3 et la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Briscoe4 ont récemment exposé la portée et le fond de la doctrine de l’« ignorance volontaire ». En l’espèce, il s’agissait de savoir si l’ignorance volontaire pouvait être invoquée pour établir si une personne qui était présente pendant la planification et l’exécution d’un meurtre avait ou non la connaissance et l’intention requises pour être déclarée coupable de la même infraction criminelle.

La Cour d’appel de l’Alberta a statué que la doctrine de l’ignorance volontaire « [TRADUCTION] est bien établie en droit canadien » 5.Citant la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Sansregret6,la Cour d’appel résume la doctrine comme suit :

[TRADUCTION] « L’ignorance volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l’ignorance. La culpabilité […] dans le cas de l’ignorance volontaire […] se justifie par la faute que commet l’accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu’il sait qu’il y a des motifs de le faire »7.

La Cour d’appel a expliqué que la doctrine de l’ignorance volontaire « [TRADUCTION] n’est pas fondée sur le principe de ce qu’aurait fait une personne raisonnable; elle repose plutôt sur une conclusion selon laquelle l’accusé, ayant des doutes réels, s’est délibérément abstenu de se renseigner pour ne pas obtenir confirmation de ses doutes » 8.

La Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d’appel de l’Alberta, soulignant dans sa décision que la doctrine de l’ignorance volontaire « impute une connaissance à l’accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire. […] [p]our conclure à l’ignorance volontaire, il faut répondre par l’affirmative à la question suivante : L’accusé a-t-il fermé les yeux parce qu’il savait ou soupçonnait fortement que s’il regardait, il saurait?»

4. La LCAPE, les intermédiaires et la réduction du risque

Les sociétés canadiennes qui souhaitent réduire leur risque de responsabilité aux termes de la LCAPE dans le cadre de l’embauche de mandataires ou de consultants étrangers peuvent-ils tirer un enseignement de l’arrêt R c. Briscoe?

a) L’importance du contrôle préalable à l’embauche

Il est primordial de procéder à un contrôle préalable exhaustif à l’égard de tous les intermédiaires étrangers. Conformément à la doctrine de l’ignorance volontaire, on reconnaît la culpabilité à la décision délibérée de s’abstenir de se renseigner et de faire des recherches à l’égard d’actes répréhensibles ou potentiellement répréhensibles. Autrement dit, la culpabilité découle directement du refus d’une personne de se renseigner ou d’obtenir de l’information supplémentaire par crainte de ce que ces révélations pourraient lui apprendre. Ainsi, afin de ne pas être passibles de poursuites au criminel en vertu de la LCAPE pour des gestes posés par un intermédiaire, les sociétés canadiennes et leurs représentants devraient procéder à un contrôle préalable rigoureux de tous les intermédiaires qu’elles envisagent d’embaucher au moindre doute de pratiques de corruption d’agents publics étrangers.

Un contrôle préalable rigoureux comprendra, à tout le moins, un examen approfondi des compétences, des références professionnelles, des ressources, de la réputation et de l’expérience de l’éventuel intermédiaire, de même que toutes ses actuelles et anciennes affiliations. Il faut obtenir des réponses à un certain nombre de questions. L’intermédiaire a-t-il déjà rendu des services analogues et, le cas échéant, pour le compte de quels clients? Quelle est la réputation de l’intermédiaire et de tous ses anciens clients, et ces personnes ou entités ont-elles déjà été accusées de quelque conduite répréhensible ou associées à celle-ci? L’intermédiaire possède-t-il les compétences, les références professionnelles, les ressources et l’expérience nécessaires à la prestation des services offerts? La rémunération que demande l’intermédiaire correspond-elle aux services qui doivent être rendus? La rémunération se compare-t-elle à celle demandée par des intermédiaires possédant les mêmes compétences dans le même marché ou secteur d’activité? Qui sont les actionnaires ou dirigeants de l’intermédiaire? L’information sur les activités, la direction et la structure du capital de l’intermédiaire est-elle facilement accessible? L’intermédiaire a-t-il déjà travaillé au sein d’un gouvernement ou d’un organisme gouvernemental dans le territoire visé ou dans quelque territoire connexe? L’intermédiaire a-t-il des liens avec un gouvernement, directement ou indirectement, et notamment des liens familiaux ou occasionnels?

b) Envisager l’embauche de mandataires pour le contrôle préalable

Selon les circonstances, il peut être difficile pour une société d’obtenir des réponses valables aux questions énumérées ci-dessus. Le cas échéant, les sociétés devraient envisager de confier le contrôle préalable à des mandataires indépendants. Ces mandataires peuvent mener un certain nombre de recherches qu’une société ou ses conseillers juridiques ne sont pas en mesure de mener efficacement. D’abord, parlant couramment la langue du territoire étranger, ils peuvent consulter des sources et des références auxquelles la société n’aurait par ailleurs pas accès. Non seulement peuvent-ils examiner l’information rédigée exclusivement dans la langue locale, mais aussi consulter des références et d’autres sources pertinentes quant à l’expérience, aux références professionnelles et à la réputation de l’intermédiaire. Deuxièmement, ils peuvent avoir facilement accès à certaines listes de surveillance, et à certains registres d’entreprise ou dossiers judiciaires pertinents auxquels une société ou ses conseillers juridiques n’auraient pas accès, notamment les listes de surveillance gouvernementales de personnes qui exerceraient des activités illégales, notamment des personnes soupçonnées de corruption, de blanchiment d’argent, de terrorisme et de quelque autre crime international, de même que les bases de données des « personnes politiquement vulnérables » visant à répertorier les sociétés, le personnel et les autres personnes associés ou affiliés à des gouvernements, à des organismes gouvernementaux et à des entités d’État. Enfin, ces mandataires peuvent être en mesure de mener directement des entrevues avec un éventuel intermédiaire, de même que des visites des bureaux de l’intermédiaire afin de confirmer les déclarations correspondantes de l’intermédiaire, notamment quant aux ressources, au personnel et à l’expérience.

c) Adopter une méthode fondée sur le risque en matière de contrôle préalable des intermédiaires

La portée et l’ampleur du contrôle préalable d’un intermédiaire tiendront à la situation particulière d’une société et à la situation particulière de l’intermédiaire. La corruption est plus endémique dans certaines régions que dans d’autres. De même, le « volet industriel » d’une société ou d’un projet en particulier est de première importance. En général, le secteur des ressources, notamment le pétrole et le gaz et l’exploitation minière, et en particulier le secteur des ressources des pays émergents, passent pour des nids de corruption (et représentent donc l’une des principales préoccupations des organismes et des politiques de lutte contre la corruption). Parmi les autres principaux signaux d’alarme, il convient peut-être de surveiller dans quelle mesure l’exercice d’une activité dans le secteur industriel visé tient à l’obtention de licences et de permis gouvernementaux, de même que la portée du pouvoir de surveillance et d’inspection du gouvernement, y compris, notamment, en matière de dédouanement et d’immigration. La même observation s’applique dans le cas d’une société qui vend couramment des produits ou services à un gouvernement, à des organismes gouvernementaux ou à des entités d’État. Autrement dit, plus le secteur industriel est soumis au contrôle et à l’ingérence du gouvernement, plus il y a un risque de corruption d’agents publics, qu’il émane d’un fonctionnaire du gouvernement ou d’un intermédiaire.

d) Examiner les signaux d’alarme qu’envoie un éventuel ou actuel intermédiaire

Les sociétés devraient examiner attentivement d’éventuels signaux d’alarme propres à un intermédiaire en particulier. Il convient ici encore de se poser un certain nombre de questions. L’intermédiaire réside-t-il dans le pays dans lequel les services seront offerts? L’intermédiaire est-il constitué en société dans un paradis fiscal? L’intermédiaire refuse-t-il de divulguer tous les renseignements raisonnablement demandés, notamment quant à son ou ses propriétaires et à sa structure du capital? Existe-t-il des motifs de croire que l’intermédiaire a un associé non déclaré? L’intermédiaire délègue-t-il régulièrement la prestation de ses services à des entrepreneurs ou à des sous-entrepreneurs? Peut-on obtenir facilement l’identité de ses sous-entrepreneurs? L’intermédiaire recommande-t-il les services de tiers dont il est difficile d’établir la contribution? L’intermédiaire souhaite-t-il se réserver le droit de céder à des tiers ses droits ou obligations aux termes de l’entente de mandat? Les livres et registres financiers de l’intermédiaire ont-ils été préparés par un spécialiste et sont-ils facilement accessibles? L’intermédiaire demande-t-il la préparation de documents financiers inhabituels? Les virements télégraphiques affichent-ils tous l’identité de l’expéditeur et du destinataire? L’intermédiaire exige-t-il une commission ou un paiement forfaitaire unique extraordinairement élevé? L’intermédiaire demande-t-il que les paiements soient versés en espèces ou à une banque dans un pays étranger sans rapport avec l’opération? L’intermédiaire demande-t-il à la société de faire des contributions politiques ou des dons à des organismes caritatifs? L’intermédiaire a-t-il été recommandé à la société par un agent public étranger? Dans quelle mesure l’intermédiaire connaît-il la législation et les politiques et procédures en matière de lutte contre la corruption, notamment les attestations de conformité sous serment? L’intermédiaire rechigne-t-il à collaborer aux procédures de contrôle préalable ou à donner par écrit des déclarations, des garanties, des engagements ou des droits d’audit ou de révocation relatifs à la législation contre la corruption et à la conformité?

e) Mettre fin au mandat de l’intermédiaire lorsque le niveau de risque de corruption devient inacceptable

Le contrôle préalable des intermédiaires n’immunise pas en soi une société contre la responsabilité en vertu de la LCAPE : une société doit aussi bien sûr mettre fin au mandat d’un intermédiaire dont on découvre qu’il présente un risque de corruption inacceptable, de manière à ce qu’il ne puisse pas faire de quelque manière valoir que la société appuyait ou avalisait les activités de corruption auxquelles il se livrait.

À quel moment, toutefois, franchit-on exactement ce seuil? Autrement dit, sur la foi de quelles preuves suffisantes peut-on raisonnablement présumer qu’un intermédiaire se livrera ou peut se livrer à des activités de corruption? Il n’existe aucune réponse simple à cette question. Dans la décision United States v. Kozeny, une affaire de malversation entre un intermédiaire et des fonctionnaires du gouvernement en Azerbaïdjan, le tribunal a souligné que le défendeur i) était au courant de la corruption endémique en Azerbaïdjan, ii) connaissait le passé criminel de l’intermédiaire, iii) avait délibérément monté une structure d’entreprise en vue d’éviter d’engager sa responsabilité en vertu de la législation anti-corruption et iv) avait délibérément évité de mener un contrôle préalable quant à ses doutes concernant les activités de corruption de ses associés10,autant de faits troublants. Le tribunal a en effet statué que l’on pouvait conclure de cette même preuve que le défendeur connaissait effectivement les crimes. Tous les mandats d’intermédiaires possibles ne présenteront toutefois pas des motifs de révocation aussi équivoques, et, en pareil cas, les entreprises doivent faire preuve de discernement et surtout de prudence. Si des questions particulières sont soulevées, elles doivent sans délai être rigoureusement examinées et, si cet examen n’a pas permis de résoudre toutes les questions, il y a lieu de remettre sérieusement en doute l’opportunité du mandat proposé.

f) Inclure des protections appropriées dans les contrats d’intermédiaires

Lorsqu’une société retient effectivement les services d’un intermédiaire dans le cadre d’activités à l’étranger, ce mandat doit toujours faire l’objet d’une entente de mandat exhaustive qui renferme, notamment, des déclarations, des garanties, des engagements et des droits connexes rigoureux en matière de lutte contre la corruption.

Toutes les ententes de mandat ou de consultation visant des activités dans des territoires étrangers devraient notamment comprendre, au minimum, i) une description précise des services que l’intermédiaire doit rendre, ii) une description précise de la durée du mandat de l’intermédiaire, iii) des déclarations et des garanties de l’intermédiaire quant à l’absence d’affiliations avec des agents publics étrangers, iv) des engagements de l’intermédiaire de se conformer à l’ensemble de la législation applicable (y compris la législation contre la corruption) et de donner en temps utile avis de quelque modification de sa situation qui rendrait ces déclarations et garanties fausses ou inexactes, v) des engagements de l’intermédiaire de ne pas retenir les services de sous-entrepreneurs sans le consentement écrit exprès préalable de la société, vi) des engagements de l’intermédiaire d’attester, au moins une fois par année, qu’il respecte la législation contre la corruption, vii) des engagements de l’intermédiaire de tenir des livres et registres financiers détaillés renfermant, notamment, l’ensemble des distributions et des décaissements de fonds qu’il a faits, viii) des droits d’audit en faveur de la société lui donnant accès aux livres et registres de l’intermédiaire en vue de confirmer qu’il respecte la législation contre la corruption, ix) des indemnités en cas de manquement de l’intermédiaire à ses déclarations, garanties ou engagements aux termes de l’entente et x) des droits permettant à la société de résilier immédiatement l’entente de l’intermédiaire au moindre soupçon de manquement à la législation contre la corruption.

g) Maintenir la surveillance des intermédiaires tout au long de leur mandat

Une entente de mandat exhaustive ne règle toutefois pas tout. Les sociétés devraient aussi maintenir leur surveillance des intermédiaires pendant toute la durée du mandat par des moyens de surveillance appropriés et un exercice des droits contractuels d’accès et d’audit.

Quelques exemples d’instances en application de la loi des États-Unis intitulée Foreign Corrupt Practices Act sont riches d’enseignements. Dans l’affaire Oil States International, Inc.11, par exemple, une filiale vénézuélienne d’Oil States a embauché un consultant local à titre d’intermédiaire entre elle et PDVSA, intermédiaire qui a ultérieurement été impliqué dans une affaire de pots-de-vin avec certains employés de PDVSA. Une enquête interne de la direction américaine de la filiale sur une réduction inexpliquée des marges bénéficiaires a permis de mettre au jour ces malversations et l’entente de l’intermédiaire a été résiliée. Même si la SEC a reconnu qu’il n’y avait « [TRADUCTION] aucune preuve que des employés [de la filiale] ou d’Oil States aux États-Unis connaissaient ou approuvaient les malversations », elle a aussi souligné que i) Oil States ne s’était pas renseignée sur les antécédents de l’intermédiaire; ii) Oil States n’avait donné aucune formation officielle à l’intermédiaire sur les obligations de la FCPA et iii) aucune disposition de l’entente de l’intermédiaire ne portait sur la conformité à la législation américaine, y compris la FCPA. En revanche, dans l’affaire SEC v. Bobby Benton12, un courtier en douane embauché par une filiale mexicaine de Pride International, Inc. a de son propre chef décidé d’offrir un pot-de-vin d’environ 15 000 $ en vue d’assurer l’exportation en temps utile d’un appareil de forage. On a découvert la manœuvre frauduleuse lorsque le courtier en douane a soumis des factures à la filiale pour le paiement des « heures supplémentaires » effectuées dans le cadre du processus d’exportation. M. Benton, un vice-président de Pride qui a découvert les manœuvres frauduleuses, mais qui a ultérieurement omis d’en faire part à la direction de la société, au service du contentieux et à l’auditeur, a été personnellement accusé de violation des dispositions en matière de lutte contre la corruption de la loi des États-Unis intitulée Securities Exchange Act et s’est vu imposer une amende de 40 000,00 $ US13.

Sommaire

Bien que l’ignorance volontaire soit plutôt difficile à prouver dans le cadre de poursuites au criminel, une société ne devrait jamais tolérer le moindre doute à l’égard d’un mandat d’intermédiaire sur le seul fondement de cette prémisse. Une société devrait avoir pour principe de procéder à un contrôle préalable rigoureux avant l’embauche d’un intermédiaire et de maintenir ce contrôle préalable et une surveillance après l’embauche, et de mener sans délai une enquête sur chaque mandat dont elle a des motifs de croire qu’il présente un risque de corruption et, au besoin, de le révoquer. Nul ne saurait par ailleurs banaliser cette analyse au motif que la responsabilité criminelle d’une société et d’un particulier du fait d’un intermédiaire est jusqu’à maintenant assez rare au Canada. Les sociétés canadiennes sont aujourd’hui de plus en plus exposées en matière de lutte contre la corruption, et la réduction du risque que représente un intermédiaire devrait être un élément fondamental de leur stratégie de conformité à la législation.


 

 

1 [1978] 2 SCR 1299
2 Ibid., à 1309
3 2008 ABCA 327 (CanLII)
4 [2010] 1 SCR 411
5 Ibid., au par. 16
6 [1985] 1 SCR 570
7 Supra note 3, au par. 16
8 Supra note 3, au par. 21
9 Supra note 4, au par. 21
10 United States v. Kozeny, No. 09-4704, 2011 WL 6184494
11 http://www.sec.gov/litigation/admin/2006/34-53732.pdf
12 http://www.sec.gov/litigation/complaints/2009/comp21335.pdf
13 http://www.sec.gov/litigation/litreleases/2009/lr21335.htm et http://www.sec.gov/litigation/litreleases/2010/lr21726.htm

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